Fin provisoire de l’état de grâce pour les actions de la zone euro

James Mazeau, UBS Global Wealth Management

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Il y a quelques jours, le président Powell a tenu son discours semestriel devant la commission des services financiers de la Chambre des représentants. Décryptage.

© Keystone

L’invasion de l’Ukraine par la Russie a rendu la trajectoire des marchés d’actions moins prévisible. Par conséquent, les certitudes ont été ébranlées et l’éventail des scénarios envisageables pour les marchés, du plus optimiste au plus pessimiste, s’est élargi. Tour d’horizon.

Le scénario central de la Recherche d’UBS envisage toujours un rebond des actions d’ici la fin de l’année. Toutefois, le profil risque/rendement est plus incertain, c’est pourquoi la recommandation tactique à l’égard des actions a passé de «Most Preferred» à «Neutral».

Les incertitudes en Europe

Les valeurs internationales du secteur de l’énergie et le dollar, qui font toujours l’objet d’une recommandation «Most Preferred», devraient rester, dans l’immédiat, une couverture efficace pour un portefeuille.

Désormais, la Recherche d’UBS opte pour une position neutre à l’égard des actions de la zone euro. Cela s’explique par l’incertitude accrue, ainsi que par la possibilité d’une révision à la baisse des prévisions de croissance du PIB et des bénéfices dans cette région du monde. En Asie, la préférence pour les actions chinoises reste d’actualité.

Privilégier le long terme

Depuis 1945, les événements géopolitiques, y compris ceux qui ont changé le cours de l’histoire, ont rarement eu des effets durables sur les marchés. Dans ces conditions, il vaut mieux rester exposé aux actions dans une logique de long terme.

Néanmoins, dans ce contexte incertain et compte tenu de la volatilité des marchés, les investisseurs devraient dès maintenant revoir l’allocation des actifs dans leur portefeuille. En effet, ils seraient bien avisés de ramener la pondération des actions au niveau recommandé dans l’allocation d’actifs stratégique à long terme.

L’issue militaire en Ukraine et les motivations politiques resteront probablement opaques.
Liquidité, longévité et legs

Le moment est également bien choisi pour revoir sa planification patrimoniale. Il convient de définir une stratégie de liquidité conformément à l’approche triple L d’UBS («Liquidité. Longévité. Legs.») pour faire face aux dépenses prévues sur un horizon de trois à cinq ans. Les investisseurs seront ainsi rassurés quant à leur capacité à assurer leur train de vie à court terme.

Cette démarche évitera aux investisseurs de devoir vendre sous la contrainte ou sous le coup de la panique. La valeur de leurs investissements en actions aura le temps de se redresser et d’atteindre de nouveaux sommets dans les mois ou les années à venir.

Les scénarios pour les marchés

La Recherche d’UBS a analysé des scénarios pour les marchés sur un horizon de placement tactique. Bref rappel.

L’issue militaire en Ukraine et les motivations politiques resteront probablement opaques. Par conséquent, dans un souci de pragmatisme, il vaut mieux se concentrer sur l’impact potentiel de la guerre et des sanctions sur les cours des matières premières. En effet, cet impact est visible et il a des répercussions directes sur les économies du monde entier.

Il convient également de noter que les dénouements réels des événements seront probablement plus complexes que ceux prévus dans les scénarios central, pessimiste et optimiste donnés à titre d’illustration. Et comme indiqué précédemment, compte tenu de l’incertitude significative qui entoure un large éventail de facteurs clés, il vaut mieux se préparer à un nombre important d’issues potentielles que de se forger une conviction quant à la concrétisation de tel ou tel scénario.

Scénario central

Dans le scénario central, les cours des matières premières (énergétiques notamment) resteront élevés à court terme avant d’amorcer une décrue au second semestre. Ce scénario est celui d’un cessez-le-feu, ainsi que d’une désescalade verbale entre l’OTAN et la Russie d’ici à l’été. Plutôt que d’engendrer une interruption immédiate des flux de matières premières énergétiques, les sanctions devraient contribuer au retrait graduel de la Russie des chaînes internationales d’approvisionnement en énergie.

La Recherche d’UBS table, dans ce cas, sur un baril de Brent à 125 dollars en juin, à 115 dollars en septembre et à 105 dollars en décembre. Si les cours des matières premières restent élevés pendant plusieurs mois, cela aura probablement une incidence négative sur la croissance économique et sur les résultats des entreprises.

La croissance des bénéfices devrait tout de même rester positive sur l’ensemble de l’exercice 2022. Une stabilisation d’ici la fin de l’année serait également de nature à réduire la prime de risque géopolitique actuellement intégrée dans les marchés et les résultats 2023 seraient globalement peu impactés.

Dans ce scénario, on peut également s’attendre à une décrue de l’inflation au fil des mois, même si elle s’annonce moins marquée que prévu initialement. Cela devrait permettre aux banques centrales de poursuivre le relèvement graduel de leurs taux d’intérêt. Il ne faut pas oublier que, même si les prix de l’alimentation et de l’énergie sont très élevés, ces postes de dépenses ont un poids relativement modeste dans le panier des ménages des pays développés.

