L’effet janvier s’est-il évaporé sur les marchés en 2024?

Philippe Ferreira, Kepler Cheuvreux Solutions

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Cette année, la tendance semble moins robuste, les places financières ayant pris de l’avance fin 2023. Il faudra faire preuve d’ingéniosité pour y pallier.

L’effet janvier a été documenté par la recherche scientifique depuis le milieu des années 70, et suggère que la performance des actions est anormalement élevée au cours du mois de janvier, tirée par un rebond des valeurs qui ont le plus souffert au cours de l’année précédente. Ces effets saisonniers présentent des opportunités mais ne sont pas systématiques, comme le montre ce début d’année pour lequel nous suggérons de la prudence.

De façon empirique, on observe qu’au cours des cinquante dernières années, soit entre 1974 et 2023, le S&P 500 affiche, en médiane, sa meilleure performance mensuelle en janvier (+2,8%). C’est un peu moins le cas pour les actions européennes, mais cet effet janvier a donné lieu à de nombreux travaux qui tendent vers la finance comportementale. En effet, si les marchés étaient parfaitement efficients, cet effet serait arbitré et ne devrait pas exister. Y a-t-il un excès d’optimisme en tout début d’année chez les investisseurs non professionnels, plusieurs études ayant montré que cela était lié au comportement de cette catégorie d’investisseurs? S’agit-il d’un effet flux où les gérants se repositionnent en début d’année après avoir réduit le risque en fin d’année précédente?

L’économie américaine continue de croître à un rythme soutenu, tiré par la consommation.

Une étude récente1 montre une relation étroite entre sous-performance et regain d’intérêt des investisseurs non professionnels en fin d’année. Cette étude, réalisée à partir d’un échantillon de plus de 3300 valeurs sur la période 2004-2019, constate que plus la perte est élevée entre juillet et novembre, plus le regain d’intérêt des investisseurs individuels est significatif en fin d’année. Le regain d’intérêt est constaté à partir de Google Trends et fait l’objet d’un traitement particulier pour s’assurer de sa robustesse. Ce regain d’intérêt se traduit par des volumes d’achat plus élevés et contribuerait à cette surperformance des marchés en janvier.

En 2023, cet effet janvier n’avait pas failli (+6,2%) et certains investisseurs étaient positionnés pour que cela se reproduise en 2024. Les données du régulateur américain sur le positionnement des investisseurs montraient en effet en début d’année un niveau de prise de risque aux plus hauts de cinq ans.

Mais après une fin d’année 2023 en forte hausse, les marchés font une pause et l’effet janvier ne s’est pas présenté cette année. Les marchés actions ont ouvert l’année en légère baisse, pas du tout dans le sens de cette surperformance habituelle.

Il ne faudrait pas pour autant en tirer de conclusions trop négatives pour le reste de l’année. L’économie américaine continue de croître à un rythme soutenu, tiré par la consommation. Certes, cela retarde les baisses de taux tant attendues, mais pour de bonnes raisons. Les ménages américains ne croulent pas sous le poids du service de la dette, le prix des actifs immobiliers reste élevé, et la croissance de la productivité du travail est forte.

En zone euro, le ralentissement économique est en revanche plus marqué et le discours de fermeté monétaire de la BCE n’aide pas. Pour pallier l’absence de l’élan habituel du début d’année sur les actions, nous privilégions les approches flexibles car il faudra probablement aller chercher de la performance du côté des obligations et du crédit en 2024. La BCE commence à se positionner sur une baisse des taux vers la fin du premier semestre, et il sera probablement un peu tard. Dès lors, elle devra agir rapidement pour soutenir l’activité qui serait déjà en récession à l’heure actuelle selon le vice-gouverneur de la BCE. Mais dans un marché où les actions et les obligations restent étroitement corrélées, la baisse des taux sera initialement un facteur de soutien pour les actions, comme cela a été le cas fin 2023.

 


1 Chen, Schmidt, Wang (2021), Retail investor risk-seeking, attention, and the January effect, Journal of Behavioral and Experimental Finance

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