La purge actuelle du marché des cryptoactifs est salutaire

Manuel Valente, Coinhouse

2 minutes de lecture

Chronique blockchain. Les multiples faillites de plateformes de crédit centralisées montrent qu’une gestion prudente des fonds propres est nécessaire dans tout marché financier.

Le marché des cryptoactifs a atteint son plus haut historique avec une valorisation totale de 2’900 milliards de dollars au mois de novembre 2021. Depuis, la chute a été violente et constante, et la valorisation est désormais aux alentours de 900 milliards de dollars, soit une baisse des deux tiers en un peu plus de six mois. Et comme à chaque fois qu’une baisse brutale se produit sur ce marché, nombre d’économistes américains comme européens prédisent la fin de Bitcoin et de tout l’ensemble de cet écosystème. Il est certainement possible de tracer un tableau un peu moins sinistre de cette situation.

Tout d’abord, il est important de rappeler que le marché des cryptoactifs demeure très volatile. Si l’on se concentre sur les six derniers mois, la situation apparaît effectivement sombre, mais il suffit de prendre un peu de hauteur pour se rendre compte qu’on est en fait revenu à la valorisation que le marché affichait en janvier 2021, qui était à l’époque le plus haut historique. Au final, le marché a corrigé une période d’assez forte euphorie, en revenant à des valeurs plus raisonnables.

Ce n’est pas la première fois que ces variations peuvent être observées: en 2018, Bitcoin et Ethereum perdaient respectivement 83 et 94% de leur valeur en un an, après ce qu’on peut raisonnablement appeler une bulle spéculative en fin d’année 2017. Cette bulle était principalement la résultante d’un marché exubérant tiré vers le haut par les ICO, qui étaient des levées de fonds en cryptoactifs très en vogue pendant cette période.

Si l’idée de départ était intéressante, offrant une alternative aux levées de fonds classiques via du capital risque ou du crowdfunding, des abus sont rapidement apparus: on a ainsi pu voir des projets qui levaient plusieurs centaines de millions de dollars en cryptoactifs avec comme seule base un whitepaper d’une vingtaine de pages et de vagues promesses de révolutionner telle ou telle industrie.

Une fois la poussière retombée post-2018, bien peu de ces projets sont toujours en activité, et encore moins ont réussi à produire une technologie utilisable. Les investisseurs de ces projets ont accepté le risque correspondant, mais beaucoup ont perdu des fonds.

Sur les marchés traditionnels comme le marché actions, il y a toujours un moment où la réalité rattrape la fiction: quand les résultats de l’entreprise sont publiés, il est possible de vérifier les promesses faites aux investisseurs. Il est possible de retarder l’échéance, notamment dans les entreprises du monde de la technologie, mais pas indéfiniment.

On a ainsi vu des comportements semblables lors de la bulle internet de 2000-2001, avec des startups de l’époque annonçant monts et merveilles, pour disparaître quelques mois plus tard. Les survivants de l’époque comme Yahoo, qui perdait alors plus de 90% de sa valeur, en sortaient renforcés.

Dans l’écosystème crypto, la plupart des projets ne sont même pas incorporés comme des entreprises, et la notion de profit n’apparaît nulle part dans leur activité. Il est donc salutaire qu’on puisse observer des périodes de très forte baisse sur le marché.

Ces périodes permettent principalement de mettre en lumière les projets les moins solides: autant les investisseurs seront tentés en période d’euphorie d’alimenter en liquidité le projet à la mode du moment dont les fondamentaux sont problématiques, autant en période de crise ils seront plus prudents et rassembleront leur capital sur les projets les moins risqués.

Les plus problématiques parmi les cryptoactifs et les projets de l’écosystème auront donc beaucoup plus de mal à survivre dans un tel environnement, et leur disparition ne pourra qu’assainir le reste du marché.

Pour ce qui est de l’année 2022, on voit le même schéma se dérouler. L’échec du projet Terra/Luna a démontré la fragilité du modèle des stablecoins algorithmiques, ce qui aurait été difficile à démontrer dans un marché en forte hausse. Les multiples faillites de plateformes de crédit centralisées montrent qu’une gestion prudente des fonds propres est nécessaire dans tout marché financier, et qu’une régulation de leur activité pourrait être envisagée.

La mauvaise passe du marché des cryptoactifs n’est pas encore terminée, et nous n’avons peut-être même pas vu les pires événements de cette phase. En revanche, sur le long terme, la purge que nous observons actuellement permettra de protéger les investisseurs des projets les moins équilibrés, et de renforcer ceux qui sont les plus intéressants.

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