Compte tenu des prévisions de bénéfices globalement stables et de la diminution des primes de risque géopolitiques, on pourrait s’attendre à ce que les marchés remontent d’ici la fin d’année. Dans ce scénario, l’objectif pour le S&P 500 est de 4800 points à la fin 2022, soit une progression de 10% par rapport à son niveau actuel.

Le scénario optimiste envisage des perturbations plus éphémères sur les marchés de matières premières et une dissipation rapide de l’incertitude sur les marchés.

Scénario pessimiste

Le scénario pessimiste est celui d’une augmentation significative des cours des matières premières, qui resteraient durablement élevés sur une période prolongée. Il serait le fruit d’une guerre durable qui occasionnerait des perturbations générales de l’approvisionnement en matières premières ou bien proviendrait de sanctions qui aboutiraient à une interruption soudaine des exportations russes. Dans ce scénario, les cours du pétrole pourraient dépasser les 150 dollars le baril et il pourrait être nécessaire de rationner le gaz en Europe.

Si jamais ce scénario se vérifie, il aurait sans doute un impact négatif considérable sur la croissance économique et sur les bénéfices des entreprises en Europe, et ce jusqu’en 2023. Les Etats-Unis ne seraient pas épargnés, même si l’impact serait moins prononcé.

Ce scénario comporte aussi un risque de «stagflation». Si l’inflation augmente encore et qu’elle s’installe dans la durée, le risque de spirale inflationniste alimentée par les salaires s’accentuerait. Cela pourrait amener les banques centrales à relever leurs taux drastiquement en dépit d’une croissance économique déjà faible.

La révision à la baisse des prévisions de bénéfices et le risque géopolitique toujours marqué entraîneraient vraisemblablement une poursuite de la baisse des actions mondiales. Dans ce scénario, l’objectif pour le S&P 500 est de 3700 points, soit une chute de 15% par rapport à son niveau actuel.

Les risques baissiers qui pèsent sur les marchés pourraient être encore amplifiés en cas d’escalade militaire plus marquée, notamment si les forces de l’OTAN s’impliquaient directement dans le conflit. Cela pourrait être le cas si la Russie envahit d’autres pays ou si elle réagit militairement à la décision de la Suède ou de la Finlande d’intégrer l’OTAN.

Scénario optimiste

Le scénario optimiste envisage des perturbations plus éphémères sur les marchés de matières premières et une dissipation rapide de l’incertitude sur les marchés. Cela pourrait être le cas si le coût humain et économique de la guerre est jugé trop élevé et qu’un cessez-le-feu intervient dans quelques semaines.

Ce scénario aurait avant tout comme avantage d’atténuer la souffrance humaine causée par la guerre. Du point de vue des marchés, une période relativement courte de perturbations de l’approvisionnement en matières premières limiterait l’impact global sur la croissance mondiale et sur l’inflation. En outre, cela ferait reculer l’incertitude, avec à la clé une diminution de la prime de risque de marché.

Face au risque de ruptures d’approvisionnement, un large éventail de matières premières peut constituer une couverture efficace contre le risque géopolitique.

Dans ce scénario, la croissance mondiale devrait bien résister, d’autant que la consommation de services peut encore rebondir avec la levée des restrictions sanitaires liées au variant Omicron. Pour peu qu’il y ait aussi une décrue de l’inflation au fil des mois, le S&P 500 pourrait grimper à 5100 points d’ici la fin de l’année, soit une progression de 17% par rapport à son niveau actuel.

Recommandations d’investissement

Dans cet environnement très incertain, la Recherche d’UBS recommande aux investisseurs de prendre des mesures qui aideront leur portefeuille à surmonter la volatilité des marchés.

  • Conserver un portefeuille diversifié
    La diversification en termes de zones géographiques, de secteurs d’activité, ainsi que de classes d’actifs, permet aux investisseurs d’atténuer leur exposition aux risques spécifiques à la guerre en Ukraine ou à d’autres risques politiques susceptibles de surgir à travers le monde.
     
  • Réfléchir à des couvertures
    Face au risque de ruptures d’approvisionnement, un large éventail de matières premières peut constituer une couverture efficace contre le risque géopolitique. Les actions du secteur de l’énergie, qui demeure l’un des préférés de la Recherche d’UBS, devraient également profiter d’une poursuite de la hausse des cours des matières premières. Les investisseurs peuvent également envisager d’ajouter à leur portefeuille des actifs non traditionnels comme les hedge funds, les actifs non cotés, les investissements immobiliers directs, ainsi que les produits structurés.
     
  • Rester focalisé sur le long terme
    Historiquement, l’impact des événements géopolitiques sur les marchés est relativement éphémère. S’exposer à des thèmes séculaires à plus long terme peut aider les investisseurs à faire abstraction de la volatilité à court terme et à ne pas agir dans la précipitation. L’intelligence artificielle, les big data et la cybersécurité figurent parmi les thèmes préférés, tout comme les investissements axés sur la transition vers la neutralité carbone, à l’instar des technologies vertes.

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