L’orthodoxie de la Fed ne rend pas la récession inéluctable

James Mazeau, UBS Global Wealth Management

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Dernièrement, les principaux responsables de la Réserve fédérale américaine ont réaffirmé la nécessité d’un resserrement monétaire rapide pour juguler l’inflation.

Le président de la Fed de Saint-Louis, Jim Bullard, a prévenu que la banque centrale américaine était en retard sur le cycle économique et qu’elle pourrait être obligée de porter ses taux directeurs à plus de 3% cette année.

Avant cela, la gouverneure Lael Brainard, qui préconisait jusque-là d’éviter un resserrement trop marqué, a estimé que la Fed devait dégonfler rapidement son bilan et que l’inflation risquait de s’avérer plus forte que prévu. Le procès-verbal de la réunion de la Fed du mois de mars laisse entrevoir un rythme de réduction des achats d’actifs dans le haut de la fourchette prévue.

Ralentissement économique

Les marchés tablent désormais sur des taux directeurs à 3% d’ici un an, un niveau supérieur à celui jugé neutre pour la croissance économique, que la Fed situe à 2,4%. Outre l’incertitude quant à l’issue de la guerre en Ukraine, l’accélération du resserrement monétaire constitue un frein à la croissance, avec des répercussions sur la performance relative des secteurs.

Malgré la multiplication des obstacles, l’économie échappera certainement à une récession.

Même si les valeurs financières profitent généralement de la hausse des taux, la perspective d’un ralentissement économique est de mauvais augure pour ce secteur, qui a été rétrogradé à Neutre. Cependant, malgré la multiplication des obstacles, l’économie échappera certainement à une récession. Explications.

Impact moindre sur l’immobilier

Le secteur immobilier semble relativement épargné par la hausse des taux d’intérêt. Les taux de crédit hypothécaire à trente ans ont augmenté d’environ 150 points de base (pb) depuis le début de l’année, ce qui pénalise les nouveaux propriétaires. Toutefois, cette hausse des taux hypothécaires ne devrait pas amputer le revenu disponible des ménages qui sont déjà propriétaires de leur logement.

En effet, aux Etats-Unis, seulement 1% des crédits hypothécaires sont à taux variable aujourd’hui, contre 40% en 2005. Le potentiel de baisse des prix devrait également être limité par l’offre insuffisante de logements neufs car les entreprises du bâtiment sont en proie à une pénurie de main-d’œuvre et de matériaux.

Les finances des ménages sont encore saines

Selon l’estimation de la Recherche d’UBS, les ménages américains ont accumulé environ 2500 milliards de dollars d’épargne excédentaire pendant la pandémie. Même si les ménages ont déjà puisé dans ce bas de laine, les derniers chiffres de la Fed montrent que leurs engagements financiers rapportés à leurs revenus sont au plus bas depuis plusieurs décennies.

On remarquera que les ménages propriétaires de leur logement sont à la tête d’une valeur immobilière nette de 26 000 milliards de dollars.

Le marché du travail en support

La bonne santé du marché du travail confère une certaine protection face à l’inflation et à la hausse des taux d’intérêt. Les créations nettes d’emplois aux Etats-Unis se sont élevées à 431 000 en mars, avec à la clé une substantielle moyenne mensuelle de 562 000 au premier trimestre. Le taux de chômage est d’ailleurs tombé de 3,8% à 3,6% et le taux d’activité a grimpé à 62,4%, soit leur meilleur niveau depuis le début de la pandémie.

Les investisseurs guetteront les signes de surchauffe qui obligeraient la Fed à sévir pour enrayer une spirale prix-salaires.

La bonne tenue du marché de l’emploi atténue l’impact de la hausse des prix et du renchérissement du crédit. Cela dit, les investisseurs guetteront les signes de surchauffe qui obligeraient la Fed à sévir pour enrayer une spirale prix-salaires. La progression du salaire médian en moyenne glissante sur trois mois, calculée par la Fed d’Atlanta, a atteint 6% en mars contre 3,4% un an plus tôt.

Pas de récession délibérée en vue

La Fed estime qu’elle n’aura pas besoin d’engendrer une récession pour juguler l’inflation. Même si ses responsables sont focalisés sur la lutte contre cette dernière, on n’observe actuellement pas de signes évidents d’une pression inflationniste enracinée qui obligerait la Fed à engendrer délibérément une période de contraction économique.

Les anticipations d’inflation à long terme des ménages sont encore cohérentes avec l’objectif de la banque centrale américaine, à savoir une inflation annuelle de 2% telle que mesurée par son baromètre préféré, à savoir l’indice des dépenses de consommation personnelles.

Malgré les risques, on commence à observer des signes d’atténuation de la demande excédentaire de biens qui a fait grimper l’inflation pendant la pandémie, avec un retour de balancier en faveur des services. La Fed relèvera certainement ses taux de 50 pb à l’issue de ses deux prochaines réunions. Par la suite, le ralentissement de l’inflation devrait devenir perceptible, ce qui permettra ainsi à la banque centrale de relever ses taux plus graduellement.

Protéger son portefeuille

Par conséquent, il est conseillé aux investisseurs de couvrir leur portefeuille, notamment avec les matières premières, et de privilégier les valeurs décotées pour composer avec la hausse des taux d’intérêt.

Toutefois, le scénario central de la Recherche d’UBS envisage une progression des actions et une croissance économique de 3,5% cette année aux Etats-Unis, et de 2,4% en 2023.

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