Les acquisitions n’apportent pas toujours une valeur ajoutée pour les clients

Yves Hulmann

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Selon Paolo Corredig de T. Rowe Price, une croissance organique alliée à une offre diversifiée permet un meilleur développement à long terme.

Quel a été l’impact de la correction boursière de cette année sur les activités de gestion d’actifs? Etat des lieux avec Paolo Corredig, directeur pour la Suisse chez T. Rowe Price, un gestionnaire d’actifs basé à Baltimore Etats-Unis et qui est présent en Suisse depuis 2008.

En l’espace d’une décennie, les actifs sous gestion de T. Rowe Price ont été multipliés par cinq, avant tout grâce à une croissance organique. Le groupe envisage-t-il désormais aussi des acquisitions pour continuer de croître?

De manière générale, T. Rowe Price n’a jamais acheté de sociétés ou de gérants d’actifs avant l’acquisition d’OHA (Oak Hill Advisors). Si l’on devait intégrer des gérants qui ont d’autres manières de faire, cela pourrait diluer notre ADN, notre façon de travailler. Des acquisitions n’apportent donc pas toujours une valeur ajoutée pour nos clients. Si l’on regarde l’évolution récente de nos actifs sous gestion cette année – situés aux environs de 1300 milliards après avoir atteint près de 1700 milliards de dollars à fin 2021 -, leur baisse est due avant tout à la correction survenue sur les marchés. En revanche, nous avons été très peu affectés par des sorties de fonds. Et lorsqu’il y en a eu, celles-ci ont plutôt été le résultat de mesures de réduction des risques – par exemple suite à la sortie de certains marchés émergents – que nous avons mises en place. S’y ajoute aussi la tendance à la gestion passive qui concerne surtout les marchés hautement sophistiqués. Nous avons cependant toujours réussi à générer de l'alpha sur les marchés les plus sophistiqués, comme par exemple celui des actions américaines. Dans l’ensemble, nous avons subi peu de sorties de fonds de la part de nos clients cette année.

«Dans l’ensemble, nous avons subi peu de sorties de fonds de la part de nos clients cette année.»
Quel a été l’effet de la correction des marchés en 2022 sur le comportement des investisseurs?

Entre 2011 et 2021, les marchés ont évolué en quelque sorte en mode «autopilote», hormis quelques phases d’interruption comme cela a été le cas à la suite de la pandémie de Covid. La correction des marchés cette année a eu plus d’effets sur les investisseurs privés. Avec ceux-ci, les nouvelles souscriptions ont arrêté assez subitement après l’invasion de l’Ukraine en février. Il y a aussi eu une nette réduction des risques dans les portefeuilles, en particulier en ce qui concerne des segments tels que les marchés émergents ou la Chine – moins pour l’UE ou les Etats-Unis – ainsi qu’avec les sociétés de forte croissance, comme les valeurs technologiques par exemple.

En ce qui concerne les marchés émergents et la Chine en particulier, estimez-vous qu’il est préférable attendre que la situation se stabilise - ou est-ce le moment de prendre à nouveau davantage de risques sur ces marchés?

Il faut distinguer entre les variations à court terme observées sur certains marchés et les perspectives de développement à long terme. A cet égard, il faut garder à l’esprit que la Chine reste un marché de croissance – et cela depuis plusieurs décennies. Même si la croissance du PIB en Chine a été ralentie ces dernières années par les restrictions anti-Covid, l’économie chinoise poursuit néanmoins sa transformation. Auparavant, elle était dominée par des secteurs tels que les matières premières, l’immobilier et l’industrie d’exportation. Maintenant, l’économie chinoise est davantage tournée vers les services, la consommation intérieure et les technologies. S’y ajoutent toutes les thématiques liées à l’environnement. Lorsque l’on veut investir en Chine, l’important est de parvenir à trouver les bonnes sociétés innovantes – et non pas se limiter à quelques noms connus. En Chine, les 100 premières sociétés ne constituent que 2% des titres cotés en bourse. Il y a plus de 5000 entreprises cotées en bourse dans le pays. La Chine est très intéressante pour les stock pickers. De mon point de vue, la question n’est pas tant de savoir s’il faut entrer ou ressortir du marché chinois mais plutôt d’identifier les sociétés qui soutiendront les développements de ces technologies.

«Nous préférons garder une large diversification. Nous ne cherchons pas particulièrement à nous profiler vers des offres thématiques ultraspécialisées.»
Quels sont les exemples de technologies pour lesquelles la Chine est particulièrement à la pointe?

Wenli Zheng, le gestionnaire de portefeuille de notre fonds China Evolution Equity, met en évidence le secteur des véhicules électriques. Avec les véhicules à combustion, les marques occidentales ou japonaises dominent encore le marché. En Chine, les fabricants domestiques de véhicules électriques détiennent plus de 80% des parts du marché local. Un véritable cluster s’est constitué dans le domaine des véhicules électriques en Chine - et ces entreprises sont prêtes à exporter ailleurs dans le monde.

Quels sont les objectifs T. Rowe Price pour le marché suisse?

Notre approche consiste à offrir un large éventail de solutions pour répondre aux besoins des clients. Actuellement, il y a de la demande pour des solutions de placement actions mais aussi dans les produits à revenu fixe. Grosso modo, les solutions en actions représentent plus de la moitié du total, les obligations environ un tiers, le reste revenant aux mandats customisés.

Proposez-vous aussi des solutions beaucoup plus spécialisées?

Non. Nous préférons garder une large diversification. Nous ne cherchons pas particulièrement à nous profiler vers des offres thématiques ultraspécialisées. Nous essayons plutôt de voir si l’utilisation d’un produit ou d’un placement apporte un bénéfice au sein d’une allocation d’actifs et s’il peut gagner en valeur sur un horizon de 5 ou 10 ans.

«Au début, j’étais seul responsable pour l’ensemble du marché suisse, mais nous avons continué à recruter et nous sommes désormais 6 personnes à travailler en Suisse.»

De manière générale, notre approche d’investissement est très axée sur la gestion des risques – il faut certes savoir en prendre mais surtout aussi les éviter. T. Rowe Price forme en général ses cadres à l’interne – tous nos CEO ont fait leur carrière à l’intérieur de l’entreprise – et notre organisation est organisée avant tout autour des besoins des clients (client-centric organisation).

Quelle est votre présence sur le marché suisse actuellement?

T. Rowe Price est présent à Zurich depuis 2008. Au-delà du service à la clientèle institutionnelle, nous avons commencé à développer depuis près de 10 ans nos activités avec les banques et les gestionnaires d'actifs indépendants. Aujourd'hui, nous couvrons toutes les régions du pays avec des conseillers à la clientèle qui parlent les langues nationales respectives. Par conséquence, notre activité wholesale s'est considérablement développée en parallèle à notre activité institutionnelle existante.

Au début, j’étais seul responsable pour l’ensemble du marché suisse, mais nous avons continué à recruter et nous sommes désormais 6 personnes à travailler en Suisse. En 2014, Pierre-Alain Stehle nous a rejoint et s’occupe spécifiquement du marché en Suisse romande.

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