Chronique blockchain. L’encadrement prudentiel des cryptos est susceptible de favoriser leur adoption par les institutions financières.
L’année 2022 dans les cryptos a été marquée par des nombreuses initiatives règlementaires, tant au niveau européen (MiCA, etc.), qu’aux États-Unis (Stablecoin Transparency Act, etc.) et ailleurs (Corée du Sud, etc.). En toute fin d’année, une pierre additionnelle a été ajoutée à l’édifice, avec une avancée majeure en termes d’encadrement prudentiel.
La nouvelle est passée sous les radars compte tenu du caractère très technique et peu séduisant des normes prudentielles. Pourtant, cet ensemble d’exigences de sécurité («prudence»), imposées principalement aux institutions financières, est de première importance, en ce qu’il garantit un traitement équilibré du risque et, par conséquent, la santé et résilience du système économique capitalistique.
Concrètement, le principal organe de supervision du Comité de Bâle, chargé de la coordination internationale en matière de régulation bancaire, a approuvé des règles sur l’exposition des banques aux cryptoactifs à partir de 2025. Bien que partiellement restrictives, compte tenu de la volatilité de certaines cryptos telles que le Bitcoin, ces règles sont de nature à favoriser l’adoption par les banques, autrement paralysées face au manque de clarté dans le domaine prudentiel, au sujet des cryptoactifs. Nous en proposons ici un résumé simplifié, afin d’illustrer la portée de cette mesure pour le secteur financier.
En premier lieu, le Comité de Bâle a statué qu’aucune exigence supplémentaire en capital ne s’imposera aux banques, si celles-ci assurent uniquement la conservation des cryptoactifs appartenant à leurs clients. Autrement dit, si une banque détient des cryptos pour le compte de ses clients (ce ne sont pas stricto sensu les cryptos de la banque), elle ne doit pas garder de capital supplémentaire en guise de réserve. Si cela paraît parfaitement logique, l’incertitude qui a duré jusqu’à la publication de ces règles a tout de même bloqué certaines initiatives par les institutions financières, en 2022.
Deuxièmement, deux catégories de cryptoactifs ont été établies: d’un côté, les security tokens et les stablecoins; de l’autre, les cryptos natives, telles que le Bitcoin ou l’Ether. Ces dernières, en cas de détention propre par une banque, ont un impact prudentiel conséquent: un capital équivalent à 100% de la valeur des cryptoactifs devra être gardé en réserve. Par ailleurs, les banques pourront s’exposer à ce type de cryptoactifs au maximum à hauteur de 2% de leur capital.
Mais la grande nouvelle concerne les stablecoins: les jetons qui garantissent véritablement un lien avec la monnaie fiat sous-jacente, grâce à un collatéral en espèces & quasi-espèces à 100%, n’auront pas d’impact prudentiel supplémentaire, par rapport à l’actif auquel ils sont adossés (euro, dollar, etc.), s’apparentant ainsi à des sortes de prêts garantis. Cet aspect est susceptible de favoriser le développement du marché des stablecoins, déjà grandissant: selon le service de statistiques Coin Metrics, en 2022 ces cryptos ont permis des règlements totaux d’environ 8000 milliards de dollars.
A travers les stablecoins, des nombreuses institutions financières sont en train de faire leur entrée dans le secteur des cryptos. En effet, la possibilité d’utiliser de la monnaie fiat sur une infrastructure transparente, permettant des transferts de valeur à l’international quasi-instantanés et au coût de quelques dollars, séduit de plus en plus de banques. Et les agences de notation n’ont pas tardé à réagir: Moody’s a récemment annoncé travailler à un système d’évaluation des stablecoins tels que l’USDC, l’USDT, ou leurs équivalents euro EUROC, EURT, etc, en prenant en compte la transparence des audits sur les réserves, le niveau de liquidité du collatéral, et ainsi de suite. Un signal supplémentaire de la structuration et institutionnalisation de l’écosystème crypto.