La finance ReDeFinie

Yves Longchamp, SEBA Bank

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Chronique blockchain. La jonction entre finance décentralisée et secteur bancaire est en train d’avoir lieu. La BRI prépare le terrain pour que les banques centrales puissent s’y connecter.

La Banque Internationale de Recouvrement (BRI), aussi connue comme la banque centrale des banques centrales étudie de près le potentiel de la blockchain et les cryptos à travers son centre d’innovation BIS Innovation Hub. Celui-ci s’intéresse à l’émission de monnaies numériques de banques centrales (MNBC) directement sur la blockchain, et au négoce automatisé des devises (Automated Market Maker) dans la tradition de la finance décentralisée comme Uniswap (voir le projet Mariana). Cet intérêt de la BRI indique que la blockchain est en train de redéfinir la finance.

Si la révolution numérique a impacté un grand nombre d’activités, le monde de la finance a été épargné. Certes, nous allons moins au guichet et au bancomat, nous utilisons de plus en plus nos téléphones portables pour nos paiements et autres opérations financières, mais c’est avant tout une révolution de façade.

C’est en effet l’interface utilisateurs (UI) qui s’est améliorée et avec elle l’expérience utilisateur (UX) qui rendent notre vie plus simple et nous permettent de consulter l’état de nos comptes 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et d’effectuer nos paiements quand bon nous semble grâce à un QR code.

Toutefois, si l’on gratte un peu la façade, on réalise rapidement que l’infrastructure financière est restée essentiellement la même que celle de nos parents. Elle fonctionne bien, mais elle est complexe, lente et couteuse. Complexe car elle fonctionne à plusieurs niveaux. En effet, l’ordre de paiement que vous donnez à la banque à travers votre application bancaire n’est pas le paiement lui-même, il est une notification, qui sera exécutée et réconciliée plus tard afin de contrôler que l’ordre et le paiement correspondent. Lente car il y a un délai de plusieurs heures voire des jours entre l’ordre et son exécution, selon si le paiement et national ou international, ou s’il tombe le week-end. Finalement, elle est couteuse car elle demande à chacun l’ouverture d’une relation bancaire, le paiement de frais pour la tenue des comptes et souvent des frais supplémentaires pour les paiements internationaux en devises étrangères.

La Blockchain est une technologie de fonds, elle s’attaque à la plomberie du système financier, à son infrastructure. Elle fonctionne bien, et elle est simple, rapide et avantageuse. Simple car l’ordre et le paiement ne font qu’un, ils ne sont pas dissociés ce qui élimine les frais de réconciliation. Rapide car le transfert ou paiement a lieu au moment même ou l’ordre est effectué, c’est quasiment instantané. Avantageux car l’on paie uniquement pour l’opération effectuée.

La blockchain pose les fondements de la finance de demain, elle les redéfinit.

La courte histoire des cryptomonnaies et de la blockchain qui a débuté en 2009 avec la création du Bitcoin, puis des smart contracts et enfin de la DeFi (finance décentralisée) a défini une nouvelle forme de finance.

L’émergence de bourses d’échanges décentralisés a montré que l’échange de titre et de devises pouvait s’effectuer de manière parfaitement automatisée grâce aux Automated Market Maker. C’est de cette innovation que la BRI s’inspire pour tester l’échange de MNBC entre franc suisse, euro et en dollars singapourien dans le cadre du projet Mariana.

La DeFi a aussi ses limites. Le crash de Terra Luna et de son stablecoin algorithmique UST dont les coûts sont similaires à ceux de la crise financière de 2007 montre que l’innovation sans encadrement peut s’avérer dangereuse pour l’utilisateur final, le consommateur. Dans la même idée, sans régulation, la porte est ouverte aux criminels pour utiliser ces nouveaux services financiers.

Définir une nouvelle infrastructure à la manière de la DeFi est souhaitable, mais seulement si elle est réglementée. En résumé, il faut la ReDeFinir.

Avec une régulation intelligente, la finance décentralisée a tout pour elle. Elle donne un cadre légal à l’innovation, évite à des escrocs de créer des protocoles inutiles et dangereux, elle limite le blanchiment d’argent et les pratiques financières illégales. Elle simplifie, rend la finance plus rapide et moins coûteuse. Elle a le potentiel d’offrir des services financiers abordables au plus grand nombre.

La jonction entre DeFi et secteur bancaire est en train d’avoir lieu. La BRI prépare le terrain pour que les banques centrales puissent se connecter à cette nouvelle infrastructure. D’un autre côté, des acteurs financiers privés testent des nouvelles solutions basées sur la blockchain pour rendre leurs opérations plus simple, plus rapide et plus avantageuse afin de contenir leurs coûts, c’est ce que l’on appelle la DeFi institutionnelle.

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