Le cycle infernal

Axel Botte, Ostrum AM

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L’inflation américaine ou le supplice chinois annonçant de nouvelles hausses des Fed funds et un ajustement des valorisations.

©Keystone

Il aura suffi d’une légère surprise haussière sur les prix à la consommation aux Etats-Unis pour effacer l’étonnant rebond des actions observé après le relèvement de 75 pb des taux de la BCE. L’inflation à 8,3% a fait naître des anticipations de hausse de 100 pb des Fed funds lors du FOMC prévu le 21 septembre. Le tournant restrictif des Banques centrales trouve un second souffle. La correction des actions s’avère brutale. Le S&P s’est effondré de 4% à la suite de la publication de l’IPC du mois d’août avant de perdre 1% supplémentaire en raison de statistiques économiques mitigées.

Ainsi, l’incertitude sur le plafond des taux au cours du cycle maintient la pression sur les primes de risque – multiples de valorisation et spreads de crédit. Le T-note s’échange au-delà de 3,40% et le 2 ans s’approche de 4%. En zone euro, le Bund suit le mouvement, sans préjudice aux spreads souverains. Le seuil des 4% sur la dette italienne tient malgré les prochaines échéances politiques. Le crédit reste soumis à la tendance des taux d’intérêt d’autant que le marché primaire exploite toutes les fenêtres d’accalmie. La volatilité des indices de CDS témoigne de la nervosité des intervenants. Sur le marché des changes, le yen puis le yuan continuent de baisser. La réunion de la BoJ, le lendemain du FOMC, sera l’occasion de communiquer sur la faiblesse historique de la devise nippone engendrée par le QE.

L’inflation américaine reste évidemment bien supérieure aux niveaux ciblés par la Fed. L’IPC ressort en hausse de 8,3% sur un an. L’inflation sous-jacente, hors énergie et alimentaire, a rebondi à 6,3%. Si la baisse des prix de l’essence était attendue, elle ne peut masquer l’inertie de l’inflation de la plupart des prix. Les indices élaguant les plus fortes hausses et baisses des prix donnent une meilleure idée de l’inflation générale que l’inflation sous-jacente. La moyenne tronquée de l’indice des prix ressort ainsi à 7,2% en août et ne montre aucun ralentissement. Les prix habituellement les plus inertes continuent d’accélérer à 6,1% selon le calcul de la Fed d’Atlanta. Une nouvelle hausse de 75 voire 100 pb se profile cette semaine mais l’enjeu est désormais de connaitre le niveau des taux requis pour ralentir l’emploi, les salaires et, in fine, faire diminuer l’inflation. Les baisses de taux projetées par le marché en 2023 s’effacent au profit d’un plateau haut sur les Fed funds autour de 4,25%.

La BCE marche sur des oeufs et aligne les rustines alors que le marché entrevoit déjà le resserrement quantitatif.

En zone euro, la situation est similaire. La BCE n’a pas d’autre choix que de répondre à l’inflation supérieure à 9% en août. Les mesures techniques de tuyauterie monétaire et le réinvestissement des tombées du PEPP et de l’APP encadrent une politique devenue plus restrictive. La BCE marche sur des oeufs et aligne les rustines (flexibilité, TPI, rémunération de dépôts des gouvernements…) alors que le marché entrevoit déjà le resserrement quantitatif. Le cycle monétaire connait toutefois un début d’inflexion au Canada, voire en Australie où les Banques centrales font face au risque immobilier.

Le marché de taux poursuit son ajustement après le rally incompréhensible de l’été. La remontée des rendements est néfaste aux actifs risqués et la pression vendeuse est logiquement plus forte sur les échéances les plus courtes. Le T-note (3,47%) revient vers ses sommets de 2022 et le 2 ans lorgne les 4%. L’inversion de la courbe des taux américains s’est encore accentuée. En Europe, le Bund (1,80%) est projeté à 2% en fin d’année. La pénurie de collatéral continue de tirer les swap spreads à la hausse, mais la BCE a les moyens d’intervenir. Nous tablons sur un resserrement graduel des swap spreads. Ce sera bénéfique aux covered bonds et agences ainsi qu’à la sphère souveraine, qui a tenu malgré le décrochage brutal des actions.

Les spreads souverains semblent ignorer le risque italien, grâce au soutien potentiel du TPI et aux arbitrages de la BCE (PEPP). Le rehaussement de la note du Portugal à BBB+ est aussi un élément de soutien. Les points morts d’inflation se stabilisent après leur surréaction à la baisse du pétrole et à la volonté affichée par l’UE à mettre rapidement un terme à la spirale haussière sur les prix de l’électricité. L’inertie de l’inflation et de l’accélération des coûts salariaux en zone euro (+4% au 2T 2022) militent toujours pour une position constructive sur les emprunts indexés de la zone euro.

Le crédit reste volatile avec toutefois des performances homogènes des différents segments de marché. La concurrence de rendements souverains plus élevés limite l’attrait du crédit, mais on observe une première éclaircie au niveau des flux sur les fonds de crédit. Le roulement des indices de CDS favorisera néanmoins la remise en place de protections. Les spreads IG euro oscillent autour de 200 pb contre Bund. L’activité du marché primaire est soutenue. Les transactions se placent mais les primes à l’émission généreuses font décaler les spreads sur le marché secondaire. En revanche, les spreads du high yield sont suffisamment larges pour envisager un resserrement malgré les flux sortants. L’indice Crossover traite autour de 550 pb.

Le coup de semonce sur les actions est parti des Etats-Unis. Le S&P décrochait de 4% après l’IPC et la révision des perspectives de taux. Les actions de croissance sont les plus sensibles mais la baisse concerne en réalité tous les secteurs. L’énergie surnage à peine. L’Europe est prise dans le mouvement d’autant que les hedge funds américains accumulent les positions vendeuses sur le vieux continent. Paradoxalement, les bénéfices résistent.

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