Dernière salve de 2022 pour les banques centrales

Bruno Cavalier, ODDO BHF AM

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Si le pic d’inflation est passé depuis quelques mois aux Etats-Unis, on ne peut être aussi affirmatif dans le cas de l’Europe.

L’année se clôt avec une dernière salve de hausses de taux à la Fed, la Banque d’Angleterre et la BCE. A l’exception notable de la Chine et du Japon, les politiques monétaires ont été durcies partout. Le taux directeur mondial qui était à 1,5% en janvier avoisine désormais 4%. Ces derniers mois, les banquiers centraux ont agi dans la précipitation pour ne pas laisser se développer l’idée qu’ils avaient laissé filer l’inflation sans réagir. Cela aurait pu entrainer une dérive des anticipations d’inflation à moyen terme. Le resserrement monétaire agit avec des délais. Les effets se distinguent clairement sur un secteur sensible au taux d’intérêt tel que l’immobilier, mais il y a peu de répercussions pour l’instant sur les conditions d’emploi.

La lente érosion du climat des affaires Européens

Après des hausses cumulées d’une ampleur historique, il est peut-être temps de ralentir le pas. Après des hausses de 75pb, passer à 50pb semble raisonnable. L’opinion des marchés pointe en ce sens. Mais, parler de «pivot» est quelque peu exagéré. Il s’agit toujours d’un resserrement monétaire. Ces trois banques centrales ont l’intention de maintenir une politique restrictive pour peser sur l’inflation. Si le pic d’inflation est passé depuis quelques mois aux Etats-Unis, on ne peut être aussi affirmatif dans le cas de l’Europe car le choc énergétique y a été beaucoup plus fort et continue de se diffuser.

A rebours des signaux négatifs des enquêtes de climat des affaires, l’activité industrielle avait accéléré au troisième trimestre.

En effet, après un automne très clément sur le vieux continent, les conditions météo sont revenues vers la normale, causant un rebond des prix de gros du gaz et de l’électricité. Cela a fait flancher les dépenses des ménages en France et en Allemagne. Dans ces conditions, la lente érosion du climat des affaires devrait se poursuivre. De plus, les récentes alertes sur de possibles blackouts en janvier ne peuvent qu’accentuer la morosité. Pour autant, à rebours des signaux négatifs des enquêtes de climat des affaires, l’activité industrielle avait accéléré au troisième trimestre.

Pour ce qui est du Royaume-Uni, avec un marché obligataire stabilisé après les turbulences éphémères causées par l’épisode Trussonomics, la Banque d’Angleterre devrait opter pour une hausse de 50pb. Avec une inflation à deux chiffres, le point terminal est encore loin. Un compromis sur +50pb est le scénario du marché. Il ne faut rien exclure. En septembre, l’activité avait pâti du jour férié accordé pour les funérailles de la reine Elizabeth II. Un rebond technique est probable en octobre, mais la tendance reste baissière. Gouvernement et banque centrale prévoient une récession. Le marché du travail a jusqu’à présent assez bien résisté à la dégradation des perspectives économiques. Néanmoins, l’emploi est maintenant en recul depuis la fin de l’été. Le taux de chômage pourrait commencer à remonter.

Les catégories de Jerome Powell

Récemment, Jerome Powell a distingué trois grandes catégories de prix: les biens hors énergie, les services de logements, les autres services. Concernant les biens, le freinage de l’inflation est très net (-5 points environ depuis fin 2021), en réponse à la rechute des prix de matières premières et à la normalisation chaines de production. Ce mouvement devrait se poursuivre. Les loyers suivent en général avec un retard de plusieurs mois les évolutions du secteur résidentiel. Vu la correction en cours, le freinage est inéluctable, mais il ne devrait être visible qu’au deuxième semestre 2023. La troisième catégorie est la plus importante car elle reflète de près l’état du marché du travail. A ce jour, les prix des services hors logements plafonnent mais ne ralentissent pas, reflétant l’évolution récente des salaires. C’est là désormais que la Fed veut voir des signes d’amélioration. En octobre, le rapport sur l’indice des prix à la consommation avait surpris à la baisse. En novembre, l’énergie devrait jouer négativement et l’inflation totale devrait ralentir pour le 5ème mois à la suite.

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