Le pari sur la relance se poursuit

James Mazeau, UBS Global Wealth Management

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En mai, les actions ont rebondi, les rendements obligataires sont restés stables et la volatilité s'est atténuée.

En effet, les investisseurs redoutent que le regain d'inflation n'amène la Réserve fédérale américaine (Fed) à retirer ses mesures de relance. Même si les valeurs technologiques ont regagné un peu de terrain il y a dix jours, la progression des marchés d'actions en mai a été tirée par les titres constituant un pari sur la relance et par les valeurs décotées, qui ont surperformé les valeurs technologiques et, plus généralement, par les valeurs de croissance.

La Recherche d’UBS est d’avis que le pari sur la relance est appelé à se poursuivre. Tour d’horizon.

La création d’emplois plus faible que prévu

Les actions américaines et internationales ont atteint un sommet historique le 7 mai après la publication du rapport sur l'emploi aux Etats-Unis. Ce dernier a fait état de 266 000 créations d'emplois en avril, loin du million attendu. Les actions ont néanmoins rebondi car ce chiffre décevant a été imputé à la pénurie de main-d’œuvre dans une économie florissante, plutôt qu'à une insuffisance de la demande.

De plus, les investisseurs ont considéré que cela permettait à la Fed de laisser ses taux inchangés et de poursuivre ses achats d'obligations à concurrence de 120 milliards de dollars par mois, conformément à son double mandat (plein-emploi et stabilité des prix).

La crainte de l’inflation

Le rapport sur l'emploi salarié a également mis en évidence une accentuation de l'inflation salariale. Le taux horaire moyen a grimpé de 0,7% alors que le consensus tablait sur une stabilité. D'autres indicateurs alimentent cette peur de l'inflation. La composante «prix payés» en avril du rapport de l'ISM (l’association des directeurs d'achats américains) est ressortie à son plus haut niveau depuis 2008, aussi bien dans le secteur manufacturier que dans celui des services.

La volatilité des cours reflétait également l'inquiétude des investisseurs, qui redoutent qu'après une belle progression l'an dernier.

La peur de l'inflation a gagné les marchés lorsque l'indice des prix à la consommation aux Etats-Unis est ressorti en hausse de 4,2% en glissement annuel en avril, un taux supérieur à celui de 3,6% prévu par le consensus. De son côté, l'inflation sous-jacente a bondi de 0,9% en glissement mensuel, la plus forte hausse depuis 1982. L'indice Citi US Inflation Surprise est désormais à son plus haut niveau depuis sa création en 1998.

Le repli des actions

Le spectre de l'inflation a engendré un repli des actions depuis leurs sommets historiques et un regain de volatilité (l'indice VIX a bondi à 29 points à la mi-mai, contre 19 à la fin avril). Après avoir clôturé à 4232,6 points le 7 mai, le S&P 500 a évolué en dents de scie entre 4000 et 4200 points jusqu'en fin de mois.

La volatilité des cours reflétait également l'inquiétude des investisseurs, qui redoutent qu'après une belle progression l'an dernier, le potentiel de hausse des marchés soit désormais limité. Ils pourraient considérer que, face à l'accentuation de l'incertitude, il vaut mieux attendre que la volatilité et les cours retombent pour s'aventurer sur les marchés.

Néanmoins, d'autres événements survenus en mai montrent que les actions ont encore certainement une marge de progression. Par ailleurs, cette hausse sera sans doute tirée par les bénéficiaires du regain d'inflation. Quelques arguments à l’appui de cette hypothèse.

  • La reprise économique fait tache d'huile
    Aux Etats-Unis, le chiffre des inscriptions hebdomadaires au chômage pour la semaine achevée le 22 mai est ressorti à 406 000, en baisse pour la quatrième semaine consécutive et au plus bas depuis la mi-mars 2020.
    Par ailleurs, les dépenses d'investissement au sens strict ont bondi de 2,4% en avril et le chiffre définitif de la croissance du PIB au premier trimestre est ressorti à 6,4% en glissement annuel, au plus haut depuis 2003. Au deuxième trimestre, la Recherche d’UBS table dès lors sur une accélération de la croissance du PIB à 11% en glissement trimestriel annualisé.
     
  • Les bénéfices des entreprises augmentent plus vite que prévu
    La croissance du bénéfice par action du S&P 500 au premier trimestre est bien partie pour dépasser les 45%, un taux deux fois supérieur à celui prévu juste avant le début de la saison des résultats. Il faut remonter au premier trimestre 2010 pour retrouver une croissance des bénéfices aussi forte.
    Par conséquent, la Recherche d’UBS a relevé ses prévisions de croissance des bénéfices du S&P 500 à 200 dollars en 2021 (+40%) et à 215 dollars (+8%) en 2022. Malgré l'ampleur des bonnes surprises sur le front des résultats d'entreprises, les estimations du consensus des analystes pour l'ensemble de l'exercice 2021 n'ont été revues à la hausse que de 6% environ, ce qui semble trop timoré.
     
  • La politique monétaire reste porteuse
    A en juger par les déclarations de la Fed en mai, cette dernière considère que le pic d'inflation s'explique par un effet de base défavorable et par les perturbations de l'offre liées à la pandémie. En outre, ce phénomène s'avérerait transitoire. Le président de la Fed, Jerome Powell, a répété qu'il faudra du temps pour que les chiffres de l'emploi et de l'inflation se rapprochent substantiellement des objectifs de la banque centrale en la matière.
    D'après le procès-verbal de la dernière réunion du Federal Open Market Committee (FOMC), les responsables ont observé qu'il pourrait être opportun, lors d'une prochaine réunion, de commencer à discuter des modalités d'un ajustement du rythme des achats d'actifs. Cependant, ils se sont donné la peine de préciser qu'un débat sur l'opportunité d'un débat sur le retrait des mesures n'impliquait pas une inflexion imminente de la politique monétaire.
Les actions émergentes et japonaises, qui restent sur une sous-performance, sont susceptibles de renverser la vapeur.
Les valeurs cycliques ont le vent en poupe

Les investisseurs semblent prêts à faire abstraction des accès de volatilité alimentés par le spectre de l'inflation. Le S&P 500 a progressé de 0,6% en mai tandis que l'indice MSCI All Country World a grimpé de 1,3%. Le rendement des bons du Trésor américain à dix ans est resté à peu près stable à 1,59%, contre 1,63% à la fin avril et l'indice VIX se situe à 16,7 contre 19 à la fin avril.

La hausse a été tirée par les secteurs cycliques et décotés. Les matériaux, l'énergie et la finance se sont adjugés respectivement 3,6%, 5,1% et 4,8% en mai, tandis que les technologies de l'information (-1,2%) et les services de communication (-0,3%) ont terminé dans le rouge.

Ne pas négliger le potentiel de rattrapage

Même si les actions mondiales se situent désormais environ 20% au-dessus des sommets d’avant la pandémie, la forte croissance des bénéfices, conjuguée aux valorisations raisonnables compte tenu de la persistance de faibles rendements obligataires, suggère que le potentiel de progression des actions n'est pas épuisé.

D'un point de vue sectoriel, la Recherche d’UBS confirme sa préférence pour l'énergie et la finance. En effet, leur valorisation et l'environnement macroéconomique porteur suggèrent qu'il existe encore un potentiel de rattrapage après une nette sous-performance début 2021.

Au niveau géographique, les actions émergentes et japonaises, qui restent sur une sous-performance, sont susceptibles de renverser la vapeur étant donné leur valorisation attrayante et leur sensibilité à la reprise économique mondiale.

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