L’euro sous la parité face au dollar: quelles conséquences?

AWP

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Davantage de croissance peut «faciliter le remboursement de la dette», sous réserve que les marchés considèrent la dette européenne comme suffisamment sûre et que les taux d’intérêt restent bas, explique Isabelle Méjean, Sciences Po Paris.

La monnaie européenne évolue sous la parité avec le billet vert pour la deuxième fois cet été, touchant mardi un nouveau plus bas en près de vingt ans, à 0,9901 dollar. Quelles sont les conséquences concrètes de cette dépréciation?

Comment expliquer cette dépréciation?

Cette dépréciation est due à l’affermissement du dollar, soutenu par la politique monétaire de la banque centrale des Etats-Unis (Fed).

Contrairement à son homologue européenne, la Fed a montré beaucoup plus tôt sa détermination à poursuivre sa politique de resserrement des taux pour lutter contre l’inflation.

Des taux d’intérêt élevés aux Etats-Unis rendent plus rémunératrice la détention de dollars, ce qui attire les investisseurs et fait s’apprécier la devise.

De son côté, la BCE a relevé une première fois ses taux mais son intention à long terme n’est pas jugée suffisamment claire sur les marchés, et fait peser un flou sur l’euro.

«La BCE marche sur des oeufs. Elle ne peut pas se lâcher complètement en augmentant les taux car elle a peur de provoquer une crise de la dette souveraine dans les pays les plus endettés de la zone euro», défend Eric Dor, directeur des Etudes Economiques de l’IESEG School of Management. La Fed, elle, «n’est pas confrontée à ce problème».

En conséquence, les écarts de taux restent «très en faveur du dollar», conclut-il.

De plus, la guerre en Ukraine et la dépendance de l’Europe aux hydrocarbures russes renforcent l’incertitude «croissante» dans la zone euro, ajoute-t-il.

Les conséquences sur l’inflation et le pouvoir d’achat des ménages

Près de la moitié des produits importés dans la zone euro sont facturés en dollars contre moins de 40% en euros, selon l’office européen des statistiques Eurostat.

C’est par exemple le cas de beaucoup de matières premières, à commencer par le pétrole et le gaz, dont les cours ont déjà grimpé ces derniers mois dans le contexte de la guerre en Ukraine.

Mais avec la dépréciation de la monnaie européenne, il faut davantage d’euros pour acheter les produits importés en dollars. Les produits importés perdent en compétitivité et sont donc plus chers. Cela contribue à accélérer l’inflation. Comme la hausse des salaires ne suit pas, le pouvoir d’achat des ménages est menacé.

Accessoirement, la dépréciation de l’euro par rapport au dollar va freiner le tourisme des Européens, surtout aux Etats-Unis. Comme ils ont besoin de davantage d’euros pour acquitter la même somme en dollars, la facture de leur séjour augmente aux Etats-Unis ainsi que dans les pays dont la monnaie est arrimée au dollar (Qatar, Jordanie...).

A contrario, les touristes américains gagnent au change: lors de leurs séjours en zone euro, ils peuvent consommer plus avec la même somme de dollars.

Sur les entreprises

L’effet de la baisse de l’euro varie selon la dépendance des entreprises au commerce extérieur et à l’énergie.

«Les entreprises qui exportent hors de la zone euro bénéficient de la dépréciation de l’euro car leurs prix sont plus compétitifs (une fois convertis en dollars, NDLR), tandis que les entreprises qui importent se retrouvent pénalisées», résume Philippe Mutricy, directeur des études de la banque publique Bpifrance.

En revanche, pour les entreprises dépendantes des matières premières et de l’énergie et qui exportent peu, comme les artisans locaux, les coûts explosent.

La grande gagnante de la baisse de l’euro est l’industrie manufacturière qui exporte ses produits à l’étranger, notamment l’aéronautique, l’automobile, le luxe ou la chimie.

Sur la croissance et la dette

Théoriquement, la dépréciation de l’euro rend les prix plus compétitifs hors zone euro et stimule donc les exportations des biens et des services européens vers l’étranger.

Cela pourrait amortir l’impact sur la croissance de la hausse des prix des matières premières, surtout dans les pays dont l’économie est tirée par l’export, comme l’Allemagne.

Pour le remboursement de la dette des pays européens, l’impact est moins évident.

Davantage de croissance peut «faciliter le remboursement de la dette», explique Isabelle Méjean, professeure à Sciences Po Paris, sous réserve que les marchés considèrent la dette européenne comme suffisamment sûre et que les taux d’intérêt restent bas.

Mais pour les Etats qui ont émis des obligations libellées en dollars, une dépréciation de l’euro par rapport au dollar augmente le coût du remboursement.

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