Fiscalité: halte au bashing des entreprises!

Jan Langlo, Association de Banques Privées Suisses 

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Les entreprises paient toujours plus d’impôts en Suisse et les citoyens en profitent.

On entend souvent dire en Suisse que les «grosses sociétés» sont toujours favorisées face aux «pauvres contribuables», qui devraient passer à la caisse. Les réformes fiscales ne profiteraient qu’aux entreprises, qui paient de moins en moins d’impôts. De telles affirmations ne résistent pas à l’épreuve des faits.

Les statistiques de l’administration fédérale montrent que l’impôt fédéral direct (IFD) payé par les entreprises est passé de 4,7 milliards en 1998 à 7,3 milliards en 2008 puis à 12,5 milliards en 2018. Depuis 2019 d’ailleurs, les recettes de l’IFD dépassent celles de la TVA, et les entreprises y contribuent pour plus de la moitié. Les réformes successives de l’imposition des entreprises n’ont ainsi provoqué aucune perte de recettes fiscales, au contraire, car elles ont permis le développement d’un grand nombre de sociétés à forte valeur ajoutée.

Les actionnaires (que nous sommes tous à travers nos caisses de pension) seraient-ils donc les seuls gagnants de ces réformes? Non, les statistiques fédérales montrent que depuis 1995 la part des revenus qui provient du capital est stable autour de 30%; les autres 70% proviennent du travail. Une analyse d’Avenir Suisse montre quant à elle que le taux d’imposition moyen des salaires en Suisse (cotisations sociales comprises) est resté constant autour de 22% de 1995 à 2019, tandis que durant la même période le taux d’imposition des rendements de capitaux a grimpé de 34% à 44%. Les revenus du capital ne sont donc pas mieux traités que ceux du travail.

Nous profitons tous d’une TVA bien plus basse que dans les pays qui nous entourent.

Au contraire, les particuliers n’ont pas été oubliés: dès 2008 la déduction pour deuxième revenu au sein d’un couple a réduit l’IFD de 650 millions; dès 2011, la compensation de la progression à froid a biffé 360 millions d’IFD et le barème parental 300 millions. Entre 2007 et 2021, l’IFD pour un même revenu brut a ainsi diminué de 10% à 20%.

Par ailleurs, nous profitons tous d’une TVA bien plus basse que dans les pays qui nous entourent. Même après l’augmentation liée à AVS21, la TVA suisse n’atteindra pas la moitié de celle de nos voisins, tout en contribuant au tiers des recettes de la Confédération.

Au-delà de la fiscalité, la situation économique des citoyens suisses s’est aussi améliorée ces dernières années:

  • Selon l’enquête suisse sur la structure des salaires en 2020, le salaire médian s’élevait à 6’665 francs, ce qui représente une augmentation de plus de 10% en douze ans, alors que le niveau des prix est resté stable sur cette période. A noter que ce salaire médian est deux fois plus élevé que la moyenne des Etats de l’OCDE.
  • Dans une autre étude, Avenir Suisse montre que l’inflation des loyers a atteint environ 1% par an, en valeur réelle. Cette hausse coïncide avec l’augmentation des salaires: les ménages suisses ne dépensent donc pas plus pour se loger aujourd’hui qu’il y a 15 ans.
  • Avenir Suisse a aussi calculé que si les primes d’assurance maladie ont augmenté plus vite que les revenus entre 2000 et 2019, cela ne signifie pas que les ménages avaient moins d’argent à la fin du mois. Ainsi, sur cette période, le revenu mensuel est passé de 8’453 à 9’582 francs, alors que les primes ont augmenté de 312 francs. Cela équivaut à une différence positive de 817 francs par mois.
  • Enfin, les personnes âgées de 55 à 64 ans en Suisse sont davantage actives professionnellement qu’il y a dix ans (76% en 2021 contre 70% en 2011). Ce n’est pas tellement moins que l’ensemble de la population active (84%).

La Suisse est aussi un pays très égalitaire, et ce depuis longtemps:

  • Selon l’OCDE, l’inégalité de la répartition des revenus (appelée aussi coefficient de Gini) est la troisième plus basse en Suisse, derrière l’Islande et la Slovaquie. Même l’ennemi du capital Thomas Piketty classe la Suisse parmi les pays peu inégaux.
  • En dix ans, les salaires des 10% de personnes les mieux rémunérées et des 10% les moins payées ont augmenté dans une proportion similaire (11,8% et 11,6%).
  • Ceux qui gagnent le plus sont aussi ceux qui paient une très large part des impôts. Les 10% des salariés les mieux rémunérés contribuent ainsi 51% des impôts sur le revenu, tandis que les 50% les moins payés n’en versent que 2% au total.
  • Depuis 1990, les dépenses sociales en Suisse ont progressé deux fois plus vite que notre PIB; celles pour l’éducation aussi, même si dans une moindre mesure.

Alors arrêtons d’opposer sociétés et employés. La bonne santé financière des premières et le développement de leurs activités est justement ce qui permet le bien-être des seconds.

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