La BCE agit avec force

Axel Botte, Ostrum AM

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Première hausse de 75pb et fermeté face à l’inflation, les taux réels remontent.

Une fois n’est pas coutume, Christine Lagarde semble avoir réussi sa communication. Les marchés d’actions ont bien accueilli la hausse des taux inédite de 75 points de base et le discours résolument restrictif face à la montée de l’inflation. Le Schatz s’est tendu vers 1,4%. Des mesures techniques assurent par ailleurs une meilleure transmission de la politique de la Banque centrale européenne aux marchés monétaires. La détente bienvenue des swap spreads en zone euro a engendré un rétrécissement généralisé des spreads de crédit. Les taux réels en nette hausse reflètent les velléités de resserrement en zone euro comme aux Etats-Unis, où Jerome Powell réitère son objectif de conduire une politique monétaire plus restrictive. Le T-note s’échange ainsi autour de 3,3%.

L’Europe face à la pénurie d’énergie

La mode des mouvements de 75pb semble séduire la BCE, de sorte que de nouvelles hausses sont déjà prévues par l’institution. L’inflation accélérait encore à 9,1% en août et les perspectives à court terme ne sont pas bonnes avec la faiblesse de l’euro. Certes, la détente des prix du pétrole est bénéfique mais les relais internes de l’inflation sont activés. La BCE projette désormais une hausse des prix de 5,5% l’an prochain, soit 2pb de plus par rapport aux prévisions de juin. L’inflation se maintiendrait au-dessus de 2% à l’horizon de 2024 selon l’institut monétaire. La croissance connaitra en revanche un coup d’arrêt au cours de l’hiver après les bons chiffres de l’été entretenus par les soutiens budgétaires. Parmi les nombreuses initiatives nationales, l’Allemagne annonce un plan de 65 milliards d’euros pour limiter l’impact du renchérissement de l’énergie. On peut regretter un certain manque de coordination d’autant que la Commission européenne devrait dévoiler un plan de contingence face au risque de pénurie d’énergie. Ces soutiens compliquent le retour à la stabilité des prix. Quant aux marchés monétaires, les tensions sur le marché du repo seront atténuées par l’arrêt du système à deux paliers des réserves bancaires, rendu caduque par les taux positifs, et le relèvement temporaire du taux applicable aux dépôts des gouvernements.

Les marchés obligataires ont connu de forte volatilité. La courbe allemande s’est aplatie à mesure que le marché intégrait la nouvelle trajectoire des taux. Le rendement du Bund s’est envolé au-delà d’1,70% mais c’est la partie courte qui s’est le plus ajustée. Les mesures limitant l’excès de fonds prêtables sur le repo ont eu l’effet bénéfique de réduire les swap spreads. Le manque de collatéral à la source de ces tensions devrait s’atténuer. Le swap spread à 2 ans s’est rétréci de 122pb au plus haut lundi dernier à 95pb en fin de semaine. La détente des swap spreads s’accompagne du resserrement des spreads souverains. Le risque politique italien est étrangement occulté par les marchés à ce stade, mais il convient de maintenir un biais vendeur sur le BTP dans la perspective du scrutin du 25 septembre et au-delà lorsqu’il sera question des orientations budgétaires et de la poursuite des réformes entreprises par le gouvernement précédent.

Le pétrole décroche

Aux Etats-Unis, la Fed poursuit sa stratégie de relèvement rapide des taux d’intérêt avant un statu quo prolongé en 2023. La courbe reste cependant inversée et l’enjeu est désormais de rétablir une prime de terme positive grâce au doublement du rythme du resserrement quantitatif. Le stock de T-bills de la Fed sera utilisé pour atteindre l’objectif de 60 milliards d’euros de contraction mensuelle du portefeuille de Treasuries. Le contexte restrictif pèse sur les points morts d’inflation d’autant que le pétrole décroche. Le baril WTI se situe sous 85 dollars. La réduction symbolique du quota de production de l’Opep n’y changera rien à court terme. Un plafonnement des prix du pétrole russe, voulu par Washington, sera mis en place à partir du 5 décembre. Ce mécanisme permettra peut-être de compenser la fin de l’utilisation des réserves stratégiques américaines.

Le marché du crédit a bénéficié du rebond des actifs risqués mais demeure fragile. Le marché IG en zone euro s’échange à 203pb contre Bund ou 112pb contre swap. Le retour précoce des émissions, dès la mi-août, a inversé la tendance sur les spreads IG en zone euro. Le marché primaire devrait rester animé mais la balance des flux vers la classe d’actifs demeure défavorable. Ainsi, les primes à l’émission généreuses ne garantissent pas le bon comportement des papiers sur le marché secondaire. Sur le high yield, les spreads ont diminué de 20pb cette semaine à 563pb contre Bund avec une belle performance des hybrides et des AT1 bancaires. Le marché primaire reste néanmoins aride.

Le rebond des actions provient principalement du marché américain. Le Nasdaq s’adjuge 2% et résiste à la hausse des taux longs. La saison des résultats globalement favorable aux Etats-Unis, malgré un dollar fort, permet une certaine résilience des cours boursiers face au resserrement monétaire. L’Europe participe au mouvement grâce au secteur bancaire qui salue la remontée des taux. Les valeurs bancaires s’adjugent près de 5% sur la semaine. Le secteur pétrolier ferme la marche.

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