La vérité sur la baisse des prix administrés dans la santé

Emmanuel Garessus

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Les autorités hésitent de moins en moins à modifier les prix. Les effets de ces mesures vont souvent dans une direction autre que souhaitée.

 

Dans un pays où règne l’inflation, une hausse de prix ne correspond pas à une augmentation de la valeur. Ne confondons pas le prix et la valeur. Charles Gave, président de l’Institut des libertés, le rappelait récemment: une hausse du prix d’une maison ne signifie pas nécessairement qu’elle ait gagné en valeur. Il suffit par exemple que des restrictions empêchent la construction de nouveaux logements pour que les immeubles existants renchérissent sans changer leur valeur. Ce type d’illusion monétaire est fréquente lorsque les injections de monnaies abondent. 

Le changement de prix ne traduit pas toujours une modification des rapports entre l’offre et la demande. C’est particulièrement vrai pour les prix qui dépendent d’une action du gouvernement ou qui sont déterminés directement ou indirectement par l’Etat. Ce dernier cherche fréquemment à réduire les prix, ou à les contrôler, par exemple sur le marché du logement. Un plafonnement des prix conduit toutefois à une pénurie. Mais qu’en est-il de la santé? 

Un très intéressant travail de recherche se penche sur les conséquences d’une baisse des prix administrés dans la medtech, notamment sur ses effets sur l’innovation (The long-run impacts of regulated Price cuts: Evidence from Medicare, Yunan Ji et Parker Rogers, WP 33083, octobre 2024, NBER).  

«Les introductions de nouveaux instruments «medtech» ont diminué de 25% et les dépôts de brevets ont chuté de 75%».

Le secteur de la santé est l’objet d’innombrables subventions. Les dépenses étatiques américaines atteignent 4300 milliards de dollars par an dans ce secteur. Ces montants sont si considérables que de nombreuses critiques sont apparues et ont évoqué divers «gaspillages».

Forte baisse des prix aux Etats-Unis

Les appels aux économies dans la santé paraissent donc logiques. Pourquoi ne pas diminuer les tarifs? La baisse des prix analysée par cette étude n’est pas dérisoire. Elle résulte de différentes réformes intervenues ces dernières années, par exemple dans le remboursement des achats de produits. Nous avons assisté à la fois à une baisse des prix nationale de 9,5% en 2009 sur les catégories d’instruments médicaments les plus chers, à des enchères d’approvisionnement entre 2011 et 2016 et à une nouvelle baisse des tarifs au plan national en 2016.

En dix ans, les prix de certains instruments médicaux ont chuté de 61% auprès de Medicare, selon cette étude. Les consommateurs de ces produits (chaises roulantes, pompes à insuline et autres équipements médicaux à domicile) s’en sont sans doute réjouis. Mais, selon l’étude, les mesures prises par Medicare réduisent les revenus des fabricants d’instruments, la qualité des produits et les coûts de production.

Cette branche de la medtech a également profité de nombreuses innovations ces dernières années. L’étude cite l'oxygénothérapie portable, qui a remplacé les réservoirs d'oxygène lourds et dangereux, ou les moniteurs de glucose en continu sans qu'il soit nécessaire de consulter un médecin.
Mais l’inovation a souffert de ces baisses de prix gouvernementales. Selon cette étude, les introductions de nouveaux instruments «medtech» ont diminué de 25% et les dépôts de brevets ont chuté de 75%.

Les fabricants des produits considérés ont en effet réduit leurs capacités d’innovation et procédé à des délocations de production à l’étranger qui se sont traduites par une augmentation du taux de défauts de ces produits. Selon les travaux de Ji et Rogers, la valeur de la réduction de l’innovation peut entièrement compenser les économies réalisées par les baisses des prix administrés. Les auteurs de l’étude proposent de mieux calibrer les baisses de prix administrés pour ne pas affecter l’innovation. En clair, il s’agirait pour les autorités de prendre des mesures sur les instruments qui offrent les plus fortes marges bénéficiaires. Il s’agirait pourtant d’identifier les raisons pour lesquelles certains produits offrent des marges élevées. Si le bénéfice médical est très élevé, pourquoi pénaliser les fabricants les plus performants? La question conduit invariablement à se demander s’il ne serait pas préférable de faire confiance à la concurrence et au marché afin que le prix joue le rôle de signal qui lui revient.

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