La Fed passe à la vitesse supérieure

Bruno Cavalier, ODDO BHF AM

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La priorité est de viser un taux «neutre» et d’aviser ensuite si une politique plus restrictive est nécessaire.

En mars, la Fed avait lancé son cycle de normalisation avec une hausse de taux de 25 points de base. Après l’invasion de l’Ukraine, la prudence semblait encore être la meilleure option. Six semaines plus tard, l’incertitude n’a pas reflué. L’économie américaine subit le phénomène global de la hausse des prix de l’énergie mais elle est peu exposée aux perturbations logistiques liées au conflit. En somme, aux Etats-Unis, ce choc agit surtout sur les prix et très peu sur l’activité. Certes, le PIB réel a baissé au premier trimestre 2022 mais cela venait surtout d’une contribution négative du commerce extérieur, signe que la demande intérieure était robuste, trop sans doute.

Jerome Powell et ses collègues du FOMC avaient déjà préparé les marchés à une hausse des taux de 50 points de base, cette fois-ci. Ils pourraient faire de même à la réunion suivante en juin. La priorité dorénavant est de se diriger rapidement vers un taux «neutre» (2,50% vers la fin 2022) et d’aviser ensuite si une politique encore plus restrictive est nécessaire. De plus, la Fed va annoncer son plan de resserrement quantitatif au rythme de 95 milliards de dollars par mois. Les marchés de capitaux sont plus fébriles du fait de la forte hausse des taux longs. Pour autant, la Fed s’est faite discrète sur toute volonté de temporiser pour ramener le calme.

Partout, les pressions sur les prix des intrants restent très élevées.
Marasme industrielle en Europe

Au sein de l’Union européenne, l’industrie s’affaisse selon les estimations préliminaires. Ce secteur est le plus concerné par les incertitudes de la guerre en Ukraine. Les perturbations logistiques s’aggravent. Du fait de sa structure économique, l’Allemagne est plus touchée que les autres pays. Partout, les pressions sur les prix des intrants restent très élevées. Compte tenu de l’emballement des prix de l’énergie en mars, il y a tout lieu d’attendre une nouvelle poussée de l’inflation de l’indice des prix à la production, qui dépasse déjà 30% sur un an depuis quelques mois. Le secteur automobile allemand, quant à lui, n’en finit pas de subir choc sur choc ces dernières années, du Dieselgate au COVID-19, et maintenant la guerre en Ukraine, pays qui abritait de nombreux sous-traitants. La production automobile a chuté en mars, ce qui entraînera l’ensemble de l’indice d’activité industrielle vers le bas. Malgré l’incertitude causé par la guerre en Ukraine, les entreprises n’ont pas revu leurs intentions d’embauche. Le chômage est une variable un peu retardée du cycle. A ce stade, sa tendance reste orientée à la baisse.

A la différence de l’industrie, le moral des directeurs d’achat s’améliore dans les services qui bénéficient du reflux de la vague Omicron. Cela compense la faiblesse dans l’industrie. Le niveau du PMI-composite reste associé à une croissance positive du PIB au début du deuxième trimestre. Le problème est que l’effet-Omicron est fini alors que l’effet-Ukraine perdure. La confiance des ménages a lourdement chuté en mars-avril, en réponse au choc sur le pouvoir d’achat. Même si les ventes au détail ont résisté jusqu’à présent, les dépenses des ménages risquent de corriger cela dans les prochains mois.

Avec un taux de chômage à 3,6%, l’économie américaine approche du plein-emploi.
La Fed veut baisser la pression salariale

Aux Etats-Unis, les indices régionaux, pas plus que l’enquête PMI, ne signalent un fléchissement du secteur industriel en avril malgré le renchérissement des prix. L’indice ISM a légèrement décliné depuis la fin 2021 mais reste très haut. Avec un taux de chômage à 3,6%, l’économie approche du plein-emploi. Le rythme des créations d’emploi tend alors à ralentir. Au quatrième trimestre 2021, il était de 637'000 par mois; au premier trimestre 2022, de 532'000 par mois. Il est attendu en avril au voisinage de 400’000. Les pressions salariales restent fortes. Le dernier Livre beige signalait une amorce de modération mais seulement dans certaines régions, non sur l’ensemble du territoire. La Fed considère que le marché du travail est en surchauffe et qu’il doit donc être freiné.

La demande intérieure est robuste, comme en témoigne le creusement du déficit commercial américain. La confiance dans les services était exubérante à la fin 2021 mais cet excès est corrigé. L’ISM-services reste à un haut niveau.

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