S’inspirer des écosystèmes

Yves Hulmann

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Pour Maria Souza, experte en durabilité chez Baillie Gifford, seule une approche globale peut contribuer à résoudre les défis qui se posent dans le secteur de la santé.

L’investissement durable ou d’impact ne se consacre pas seulement à l’environnement mais il intègre toujours davantage aussi des considérations d’ordre social. Le secteur de la santé ne reste pas à l’écart de cette évolution - et c’est précisément dans ce domaine que s’est spécialisée l’équipe Health Innovation du gérant d’actifs écossais Baillie Gifford. Le point avec Maria Souza, analyste spécialisée dans l’investissement d’impact, qui effectue une présentation dans le cadre du Zurich Forum for Sustainable Investment (ZFSI 2022) qui se tient ce mercredi dans la ville des bords de la Limmat.

La conférence que vous présentez dans le cadre du ZFSI est intitulée «un écosystème d’impact». Que signifie cette approche et quelle est son utilité dans le domaine de l’investissement durable?

La notion d’écosystème est importante en biologie, mon domaine de spécialisation initial et où j’ai commencé ma carrière professionnelle. Considérer les choses en tant qu’écosystème est primordial en biologie - et je pense que cette façon de voir les choses gagnera en importance aussi dans le domaine de l’investissement durable. En effet, dans un écosystème, nous ne considérons pas seulement chaque partie de manière isolée en regardant comment il interagit avec d’autres éléments. Au contraire, nous essayons de comprendre comment fonctionne la dynamique d’ensemble de l’écosystème. Il est nécessaire de bien comprendre l’ensemble des liens à l’intérieur de celui-ci. Dans notre approche en matière d’investissement durable, nous essayons aussi de voir comment il est possible d’établir un lien entre les entreprises et les investisseurs, entre les entreprises et les gouvernements ainsi que des organisations d’aide et d’autres parties prenantes concernées. Par ailleurs, nous concentrons notre attention pas seulement sur les mesures des activités des entreprises d’un point de vue ESG ou les rapports qu’elles publient à ce sujet mais nous essayons d’évaluer quel est leur impact final sur la société ou concernant certains aspects spécifiques.

Vous commencez donc par la fin?

Oui, on débute par la fin en quelque sorte. Le plus important est en effet de connaître l’impact final d’une entreprise par rapport à certains aspects spécifiques ou comment elle peut contribuer à améliorer les choses sur un plan précis.

En matière d’innovation dans la santé, vous indiquez que votre équipe investit dans des entreprises «qui ont le potentiel d’apporter des améliorations substantielles à la santé humaine et aux systèmes de santé». Le but n’est donc pas seulement de se concentrer sur la production de nouveaux médicaments. Pouvez-vous indiquer des exemples d’entreprises qui apportent une telle contribution d’ensemble?

Si l’on prend par exemple le cas de l’entreprise Butterfly Network qui exploite des techniques basées sur les ultrasons, un des grands atouts de sa technologie est qu’elle peut être utilisée de façon beaucoup plus décentralisée. Elle peut être utile à des personnes ou des centres soins qui ont beaucoup moins de ressources que les grands hôpitaux modernes et être employée dans des endroits largement décentralisés. Leurs solutions sont donc accessibles à davantage de gens et à un coût plus bas. La valeur ajoutée pour la société de cette approche ne concerne pas seulement le produit lui-même mais l’usage qui peut en être fait.

Considérer les choses en tant qu’écosystème est primordial en biologie et gagnera en importance dans le domaine de l’investissement durable.
Vous insistez aussi sur le rôle de pont que les investisseurs peuvent jouer pour mettre en lien les entreprises avec d’autres organisations, les gouvernements ou la société civile. Pourquoi est-ce nécessaire?

Je pense que l’une des leçons de la pandémie de Covid-19 est justement qu’il est important, dans de telles situations, de pouvoir mettre en place des solutions qui peuvent être déployées à très grande échelle et de manière accélérée. Durant la pandémie, il y a eu d’importants désaccords entre certaines ONG et la pharma – la situation était même parfois très polarisée pour être honnête. Nous avons besoin de pouvoir agir d’une façon beaucoup plus collaborative.

Que peuvent faire des gérants de fonds ou des acteurs spécialisés dans l’investissement durable pour y remédier?

Nous pouvons justement mettre en lien des entreprises avec des organisations d’entraide ou avec certaines organisations en charge de la réglementation. Un des atouts des investisseurs est qu’ils sont parfois très actifs dans le domaine de la philanthropie, ce qui leur permet en quelque sorte d’être présent des deux côtés. Je pense que les gérants d’actifs peuvent contribuer à créer de la confiance entre les différentes parties prenantes au sein du secteur de la santé. Créer un système résilient est un projet complexe. Les investisseurs du secteur de la santé et les entreprises de la branche peuvent créer de meilleures synergies avec des gouvernements, des organisations ou d’autres parties prenantes.

En ce qui concerne les critères ESG, l’accent a surtout été placé ces dernières années sur les aspects environnementaux, moins sur les questions sociales. Est-il possible d’obtenir de l’attention de la part des investisseurs sur ce dernier point?

Il faut préciser que chez Baillie Gifford, nous mettons aussi l’accent sur les aspects environnementaux. Il n’y a d’ailleurs pas forcément de raisons d’opposer ces deux aspects. Dans la pharma, il y a beaucoup d’améliorations à apporter sur le plan environnemental, par exemple concernant le traitement de certains déchets chimiques, la réduction de la consommation de produits en plastiques à usage unique, etc. Sur le plan social, il est important de mettre en place des mesures qui visent à assurer que les médicaments puissent être accessibles partout dans le monde.

Avez-vous des exemples d’entreprises qui tiennent particulièrement compte de ces aspects?

Si vous prenez l’exemple de Sage Therapeutics, une société qui a développé, entre autres, un traitement contre la dépression post-partum, cette entreprise a aussi élaboré des programmes qui visent à accompagner les mères qui ont souffert de cette situation. C’est un aspect important dans l’optique de pouvoir contribuer à améliorer la situation des patientes dans leur ensemble.