La France résiste aux crises

Bruno Cavalier, ODDO BHF AM

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Ayant rapidement mis en place des mesures contre l’envolée des prix de l’énergie la France a pu limiter les dégâts.

L’économie française a fait preuve en 2022 d’une assez bonne résistance aux chocs qui l’ont frappée. C’est le cas aussi du reste de l’Europe. Forte poussée d’inflation, remontée soudaine des taux d’intérêt, crise énergétique, hausse de l’incertitude, il y avait de quoi faire chuter n’importe quelle économie. La tendance de l’activité sur les derniers mois est la stagnation, non une franche contraction. C’est dans la même veine que se dessine les perspectives au début de 2023. Côté positif: les problèmes énergétiques se révèlent un peu moins graves que ce qui était redouté l’automne dernier. Le marché du travail reste solide. Côté négatif: le climat social pourrait connaître quelques éruptions à court terme alors que va s’amorcer le débat parlementaire sur le projet de réforme des retraites.

Des risques de perturbations pour 2023

Après un recul presque continu sur la majeure partie de 2022, les indices de climat des affaires (INSEE, BdF, PMI) se sont à peu près stabilisés depuis deux-trois mois. Leur niveau d’ensemble est proche de la moyenne de long terme. Rien ici qui ne soit franchement alarmiste, mais rien non plus qui permette d’affirmer que le point bas d’activité est passé et qu’un redressement va suivre. Dans leurs perspectives de décembre, l’INSEE prévoit une légère contraction du PIB réel au quatrième trimestre (-0,2%) quand la Banque de France s’attend à une très modeste progression (+0,1%). En gros, c’est une stagnation.

Ayant mis en place plus tôt que ses voisins des mesures contre l’envolée des prix de l’énergie («bouclier tarifaire»), la France a pu mieux limiter l’accélération de la hausse des prix à la consommation.

Si le moral des entreprises a cessé de se dégrader dernièrement, deux facteurs sont en cause. Tout d’abord, les chaînes d’approvisionnement ont continué de se normaliser, ce qui desserre l’un des freins à l’activité. Au printemps dernier, 64% des firmes industrielles sondées par la Banque de France indiquaient des difficultés d’approvisionnement; cette part est tombée à 40%. Ensuite, les problèmes de la filière énergétique se révèlent un peu moins sévères que ce qui était redouté l’été dernier. En septembre, la production électrique d’origine nucléaire se situait 34% sous la normale; cet écart s’est réduit à 20% à la fin 2022. Les travaux de maintenance sur les centrales nucléaires ne sont pas achevés, loin s’en faut, mais la remise en route du parc est suffisante à ce stade pour éviter les coupures de courant, et les perturbations de production qui en découleraient.

A court terme, un autre risque de perturbation d’activité se profile, lié à la situation sociale. Le gouvernement entend faire voter au Parlement un projet de réforme des retraites. Il pourra compter sur l’appoint des voix de députés de centre-droit théoriquement dans l’opposition. Les syndicats, opposés à ce projet, espèrent que grèves et manifestations feront reculer le gouvernement, ayant en mémoire la débandade du gouvernement Juppé en 1995. Selon les sondages, les actifs sont en majorité contre cette réforme, les retraités sont pour. La première journée de grèves prévue 19 janvier sera un premier test dans la bataille de l’opinion publique française.

Une modération possible de l’inflation

Ayant mis en place plus tôt que ses voisins des mesures contre l’envolée des prix de l’énergie («bouclier tarifaire»), la France a pu mieux limiter l’accélération de la hausse des prix à la consommation. En 2022, le taux d’inflation est ressorti à 5,2% (5,9% selon l’indice harmonisé), trois points environ sous la moyenne de la zone euro. En 2022, les prix du gaz pour les particuliers ont été bloqués, la hausse des prix de l’électricité plafonnée à +4%, et les prix des carburants ont bénéficié de remises ponctuelles. L’inflation sous-jacente (3,6% en 2022) était proche des standards européens.

En 2023, le bouclier sera moins généreux. Les prix réglementés augmenteront de 15% pour le gaz en janvier et de 15% pour l’électricité en février. Depuis leur point bas de septembre, les prix des carburants ont monté de 17%. A court terme, cela devrait causer un rebond du taux d’inflation, repassant sans doute au-dessus de son pic récent (+6,2% sur un an en octobre). Sur la suite de l’année, les pressions inflationnistes seront amenées à se modérer, ne serait-ce qu’en raison d’effets de base favorables. Le scénario central prévoit une inflation passant d’environ 7% en début d’année à 3% en fin d’année. Cela fait une moyenne annuelle de l’ordre de 5%.

Les risques autour du scénario d’inflation restent biaisés vers le haut. Tout d’abord, il subsiste une grande incertitude quant à l’évolution des prix de l’énergie, et plus largement des prix de matières premières, non seulement à cause de la guerre russo-ukrainienne mais aussi de la levée des contraintes sanitaires en Chine. Ensuite, les tensions passées peuvent continuer de se diffuser en 2023 via le canal des salaires (le salaire minimal est indexé) et des anticipations d’inflation. Les ménages, comme on sait, sont plus sensibles à certains prix qu’à d’autres. Les achats fréquents de certains produits, en particulier l’alimentation, dictent en large part la perception de l’inflation. Selon l’INSEE, la hausse des prix pour les produits fréquemment achetés a fini 2022 au-dessus de 11% sur un an, le double du taux d’inflation.

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