DAO: nouvelle forme d’organisation des communautés sur internet

Alexandre Stachtchenko & Stanislas Barthélémi, Blockchain Partner by KPMG

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Chronique blockchain. De nouveaux mots fleurissent dans les médias traditionnels. Après NFT ou Web3, les organisations décentralisées autonomes sont sur le devant de la scène.

Le terme DAO est un acronyme signifiant Organisation Décentralisée Autonome. Autrement dit, il s’agit de la structuration d’une communauté qui va se mettre d’accord sur des règles de gouvernance, sur la façon de gérer des décisions et potentiellement une trésorerie dans un but précis. 

Dans le monde réel, le contrat est déjà au cœur des relations entre les individus, que ce soit au sein d’un pays avec une constitution, ou au sein d’une entreprise sous l’égide du droit du travail. Dans une DAO, ces règles ne sont pas que morales ou écrites sur un contrat juridique (ou social pour un pays). En effet, certaines règles de gouvernance peuvent trouver une traduction technique en code informatique dans un smart-contract. 

Une DAO peut mettre en place un vote de ses membres avec un poids dépendant du nombre de jetons détenus.

L’adhésion à une DAO peut s’exercer de différentes manières, cependant, la création d’un jeton ad hoc est la plus répandue dans la communauté à ce jour. 

En guise d’exemple, une DAO peut mettre en place un vote de ses membres avec un poids dépendant du nombre de jetons détenus (entre autres règles possibles comme un membre un vote). En détenant 1,5% des jetons UNI du protocole Uniswap, le fonds américain a16z possède donc 1,5% des voix en cas de vote dans le cadre de UNI. 

Exemple de vote sur Uniswap avec les participants et le poids associé au vote

 

L’enthousiasme autour des DAO depuis quelques mois est lié à l’euphorie d’un marché haussier, ou les actifs et le secteur dans son ensemble sont sous les feux de la rampe. Avec, parmi les actifs ainsi mis en lumières, les jetons de gouvernance eux-mêmes. Mais les DAO constituent un objet d’étude plus sociologique et économique que technique. 

A terme, la circulation des jetons peut rendre effective la décentralisation, le raisonnement ne doit pas être fixiste en la matière. Cependant, les principales DAO qui gèrent les protocoles de finance décentralisée sont en réalité à date des échecs en termes de participations et implications des membres. En effet, la participation ne dépasse guère les 20% pour les protocoles DeFi les plus connus (Uniswap, Sushiswap, Aave) avec une surreprésentation des fonds d’investissement et membres de l’équipe. 

Cela s’explique principalement pour deux raisons: 

  • D’abord une concentration des jetons entre les mains des investisseurs, fonds et membres de l’équipe disposant d’une majorité face à une communauté minoritaire (dans sa détention de jetons) faisant de la DAO une organisation comme une autre. 
  • Ensuite un jeton de DAO qui pour avoir du sens confère des droits de gouvernance sur les décisions, la gestion de la trésorerie et accès à des revenus futurs du protocole. Sur le plan réglementaire, la pratique est tendancieuse et serait probablement considérée comme un titre financier, d'où l'interdiction de certains ressortissants de toucher à ces jetons (notamment américains).

Le fonctionnement très horizontal des DAO est à bien des égards un frein à la «gouvernabilité». Sushiswap en fait les frais et est en cours de restructuration suite à des péripéties et conflits humains dans l’équipe de développement du projet. L’apparition de ces désordres risque de ternir l’euphorie des DAO avec des trésoreries tombant à sec, des conflits inextricables, des hacks ou des DAO activistes prenant le contrôle d’autres.

Une DAO pour investir en commun le sujet des NFT, jeux «Play to Earn» ou Metaverse fait sens.

Néanmoins, des DAO peuvent être plus performantes que des organisations plus traditionnelles comme des fonds de capital risque si elles ont une spécialisation sur une verticale particulière. 

En effet, la nature ouverte du web3, la transparence dans l’accès à l’information peuvent justifier que des individus et autres particuliers passionnés ou professionnels du secteur s'agrègent au sein d’une DAO pour mettre en commun leur thèse d’investissement, le sourcing d’opportunités, ou le capital si l’alignement des intérêts est finement ciselé avec l’économie du jeton, aussi appelée tokenomics. 

Ainsi, dans le secteur du jeu vidéo, les joueurs ont l’habitude de se constituer en guildes (référence historique intéressante). Ces guildes mettent en place une économie, et des règles de gouvernance. Dans cette continuité, une DAO pour investir en commun le sujet des NFT, jeux «Play to Earn» ou Metaverse fait sens. 

Yield Guild Games (YGG), première DAO en la matière, suivie de Merit Circle et d’autres projets du même acabit, surperforment pour l’instant des fonds traditionnels. La DAO YGG est à ce jour assez flexible pour tirer profit à maxima de la profusion d’actifs exotiques tels que: 

  • Titres d’entreprises
  • Terrains virtuels
  • NFT d’objets in-game
  • Slots pour créer des guildes dans un jeu 

Par ailleurs, l’organisation accorde aussi des bourses (dites Scholarships) pour permettre à des joueurs de tirer un revenu en partage avec la guilde qui permet l’utilisation d’actifs, en particulier sur Axie Infinity, créant de fait une nouvelle forme de travail. Huitante guildes ou DAO proposent à ce jour ce programme sur le jeu aux 2 millions de joueurs réguliers. 

En définitive, l’explosion cambrienne des DAO est intéressante à suivre et offre une nouvelle manière de mettre en commun du capital humain et financier plutôt adaptée à l’ère numérique. La constitution d’une telle organisation est un moyen et non une fin censé renforcer la confiance et l’adhésion des participants à un projet. 

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