La force du pétrole menace la maitrise de l’inflation

Jean-Christophe Rochat, Banque Heritage

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Un certain nombre d’étoiles s’alignent actuellement pour maintenir les cours de l’or noir à des niveaux supérieurs à ceux de la première partie de l’année.

Après un pic atteint en Juin 2022, et une baisse pratiquement continue sur les 12 mois qui ont suivi, les prix du pétrole sont repartis à la hausse au début de l’été, malgré une croissance économique extrêmement faible en Europe et une reprise chinoise qui n’est pas aussi forte qu’attendu. Après avoir atteint les 100 dollars par baril il y a un peu plus d’un an, le prix du brut américain était redescendu à presque 70 dollars à la fin du premier trimestre 2023. Les craintes d’une récession aux Etats-Unis – et plus largement mondiale – pesaient alors sur les cours, ce qui permit en grande partie de faire baisser l’inflation aux Etats-Unis (et ailleurs) de 9% en rythme annualisé en juin 2022, à 3% un an plus tard.

Mais voilà. Un certain nombre de données macro-économiques publiées depuis le mois de juin sont venues mitiger la vision pessimiste adoptée par un grand nombre d’acteurs économiques. Aux Etats-Unis notamment, la première publication du produit intérieur brut pour le deuxième trimestre montre une augmentation en rythme annualisé de 2,4%. Ce chiffre a dépassé les 1,5% de croissance prévus par le consensus et marque surtout une accélération par rapport à la progression de 2,0% au cours des trois premiers mois de 2023. Les résultats d’entreprise pour le deuxième trimestre ont également montré une forte résilience des modèles d’affaires des sociétés américaines.

La demande privée est en train de se raffermir aux Etats-Unis, et les prix du pétrole aussi.

Quant au marché de l’emploi, force est de constater qu’il reste robuste, malgré un quelques signes de détente. La demande privée est donc en train de se raffermir aux Etats-Unis, et les prix du pétrole aussi. Autre facteur déterminant au pays de l’Oncle Sam, leurs réserves stratégiques. Or ces dernières sont à leur niveau le plus bas depuis 40 ans, après que le gouvernement Biden a ponctionné près de 40% des réserves totales en 2022, soit 180 millions de barils, pour tenter de soulager les cours de l’or noir. Le gouvernement américain ne s’en cache pas, il faut désormais les reconstruire. La demande publique est donc également source de pression.

De manière générale d’ailleurs, la demande pour l’or noir est repartie à la hausse au niveau mondiale, malgré les craintes de ralentissement économique, et les appels à une transition énergétique coordonnée et globale. Selon les chiffres de l’AIE (Agence internationale de l'énergie), la demande mondiale de pétrole atteint des records, stimulée entre autres par les voyages aériens estivaux et l'utilisation accrue de pétrole dans la production d'électricité. Selon ses prévisions, la demande devrait augmenter de 2,2 millions de barils par jour par rapport à 2022.

Et ce n’est pas l’offre qui devrait venir combler ces besoins. L’Arabie saoudite, maitre du jeu au sein de l’Opep, vient d’annoncer que le royaume prolongerait la réduction volontaire pour un mois d'un million de barils par jour. Selon le FMI, l'Arabie saoudite a besoin d'un baril de Brent à environ 81 dollars pour équilibrer son budget (85 dollars actuellement). Le royaume est engagé dans un plan de transformation économique et sociale pharaonique qu’il faut aussi financer.

Autre pays qui a intérêt à maintenir des prix élevés, la Russie. Membre de l’Opep+ (Opep élargie) depuis 2016, elle a annoncé peu après la déclaration de l’Arabie saoudite une coupe de 300’000 barils dans sa production quotidienne. Le PIB de la Russie est mis à mal par les sanctions internationales suite à la guerre en Ukraine. Principale source de revenus pour la Russie, il est peu probable que le pays souhaite voir des signes de détente sur le marché pétrolier, en tout cas tant qu’elle sera en guerre contre l’Ukraine.

On l’aura donc compris. Un certain nombre d’étoiles sont alignées actuellement pour, si ce n’est pousser les cours vers le haut, en tout cas les maintenir à des niveaux supérieurs à ceux de la première partie de l’année. Or la lutte contre l’inflation reste l’objectif majeur de la Réserve fédérale américaine et de la Banque centrale européenne. A voir maintenant comment va se traduire cette hausse des coûts énergétiques dans les chiffres macro-économiques des prochains mois.

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