La Fed siffle la fin de la partie

Axel Botte, Ostrum AM

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Jerome Powell insiste: la situation actuelle requiert une approche différente.

©Keystone

La décision de la Fed a engendré de forts mouvements sur les marchés. La hausse des taux s’accompagne d’un net rebond du dollar contre toute devise, d’un nouvel aplatissement de la courbe, d’une hausse de la volatilité des actions et des tensions sur les spreads, en particulier sur le high yield.

Le gradualisme du passé est abandonné

Le communiqué du FOMC, aride et succinct par rapport à décembre, ne laissait pas présager le durcissement du discours de Jerome Powell durant la conférence de presse. Certes, les Fed funds sont nuls et l’assouplissement quantitatif ne se terminera que début mars, mais cette politique est évidemment à contre-temps d’une économie revenue au plein emploi et dont la croissance nominale s’établit à 11,7% sur l’année écoulée. Selon la plupart des indicateurs, le marché du travail américain est très tendu. Cette situation aggrave les contraintes d’offre apparues au redémarrage de l’économie mondiale, il y a bientôt 18 mois. La Fed a longtemps nié le risque inflationniste, tablant sur sa disparition rapide. Il est désormais au centre de sa réflexion. Le retrait du stimulus monétaire va donc s’accélérer. Le nombre et l’amplitude des hausses de taux à venir restent à déterminer, mais l’inclination des banquiers centraux est clairement restrictive. 

Sans ventes actives, les détentions de MBS se réduiront très lentement.

Ces derniers ont sans doute intérêt à instiller de l’incertitude sur la séquence monétaire, afin de restaurer une prime de risque. Ainsi, si une hausse de 25pb est acquise en mars, la probabilité d’un mouvement de 50pb est évaluée à 20% par les marchés. La taille du bilan est l’autre levier monétaire à disposition de la Fed. Les modalités seront discutées lors des deux prochains FOMC, avant une mise en œuvre probable en juin. Si Powell ne semblait pas inquiet de l’aplatissement, compte tenu de la bonne santé actuelle des banques, la réduction du bilan devrait cependant freiner, sinon inverser, cette dynamique. Les ventes d’actifs semblent néanmoins exclues, de sorte que la réduction du bilan sera limitée à un montant fixe inférieur à l’amortissement passif de son portefeuille. Cet aspect de la stratégie monétaire se veut beaucoup plus prévisible que la trajectoire des taux. Cela étant, sans ventes actives, les détentions de MBS se réduiront très lentement. Ce point reste à éclaircir.

La posture de la BoC est similaire. Une première hausse paraît certaine dès le mois de mars et la réduction du bilan de la BoC s’ensuivra rapidement. L’inflation est élevée à 4,8% et le message est clair: un cycle de hausses multiples va s’engager. A ce sujet, la forte proportion d’emprunts hypothécaires à taux variables sera un point d’attention, mais les prix du logement excessifs laissent peu de place au doute quant à la direction des taux canadiens. 

La croissance est bonne mais la volatilité s’accroît

Sur le plan conjoncturel, l’économie américaine a connu en 2021 sa plus forte croissance depuis 1984. Le quatrième trimestre affiche une croissance annualisée de 6,9%. Le restockage est prédominant avec une contribution de près de 5pp. La consommation s’est accélérée, malgré un rebond limité des dépenses en biens durables. En dépit du virus, la demande de services s’est révélée solide. L’investissement en structures est en berne; en revanche l’investissement des entreprises en équipement et propriété intellectuelle est soutenu. La baisse de l’investissement logement devrait être révisée après le bon chiffre de ventes de maisons neuves. 

Les valeurs ayant bénéficié du confinement accusent désormais un ralentissement de leur croissance.

Sur les marchés financiers, la volatilité s’est nettement accrue. C’est la conjonction des tensions internationales au sujet de l’Ukraine, de l’ampleur du resserrement monétaire annoncé par la Fed et de publications de bénéfices souffrant parfois d’un manque de perspectives. Les valeurs ayant bénéficié du confinement accusent désormais un ralentissement de leur croissance. Les marges sont sous pression et l’utilisation des capacités de production s’avère parfois insuffisante par manque d’intrants. Les indices américains ont parfois oscillé de 4% - 5% en séance, pour terminer la semaine sur une note franchement négative. La correction du Nasdaq (-14% en 2022) est très large, de sorte que plus de la moitié de la cote accuse un recul de 50%. L’activité sur les dérivés est intense, notamment sur les options de vente. En outre, les flux sortants des fonds d’actions américaines sont en partie réemployés en Europe. Ce soutien et le repli de l’euro réduisent la pression à la baisse des prix. 

Parallèlement, les mouvements de taux sont considérables. Le T-note oscille entre 1,70% et 1,90% et l’aplatissement reste la norme. La partie longue de la courbe réagit au risque action et à la crise géopolitique, alors que le court intègre désormais 5 hausses des Fed funds cette année. Le spread 2 ans - 10 ans plonge de 15pb sur la semaine. En zone euro, le Bund (sous 0%) demeure moins volatil que le T-note. L’inflation reste bien demandée avec le succès d’émission du 30 ans indexé français. Les spreads périphériques étaient étonnamment inertes dans l’attente de l’issue du scrutin présidentiel italien, ils se sont resserrés après le résultat du weekend. La Grèce sortira du mécanisme de surveillance des finances publiques, ce qui débloquera 1,5 milliard d’euros de transferts. 

L’environnement de marché reste compliqué sur le crédit. L’absence de primaire et le soutien de la BCE limitent l’élargissement à 5 pb. Sur le high yield, les flux sortants des fonds et les achats de protection sur l’iTraxx Crossover contribuent à un fort élargissement des spreads (+ 25pb). Enfin, les flux vendeurs sont les plus importants depuis septembre 2020 sur le segment du high yield en dollars.

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