Chronique blockchain. La chute du stablecoin algorithmique UST et de la Blockchain Terra offre quelques enseignements sur le secteur dans son ensemble.
Les narratives s’évanouissent rapidement dans le monde des cryptos. L’écosystème Terra comprenant la blockchain Terra, son token Luna et le stablecoin UST n’ont pas résisté à la rupture de confiance du modèle. En quelques jours, la somme des capitalisations des deux actifs est tombée de 50 à 2 milliards de dollars.
La chute est brutale et violente pour tous les détenteurs qui ont perdu de l’argent.
Néanmoins, cet événement, qui demeurera comme un jalon de l’histoire du secteur, offre la possibilité de prendre un recul salutaire.
D’abord quelques mots sur le stablecoin UST en tant que tel: un mécanisme de stablecoin algorithmique, associé à un jeton permettant un mécanisme de destruction et de création monétaire pour soutenir le cours, est intéressant sur le plan expérimental. Mais sans contrepartie en cash, ou en équivalent cash (bonds du trésor américain ou des dettes d’entreprise à faible maturité), aucun modèle ne s’est imposé à grande échelle en dehors de celui soutenu par ce type de collatéral.
Le crash de l’UST vient rappeler quelque chose de crucial: tous les modèles de stablecoins ne se valent pas, et ne comportent pas le même lot de risques. Et pour n’importe quel professionnel sérieux du secteur, l’UST était au mieux expérimental, mais surtout, de manière plus réaliste, complètement bancal à long terme.
Voilà un vrai rappel de la signification du mot «expérimental», qui a des répercussions sur d’autres débats par ailleurs. La volonté de certains pouvoirs publics d’abolir le Proof of Work par exemple pour passer en Proof of Stake devrait être reconsidérée à l’aune de cette actualité.
Concernant le marché des stablecoins, l’USDC voit son nombre de jetons en circulation augmenter légèrement, tandis que l’USDT, plus ancien, a vu la destruction d’environ 10% de ses jetons pour que les investisseurs récupèrent du dollar sonnant et trébuchant. Le modèle a prouvé sa résilience lors de ce stress test grandeur nature pour le secteur.
L’UST attirait les détenteurs par un taux d’intérêt à 20% subventionné par les réserves de la fondation (Luna Foundation Guard), taux très supérieur aux taux proposés sur Aave ou Compound d’environ 2%-3%. Avant l’explosion de cette bulle, la fondation avait accumulé en quelques semaines environ 80'000 bitcoins pour ajouter une forme de collatéral aux quasi 20 milliards de dollars d’UST en circulation. Cette réserve utilisée pour défendre le peg (l’équivalence au dollar) s’est malheureusement envolée sans réussir l’opération sauvetage.
Ce sujet très crypto s’accompagne d’un contexte macroéconomique peu favorable aux actifs risqués comme le secteur de la tech (Netflix, Google, Amazon entre 40 à 70% de baisse du cours depuis le plus haut fin 2021), avec pour incidence une forte corrélation entre le Nasdaq et la crypto dans son ensemble depuis début 2022. En effet, la remontée des taux directeurs par la FED, et la fin des opérations d’achat d'actifs devraient se poursuivre en 2022 voire 2023.
Mais laissons les considérations de prix de côté, concentrons-nous sur les fondamentaux. Voilà la bouffée d’air que nous offre le contexte actuel.
Enterrons quelques narratives par la présente:
- L’extrême majorité des utility tokens ou gouvernance tokens n’ont que peu de pertinence sur le long terme, ne permettant pas de capter de valeur
- Nombreuses DAO ne sont décentralisées que dans le nom, avec un contrôle total de l’équipe derrière les projets
- La DeFi dépend trop de subventions, et certains mécanismes proposant des dizaines de milliers de % en émission monétaire pour attirer de la liquidité ne sont pas durables
- Les projets de Play to Earn ou GameFi valorisés des milliards de dollars (après dilution), sans jeu disponible sont surévalués par rapport à des éditeurs de jeux générant du revenu et ayant des millions de joueurs
- La plupart des blockchains à smart-contract dites alternatives à Ethereum n’en sont pas. Elles proposent de résoudre un problème qui est impossible à résoudre avec le fameux trilemme: sécurité, décentralisation, scalabilité.
- Une grande partie des NFT n’ont aucune valeur intrinsèque ou aucune utilité, passée la mode.
- A la suite notamment du traumatisme d’avoir raté la levée de fonds de Sorare, beaucoup trop d’investisseurs financent, sans réelle thèse d’investissement, des projets, sans fondement et à des valorisations difficilement justifiables, sur la seule narrative «Web3».
Les cycles crypto se ressemblent! Faites l’expérience de regarder les jetons qui étaient dans le top 20 depuis 2013 chaque année, vous constaterez les bouleversements et les promesses non tenues: les Solana et autres Cardano d’aujourd’hui sont probablement les Peercoin (top 3 en 2013) ou EOS (top 5 en 2019) d’hier. Malgré les cycles, les crash, les remous, les oraisons funèbres régulières des média, politiques et acteurs financiers, une seule crypto est là, en haut du classement, depuis 13 ans: Bitcoin.
lE Bitcoin est inamovible, seul sur son créneau, et incontesté. Son potentiel est bien plus vaste que le simpliste aspect de «réserve de valeur» comme en témoigne la croissance organique du Lightning Network ou des avancées autour de Taro pour en faire une infrastructure de paiement. Lorsque l’on parle d’adopter une monnaie légale, de commerce international, de géopolitique etc. c’est de Bitcoin dont il est question, pas de «la crypto».
On peut également constater qu’Ethereum survit aux blockchain alternatives à smart contract, et propose à l’heure actuelle la meilleure solution pour assurer une scalabilité nécessaire à son développement. Malgré un niveau de certitude moins élevé que sur Bitcoin, il est fort probable que cette avance demeure dans les prochaines années.
Le prix ne fera que converger vers la valeur fondamentale pour les meilleurs projets, avec une cyclicité propre à l’humain et sa psychologie, le tout à un rythme effréné propre au secteur crypto.
Pendant ce temps, inlassablement, le secteur avance.
La sécurité du réseau Bitcoin progresse ainsi que son nombre de détenteurs individuels ou institutionnels comprenant les enjeux que charrient un tel OVNI sur les questions monétaires ou géopolitiques.
Ethereum propose des innovations clés dans la constitution d’une settlement layer de l’internet de la valeur avec l’EIP 4488 entre autres et les L2 naissantes grâce aux RollUp. La DeFi offre une infrastructure de produits financiers avec pour une minorité d’applicatifs une incensurabilité réelle (comme Curve, ou Uniswap). Les jeux de Play to Earn (ou GameFi) prendront du temps à se construire, et les tokenomics seront plus saines.
La crypto est morte, vive la crypto!