La récession va-t-elle booster les obligations d'Etat?

Quentin Fitzsimmons, T. Rowe Price

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Aux Etats-Unis, la Fed a peut-être atteint le sommet de son agressivité, mais nous n'avons pas encore atteint le point culminant du resserrement.

Le monde devrait entrer dans une récession mondiale en 2023. Cette récession sera le résultat de l'immense resserrement monétaire opéré par les banques centrales du monde entier au cours des 12 derniers mois. Elle posera les bases pour une baisse de l'inflation qui, à terme, permettra aux banques centrales d'assouplir leur politique monétaire. Les principales banques centrales pourraient alors assouplir leur politique monétaire au début du second semestre.

Qu'est-ce que cela signifie pour les marchés obligataires? Une récession prolongée va entraîner, selon nous, une augmentation de l'offre d'obligations d'Etat, car les décideurs politiques tentent de protéger les économies. Cela signifie que les obligations d'Etat doivent être négociées à un prix plus bas pour attirer les capitaux dans un environnement de plus en plus endetté, ce qui a le potentiel de faire baisser le marché et de détourner les capitaux des opportunités économiquement plus rentables. Etant donné que le marché du travail reste tendu, nous pensons que les pressions inflationnistes seront tenaces et, associées à l'augmentation des émissions d'obligations d'Etat, les rendements seront probablement supérieurs aux tendances historiques.

Flexibilité et dynamisme sont essentiels dans la gestion de la duration

A long terme, nous nous attendons à ce que la croissance soit de plus en plus remise en question, car les gouvernements et les banques centrales tenteront de concilier les exigences en matière de soutien budgétaire et de réduction des stocks importants de dette. Certains pays y parviendront mieux que d'autres, ce qui, selon nous, crée des opportunités potentielles. Dans ce contexte, la flexibilité et le dynamisme seront essentiels dans la gestion de la duration.

Dans l'ensemble, un environnement de risque faible continuera à soutenir le dollar américain malgré des valorisations excessives.

Prenons par exemple la gestion des devises. Nous avons géré notre position en dollars américains de manière dynamique, en augmentant la surpondération en juillet, car nous craignions que l'environnement de risque ne se détériore et ne déclenche une fuite à court terme vers la qualité de la devise, en la maintenant stable en août, puis en la réduisant légèrement vers la fin septembre. Dans l'ensemble, un environnement de risque faible continuera, selon nous, à soutenir le dollar américain malgré des valorisations excessives.

La zone euro va connaître une forte récession en 2023. A l'heure actuelle, les données rétrospectives telles que la croissance du PIB réel et la production industrielle restent solides malgré le choc énergétique majeur qu'a connu la région début 2022. Toutefois, les PMI manufacturiers de la région indiquent que les perspectives économiques se détériorent rapidement. La confiance des consommateurs, qui évolue généralement parallèlement aux PMI, a chuté à un niveau sans précédent. Cela signifie que l'affaiblissement de la demande dû à la baisse des revenus disponibles ne se reflète pas encore dans les données. C'est pourquoi nous avons fermé une position surpondérée sur l'euro.

Par ailleurs, nous sommes intéressés par certains pays émergents où les décideurs politiques ont fait relever les taux d'intérêt à un stade précoce, afin d'obtenir des rendements réels prévisionnels positifs - le Brésil en est un exemple. Nous pensons que certaines obligations d'Etat des pays émergents en devises fortes offrent également de la valeur. Les obligations indexées (en particulier celles dont l'échéance est plus courte) continuent d'offrir des perspectives de rendements raisonnables, si l'inflation s'avère persistante (ce qui pourrait être le cas selon nous).

Les investisseurs ont été de plus en plus soucieux de rééquilibrer leurs positions avant la fin de l'année dernière.

Dans l'ensemble, la volatilité devrait persister, car les marchés doivent faire face à plusieurs forces en même temps, notamment les risques géopolitiques, le ralentissement de la croissance, l'inflation élevée et le durcissement des conditions financières. Dans ce climat, il est important d'adopter une approche tactique et de conserver un profil liquide dans le portefeuille. Cela devrait nous donner la flexibilité de nous adapter à l'évolution des conditions de marché et de tirer profit de toute anomalie ou disruption des prix.

Les investisseurs regardent derrière eux plutôt que devant

Force est de constater que les investisseurs ont été de plus en plus soucieux de rééquilibrer leurs positions avant la fin de l'année dernière, et le récent indice des prix à la consommation, plus bas que prévu, a été une raison supplémentaire de couvrir les positions à risque qu'ils détenaient. Entre-temps, nous assistons à la plus grande inversion de la courbe des rendements depuis le début des années 1980, ce qui implique la perspective d'une récession dans les 12 prochains mois, surtout au vu de l'ampleur du recul des indicateurs macroéconomiques.

Toutefois, les spreads de crédit n'intègrent pas actuellement de telles forces de récession, l'agrégat corporate américain se négociant à un niveau qui, selon nous, n'offre pas une protection suffisante aux investisseurs.

Les nuages se sont formés et continuent de s'accumuler, mais les investisseurs se concentrent toujours sur ce que les banques centrales ont fait par le passé.

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