Le marché secondaire du Private Equity, garder un temps d’avance

Jérôme Marie, ODDO BHF AM

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2024 s’est ouvert sur une situation économique très différente de 2023: l’inflation s'est résorbée, les marchés cotés résistent et l’économie mondiale progresse.

© Keystone

 

Cependant, malgré l’anticipation de baisse des taux, le coût du capital reste élevé, le marché du crédit reste encore timide et les valorisations sont relativement élevées avec un multiple moyen d’EBITDA sur le Buyout aux Etats-Unis de 11,5x, et de 10x en Europe. Enfin l’activité M&A est au ralenti et ce depuis presque 2 ans entrainant une pénurie de liquidité, et c’est là une formidable opportunité pour le marché secondaire du private equity.

Comment ce marché devrait-il évoluer dans les prochains mois? 

L’an dernier, le marché secondaire a enregistré une année record à 114 milliards USD de transactions, ce qui en fait la deuxième année la plus active en termes de volume après 2021 (132 miliards USD). C’est une preuve de la pertinence des solutions apportées par le marché secondaire quand d’autres marchés sont grippés. 

Dans une transaction secondaire, les vendeurs bénéficient d'une liquidité anticipée en contrepartie d’une décote, le plus souvent, sur le prix de cession. Les acheteurs y voient alors une opportunité d’investissement pour plusieurs raisons potentielles: en effet le Private Equity secondaire apporte des caractéristiques telles que la visibilité accrue sur les investissements, l'atténuation potentielle de la courbe en J ou la diversification potentielle du portefeuille, qui, combinées à une décote potentielle à l’entrée et à une distribution en général accélérée, sont autant de facteurs qui soutiennent la croissance de cette classe d'actifs. En parallèle d’un marché primaire en expansion, ce marché s’est très fortement développé au cours des 15 dernières années.  

Le momentum pour 2024 semble se maintenir, à la fois pour les transactions dites LP-led et GP- led. Malgré l’anticipation de relâchement monétaire, le coût de la dette reste élevé et l’activité M&A mettra du temps à se normaliser. Dernier point à ne pas sous-estimer: il existe toujours une réserve / excédent de deals secondaires initiés l’an dernier qui ont été mis en pause par les vendeurs et leurs conseils, que l’on pourrait revoir cette année. Tous ces éléments laissent à penser que 2024 pourrait établir un nouveau record en franchissant la barre des 150bn$ de transactions.

Quels sont les risques à prendre en compte et comment y faire face? 

On ne peut pas cependant écarter les risques parce qu’il est certain qu’une détérioration de l’économie, de la volatilité et un manque de visibilité sur les business plans pourraient mettre un coup de frein à l’activité secondaire. Le risque géopolitique ne peut pas être sous-estimé non plus. La guerre en Ukraine, les élections US, les tensions entre la Chine et Taiwan, et les conditions du transport maritime dégradées à la suite des tensions en mer Rouge sont autant de facteurs qui pèsent sur l’économie et les marchés. 
Face à cette situation, notre mission de gérants est de nous préparer au mieux à d’éventuels chocs et de stresser nos portefeuilles à l’extrême, pour avoir la meilleure vue possible sur leur niveau de résilience.

En particulier, nous portons une attention particulière aux hypothèses de timing de liquidité, de monétisation de nos portefeuilles. Et puisque l’on a très peu de visibilité sur cette fenêtre de liquidité, on privilégie aujourd’hui le multiple au TRI, c’est-à-dire qu’on cherche des sociétés dont le plan de création de valeur est plus devant eux que derrière, et si nécessaire nous sommes prêts à maintenir nos positions sur des périodes plus longues que dans le passé.

Quels secteurs sont recommandés ou à privilégier dans ce contexte?

En premier lieu et sans trop de surprise le secteur de la technologie, entendu dans son spectre le plus large (de l’Intelligence artificielle, la cybersécurité, aux semi-conducteurs) est, selon nos analyses, le plus intéressant que ce soit avec des sponsors spécialisés dans la technologie, mais aussi des sponsors plus généralistes multi-secteurs qui digitalisent leur portefeuille autant que possible.

Le secteur industriel (peu énergivore si possible) et le «smart industriel» vient après avec, par exemple, les business d’automatisation ou d’efficacité énergétique, qui ont souvent des business model plus éprouvés et résilients. Ils ont également des valorisations et des plans de création de valeur plus faciles à comprendre et au final permettent des transactions avec moins de risque d’exécution dans le contexte actuel.

Enfin, souvent pour les mêmes raisons, le secteur de la santé et des biens de consommation (incluant le luxe) suscitent notre intérêt. Ce sont des secteurs défensifs, avec une belle visibilité et récurrence sur le chiffre d’affaires et les marges, notamment pour la santé, le tout favorisé par les évolutions démographiques.

Quelle place donner à l’allocation sur ce segment du private equity?

Plus que jamais, nous considérons que le Private Equity secondaire démontre sa pertinence dans le cadre d’une allocation stratégique dans les actifs non cotés. Non seulement en tant que stratégie satellite complémentaire, mais également pour accélérer un programme d’investissement de Private Equity, en offrant une exposition plus large, un profil de distribution accéléré et des rendements attractifs. Cette stratégie présente tout de même des risques et notamment un risque de perte de capital.

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