Le risque de dominance financière

Axel Botte, Ostrum AM

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Le marché ignore le message de Powell et exige des baisses de taux.

© Keystone

La conjoncture financière en cette fin de trimestre appelle à la réflexion. Les difficultés des banques relèguent les performances stellaires du 1er trimestre au second plan (+8% sur les actions européennes et la revanche du 60/40 après 2022). Certains prix d’actifs sont incompréhensibles. La faiblesse de la volatilité à 1 mois des actions (V2X, VIX) contraste avec celle des taux d’intérêt et la volatilité implicite des produits 0DTE (options d’échéances journalières) qui concentrent l’essentiel des volumes d’options traités. La liquidation de positions risquées sur le pétrole prend à revers le consensus tablant sur la reprise chinoise et le risque de baisse de la production russe. Le mouvement de fuite vers la qualité ignore totalement le message des Banques centrales sur l’inflation. La baisse du 2 ans vers 3,6% n’est justifiable qu’en assignant une très forte probabilité à un atterrissage brutal de l’économie. Il semble que la reflation des prix d’actifs soit encore perçue par les intervenants comme le remède à tous les maux. La recherche de sécurité traduit peut-être une certaine défiance vis-à-vis de la complexité du passif des banques. Le sauvetage de Crédit Suisse ignorant la priorité des paiements crée un précédent dangereux, quoi qu’en dise l’ABE. Il est frappant de constater que la crise de confiance dans le système bancaire américain intervient alors que les défauts de paiements sont pratiquement à leurs plus bas historiques. Cela n’empêche pas la chute vertigineuse des actifs adossés à l’immobilier commercial (CMBS).

Les marchés d’actions européennes fléchissent sous le poids des valeurs bancaires qui ont effacé la hausse de 2023.
Une résilience des indices remarquable

A l’inverse du malaise financier ambiant, les signaux conjoncturels indiquent une croissance annualisée de l’ordre de 3% au 1er trimestre aux Etats-Unis. La construction de logements montre des signes d’amélioration (hausse des mises en chantier) après une nette progression des transactions. Les inscriptions au chômage (<200k) n’ont jamais reflété les annonces de licenciements nombreuses dans la technologie notamment lors de la dernière saison des résultats. Le retour à l’emploi est rapide, compte tenu du nombre de postes ouverts. La Fed a toutefois abaissé ses projections de croissance à 0,4%A (-0,1pp) au quatrième trimestre 2023 et 1,2% au quatrième trimestre 2024 arguant de l’effet récessif du resserrement des conditions du crédit bancaire. L’inflation sera néanmoins un peu plus forte en 2023 que prévu en décembre mais la baisse du pétrole est bienvenue. La politique de taux est pratiquement inchangée pour 2023. Un fort consensus se dégage au sein du FOMC pour une dernière hausse de 25pb avant un statu quo prolongé puis un allègement de quelque 150pb l’an prochain. Les divergences de vue sont plus marquées pour 2024, les projections de Fed funds s’échelonnant de 3,50 à 5,75%. La trajectoire des taux dépend essentiellement de la sévérité du rationnement du crédit à venir. En zone euro, les enquêtes décrivent une reprise forte de l’activité dans les services (55,6 en mars).

La volatilité actuelle des taux est comparable aux niveaux de 2008. Depuis le début de la crise de confiance, les mouvements journaliers moyens du 2 ans sont de l’ordre de 25pb. Le marché monétaire ignore le mandat de la Fed et projette 75pb d’allègement cette année. Les flux vers les fonds monétaires s’amplifient avec la fuite des dépôts logés dans les banques régionales et les arbitrages justifiés par le niveau des taux courts. L’encours des fonds monétaires totalise plus de 5 000 milliards de dollars. Ces flux se retrouvent sur la facilité de reverse repo de la Fed. Bref, tous les chemins mènent à la Réserve fédérale. L’inversion de la courbe des taux s’est aussi atténuée. Le spread 2-10 ans se situe à -30 pb après avoir touché -110pb. Le T-note rejoint ses plus bas de l’année autour des 3,30%. En zone euro, le Schatz se rapproche de 2,30% après s’être échangé 100pb plus haut en début de mois. La volatilité du 10 ans est à peine plus faible. En revanche, les spreads souverains résistent. La dette italienne est restée sous 200pb. L’asymétrie des volatilités entre actif sans risque et spreads est frappante. Le marché du crédit est plus difficile. Les spreads sur l’euro IG oscillent autour de 190pb contre Bund. Les financières sous-performent. Le marché primaire est mis en parenthèses. Le début du resserrement quantitatif est, à ce stade, sans réelle conséquence sur le refinancement des grandes entreprises. En revanche, le durcissement des conditions de prêts bancaires impactera en retour les niveaux de marché. Le high yield est logiquement sous pression. L’iTraxx Crossover évolue autour de 500pb. Mais cette tension est sans commune mesure avec le Krach des CMBS américains où les tranches AAA cotent 150pb plus large que les Treasuries et le BBB au-delà de 900pb. Le rôle des banques régionales dans l’immobilier commercial secteur fait craindre des difficultés de refinancement, avec des taux plus élevés et une disponibilité du capital moindre.

Les marchés d’actions européennes fléchissent sous le poids des valeurs bancaires qui ont effacé la hausse de 2023. Mais, la résilience des indices reste remarquable dans l’absolu. L’Euro Stoxx 50 affiche 8% de performance en 2023. Le Nasdaq gagne 11%, la baisse des taux d’intérêt compensant en partie les difficultés du secteur de la technologie. Cet équilibre tient néanmoins aux anticipations d’un allègement monétaire.

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