Le marché du travail, un moteur pour la Fed

George Curtis, TwentyFour Asset Management

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La Réserve fédérale américaine va ralentir son rythme de hausses de taux à 50 points de base.

©Keystone

Dans son discours à la Brookings Institution de Washington la semaine dernière, le président de la Réserve fédérale américaine Jerome Powell a confirmé l’intention de la Fed de ralentir son rythme de hausse des taux à 50 pb lors de la prochaine réunion de décembre, tout en réitérant la probabilité d’un taux définitif supérieur à celui indiqué par les «dot plots» (graphiques à points) de septembre qui prévoyaient un pic entre 4,5 et 4,75% pour les Fed Funds l’année prochaine.

L’espoir d’un atterrissage en douceur

Tout cela était attendu, ce qui a néanmoins déclenché un fort rebond du marché après les déclarations de Powell: le chef de la Fed a reconnu que l’inflation donnait des signes d’essoufflement et estimé qu’un atterrissage en douceur était toujours plausible avec une croissance économique américaine inférieure à son potentiel pendant un certain temps, mais pas de récession. Compte tenu de la nécessité pour la Fed de maintenir la bride serrée sur les conditions financières avec une politique très restrictive, on peut imaginer que le rallye brutal des actions (Nasdaq +4,4%) et des obligations (UST à 10 ans -17pb) hier n’a pas été bien accueilli; il s’agit maintenant pour Powell de faire preuve de doigté en s’assurant que le marché n’interprète pas comme une volte-face l’annonce d’un ralentissement du rythme de hausses des taux. Il a une nouvelle fois rappelé que le moment où le rythme de hausse des taux serait modéré était moins important que de la question de savoir jusqu’où les taux devraient encore être relevés et durant combien de temps, précisant que le rétablissement de la stabilité des prix nécessiterait sans doute de maintenir la politique à un niveau restrictif pendant «un certain temps».

Selon nous, la tendance sur les prochains 6 à 12 mois continuera à refléter un déclin des pressions inflationnistes post-pandémie.

Pourtant, les swaps de taux d’intérêt à court terme anticipent près de deux baisses de taux au second semestre 2023, pariant qu’un ralentissement de la croissance (voire une récession) et un recul de l’inflation permettront à la Fed d’assouplir sa politique après un cycle de resserrement d’une rapidité historique cette année. Si nous estimons que le marché pourrait aller trop vite en anticipant des baisses de taux, on notera tout de même des signes timides indiquant que les 375 pb de resserrement de la Fed cette année commencent à faire une différence.

L’inflation se normalise dans les matières premières

Mis à part le coup de frein sur le marché immobilier (un effet inévitable de l’envolée des taux hypothécaires qui ont atteint 7%), l’inflation dans le secteur des biens enregistre un retour à la normale après les niveaux très élevés de la période post-pandémie, avec même une déflation pour certaines composantes (vêtements et véhicules d’occasion, par exemple). Bien qu’il reste à des niveaux élevés, le secteur immobilier a vu une baisse significative du taux d’inflation des nouveaux baux sur les six derniers mois, de +18-20% à des pourcentages inférieurs à 10%. Cette tendance à la baisse devrait en outre se poursuivre en 2023.

Mais au final, Jerome Powell a désigné le marché du travail comme le moteur essentiel de l’inflation pour la période à venir. L’inflation des services hors logement, qui couvre un vaste éventail de services «depuis la santé et l’éducation jusqu’aux coiffeurs et à l’hôtellerie», représente plus de 50% de l’indice PCE privilégié par la Fed et les salaires forment l’essentiel des coûts liés à la fourniture de ces services. Sur le marché du travail, le déséquilibre demeure entre la demande et l’offre avec 4 millions d’offres d’emploi de plus que le nombre de chômeurs à la recherche d’un travail, mais la situation a commencé à se détendre: selon le rapport JOLTS, les postes vacants ont diminué de 1,5 million depuis leur pic de mars.

Le Fed est loin d’avoir gagné la lutte contre l’inflation

Selon nous, la tendance sur les prochains 6 à 12 mois continuera à refléter un déclin des pressions inflationnistes post-pandémie. En fin de compte, l’important est moins de savoir quand le retournement de l’inflation aura lieu que jusqu’où elle va monter; la Fed restera donc très dépendante des indicateurs et voudra probablement s’assurer que le marché «ne s’emballe pas». Les niveaux de liquidités élevés en réserve et les rendements globaux attrayants expliquent les tensions persistantes sur le marché ces derniers temps. Selon nous, la situation a offert l’opportunité de monter en qualité de manière sélective et de se réorienter vers des titres attractifs sur le marché primaire, tout en conservant un matelas de liquidités substantiel.

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