La deuxième fois sera-t-elle la bonne?

Johnathan Owen, TwentyFour Asset Management

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Ce que les obligations vertes peuvent offrir aux investisseurs obligataires sur une base corrigée du risque.

© Keystone

Dans un livre blanc détaillant nos réflexions sur les obligations vertes, nous évoquons le cas de Repsol, la société énergétique espagnole. En 2017, le groupe a été le premier acteur du secteur pétrolier et gazier à émettre une obligation verte, s’attirant les foudres des médias et des investisseurs. En résumé, l’objectif était de financer l’amélioration des raffineries existantes en Espagne et au Portugal.

Cette obligation «verte» visait essentiellement à prolonger la durée de vie des actifs «bruns» en améliorant leur efficacité et rentabilité, et au final en augmentant les émissions totales tout au long du cycle de vie de ces actifs. Compte tenu de sa finalité controversée, cette émission a fini par être exclue des grands indices d’obligations «vertes», mais a remporté un vif succès en étant sursouscrite plus de cinq fois.

Les SLB se distinguent des obligations vertes dans le sens où les fonds peuvent être utilisés pour des finalités générales plutôt que pour un actif ou un projet spécifique.
L’engagement à devenir une entreprise neutre en carbone

Mardi, la multinationale a testé à nouveau l’appétit du marché obligataire ESG, mais cette fois-ci sous la forme d’un emprunt «sustainability-linked» (SLB) après avoir publié son cadre de finance durable la semaine dernière dans lequel elle s’engage à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Pour ceux qui ne le savent pas, les SLB se distinguent des obligations vertes dans le sens où les fonds peuvent être utilisés pour des finalités générales plutôt que pour un actif ou un projet spécifique. Ces emprunts sont associés à un ou plusieurs indicateurs clés de performance (KPI ou objectifs de durabilité). Leur structure intègre des covenants qui subordonnent le coupon à l’atteinte de ces KPI spécifiques par l’émetteur. Point essentiel, ils incitent les entreprises à tenir leurs engagements.

Faible réaction du marché à l’émission

Dans le cadre de cette transaction, Repsol (noté BBB) a levé 1,25 milliard d’euros sur deux tranches senior non garanties (8 ans et 12 ans). Les IPT sont ressortis à MS +70-75 pb pour l’emprunt à 8 ans et à MS +90 pb pour l’emprunt à 12 ans avant la fixation du prix à +50 et +70 respectivement. Les obligations intègrent des KPI engageant Repsol à réduire son indicateur d’intensité carbone (en g CO2e/MJ, émission de CO2 par unité d’énergie produite) de 12% d’ici 2025 et de 25% d’ici 2030. Si le groupe n’atteint pas ces objectifs, le coupon augmentera de 25 pb pour la tranche de 8 ans et de 37,5 pb pour la tranche de 12 ans.

Le marché des SLB représente toujours une très faible portion du marché des obligations ESG.

Il est difficile de tirer des conclusions de cette transaction dans l’immédiat si ce n’est la réussite remarquable de Repsol à obtenir du financement durable. La transaction a été sursouscrite moins de deux fois (contre 4,4 fois en moyenne pour les émissions obligataires ESG depuis le début de l’année [source: Santander]) sur les deux tranches, et il est resté une prime de nouvelle émission d’environ 5 à 7 pb. Dans la mesure où les obligations ESG tendent à se négocier à des niveaux très proches de leur juste valeur (+0,8 pb [source: Santander]), la prime de spread a été une surprise. On peut supposer que le succès mitigé de cette émission est davantage dû aux facteurs idiosyncratiques persistants depuis la dernière incursion de Repsol sur le marché des obligations ESG qu’à des préoccupations plus générales entourant la nature de ces obligations.

Est-ce que l’offre excèdera la demande?

Le marché des SLB représente toujours une très faible portion du marché des obligations ESG. Il y a un an, nous pensions que le marché des SLB allait gagner en importance pour deux raisons. Premièrement, parce que de nombreux investisseurs privilégient ces titres aux obligations vertes. Deuxièmement, parce que les SLB ouvrent des opportunités de financement durable et bon marché aux émetteurs, généralement des PME, qui n’ont pas pu jusqu’à présent émettre des obligations vertes, sociales ou durables, étant dans l’incapacité d’identifier des actifs ou projets éligibles.

Toutefois, cette transaction pourrait marquer un tournant pour les SLB. En effet, si les grandes compagnies pétrolières et gazières font irruption dans l’univers des SLB avec leurs immenses besoins de financement, le marché des SLB pourrait rapidement dépasser l’offre d’obligations vertes. La réaction du marché à cette possibilité reste difficile à prévoir mais à première vue, les obligations «de transition» semblent assurément le véhicule ESG le plus approprié pour le secteur du gaz et du pétrole. Les incitations financières pourraient donner l’élan nécessaire à l’accélération du changement dans cette industrie.

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