Le temps est-il venu pour les actions suisses?

Philippe Ferreira, Kepler Cheuvreux Solutions

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L’appréciation du franc, sous l’égide de la BNS, a pénalisé le SMI ces derniers temps. Cela devrait s’inverser avec l’inflation qui reflue rapidement et les baisses de taux qui se profilent.

Le marché action suisse est sensible aux fluctuations de change pour deux raisons. D’une part il est composé de multinationales qui ont des revenus en devise, dont la valeur en CHF diminue lorsque le franc suisse s’apprécie. D’autre part, il est également composé de valeurs industrielles exportatrices, qui ont tendance à être pénalisées par une devise forte.

Depuis plusieurs années, le marché action suisse sous-performe les autres marchés européens en raison de la vigueur de la monnaie mais également compte tenu de sa composition défensive : entreprises pharmaceutiques avec Roche et Novartis, consommation de base avec Nestlé. Enfin, les financières qui pèsent également beaucoup, avaient été pénalisées par les taux négatifs.

Avec la normalisation des taux d’intérêts, les financières ont surperformé le SMI. Mais face à cela, la BNS a implémenté une politique du franc fort en vendant des devises étrangères pour lutter contre l’inflation importée. Dans l’ensemble, le SMI a continué sa sous-performance pendant la phase de forte appréciation du change pilotée par la BNS. Mais cela pourrait être sur le point de changer.

A long terme, la compétitivité de l’économie suisse reste forte et il est peu probable que le franc amorce une phase de baisse prolongée sur les prochaines années.

En effet, l’inflation est désormais largement maîtrisée, à 1,3% en janvier, soit significativement en dessous du plafond de 2%. La BNS commence donc à s’inquiéter du risque que l’inflation soit trop faible et que le franc fort pénalise l’industrie de façon trop marquée. Elle pourrait donc amorcer ce cycle de baisse de taux tant attendu par les investisseurs, dès le mois de mars ou au plus tard en juin.

Au-delà des décisions sur les taux d'intérêt, la BNS semble sur le point de mettre un terme à sa politique de vente de devises étrangères pour apprécier le franc suisse. Il serait temps! De notre point de vue, il est fort probable que la BNS doive adopter prochainement une démarche active d’achat de devises pour affaiblir le CHF. Bien que les fondamentaux, c'est-à-dire les excédents commerciaux et la compétitivité de la Suisse, ne suggèrent pas une faiblesse à long terme du franc, nous pensons qu'un renversement de tendance est probable en 2024. Le SMI en bénéficierait, et aussi bien les larges caps que les small caps exportatrices. Du point de vue des valorisations, le marché suisse se négocie en ligne avec sa moyenne décennale.

Il y a donc une fenêtre pour que les actions suisses redeviennent attractives en 2024, sur la base d’une dépréciation du CHF. En revanche, à long terme, la compétitivité de l’économie suisse reste forte et il est peu probable que le franc suisse amorce une phase de baisse prolongée sur les prochaines années. Enfin, compte tenu de la nature défensive du marché suisse (les spécialistes parlent de «low beta»), il surperforme dans des phases baissières pour les actions globales et il sous-performe dans des marchés haussiers. C’est donc un marché adapté pour les investisseurs prudents, mais au prix d’une sous-performance de long terme. Cependant, après la progression des marchés actions en 2023 et les niveaux de valorisation aux Etats-Unis, tirés par la ferveur autour du thème de l’intelligence artificielle, une certaine prudence est de mise. De ce fait, au-delà de l’effet lié à la dépréciation du CHF, nous pensons que la configuration de marché devrait également favoriser les actions suisses en 2024. 

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