La dette hybride attrayante à ce niveau du cycle

Pierre Beniguel, TwentyFour Asset Management

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Les obligations corporate hybrides sont devenues une vaste classe d’actifs bien établie.

L’une des principales caractéristiques distinguant les obligations hybrides de la dette senior est l’échéance, ou plus précisément l’absence d’échéance. Par conséquent, la note des obligations hybrides est souvent inférieure de deux crans à celle d’une obligation senior équivalente du même émetteur. Les obligations hybrides offrent généralement aussi une prime plus élevée aux investisseurs, en contrepartie du risque que l’émetteur n’exerce pas son option de remboursement anticipé ou «call» (souvent appelé «risque de call» ou «risque d’extension»).

Deux risques à suivre

En mars, le marché s’est inquiété du risque d'extension en plus de la hausse générale du risque de crédit engendrée par l’épidémie de COVID-19. Un bon moyen d’évaluer le degré de confiance des investisseurs à l’égard de ce risque est d’observer l’évolution des spreads entre les obligations corporate hybrides et seniors. En règle générale, plus le spread est faible, plus les investisseurs sont confiants dans le fait que les émetteurs d’obligations hybrides les rembourseront; un spread qui s’élargit est généralement le reflet d’une certaine inquiétude.

L’extension des hybrides a toujours été très rare, car elle peut saper la confiance
des investisseurs envers un émetteur et accroître le coût du capital.

Le risque de crédit doit bien entendu aussi être pris en compte. Les émetteurs d’obligations hybrides sont pour la plupart des entreprises européennes IG («investment grade») cotées et disposant d’un bon ratio de couverture, qui opèrent dans des secteurs clés tels que les services publics ou les télécoms et présentent un profil de risque relativement faible. Lorsqu’ils s’engagent au niveau subordonné, les investisseurs s’exposent au même risque de défaut d’un émetteur IG coté bien établi que s’ils s’engageaient au niveau senior. La subordination des instruments hybrides se traduit par l’exigence d’une prime plus élevée pour les investisseurs: à cet égard, le multiple de spreads entre la courbe des obligations hybrides et celle de la dette senior représente un bon critère pour évaluer l’attrait relatif de cette prime de risque. Dans une récente note aux investisseurs, les analystes de Credit Suisse ont retracé l’évolution de ce multiple sur les trois dernières années. Ils ont découvert qu’il fluctuait généralement dans une fourchette située entre 2x et 3x. En février dernier, avant la correction du T1, ce multiple avoisinait 2x. Avec le redressement des marchés en avril, le multiple a commencé à augmenter pour atteindre 3,0x fin septembre alors qu’il n’était que de 1,9x fin mars.  

L’extension des hybrides reste un cas rare

Les entreprises européennes émettent souvent du capital hybride pour stabiliser leur notation. Les investisseurs sont très attentifs au risque d’extension, et ils n’ont pas tort. Les agences de notation, qui ont joué un rôle prépondérant dans la normalisation de ces produits, comptabilisent la dette hybride à 50% comme fonds propres. Les émetteurs perdraient cet avantage qui leur est accordé par des agences comme S&P s’ils décidaient de ne pas exercer leur option de remboursement anticipé et procéder à une nouvelle émission. La comptabilisation comme fonds propres est la raison principale qui a fait venir de nombreux émetteurs sur le marché, et le consensus estime que sur un plan économique, il est presque toujours judicieux pour un émetteur de procéder au remboursement anticipé ses obligations hybrides. L’extension des hybrides a toujours été très rare, car elle peut saper la confiance des investisseurs envers un émetteur et accroître le coût du capital. Une gestion prudente du crédit sans jamais perdre de vue les fondamentaux demeure cruciale mais c’est une qualité que possèdent généralement les équipes dirigeantes des entreprises européennes IG: du point de vue historique, le risque d’extension s’avère donc faible.

Un moyen d’adopter un positionnement procyclique

Alors que nous commençons à surmonter la crise du coronavirus, les perspectives demeurent très incertaines. Nous sommes néanmoins au début d'un nouveau cycle et de nombreux investisseurs souhaitent adopter un positionnement procyclique sans prendre un risque de crédit excessif. Les obligations hybrides semblent offrir les bonnes caractéristiques d’investissement pour cette phase du cycle. Le risque de crédit est limité dans la mesure où le risque sous-jacent concerne des entreprises investment grade bien notées et bien comprises. Le spread des obligations seniors est stabilisé par les mesures de soutien des banques centrales et celui de la dette subordonnée paraît attractif comparé à son niveau d’avant la pandémie.

Le marché hybride est profond et généralement liquide, ce qui offre de nombreuses opportunités de valeur relative pour un positionnement procyclique efficace au sein d’un portefeuille obligataire.

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