Impact du conflit russo-ukrainien sur l’objectif de neutralité carbone

Vincent Juvyns, J.P. Morgan Asset Management

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À court terme, il y a opposition entre sécurité énergétique et neutralité carbone. Mais cet antagonisme finira par donner un coup de fouet au programme «net zéro».

L’évolution du conflit entre la Russie et l’Ukraine reste très incertaine, mais une chose est sûre: les événements tragiques en Ukraine ont considérablement accéléré le désir des autorités européennes de réduire leur dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie. L’Union européenne est en train de revoir à la hausse son objectif pour 2030 concernant la quantité d’énergie produite à partir de sources renouvelables, qui passera de 32% à 40%, et la Commission européenne a présenté une proposition intitulée «REPowerEU» visant à réduire de deux tiers les importations de gaz en provenance de Russie d’ici la fin 2022. Si, d’un point de vue politique, ces objectifs bénéficient d’un large soutien, les avis concernant la voie à suivre pour les atteindre varient considérablement.

La place de l’énergie nucléaire dans la transition énergétique est un bon exemple. Si, jusqu’à très récemment, le nucléaire n’était généralement pas considéré comme faisant partie de la solution, le conflit en Ukraine a fondamentalement changé la donne. Plusieurs pays, comme la France, se sont engagés à investir des montants considérables dans de nouvelles centrales nucléaires, tandis que d’autres, comme la Belgique, ont décidé de reporter la fermeture de leurs centrales nucléaires. Consciente du défi auquel sont confrontés de nombreux pays et réaliste quant à la nécessité de disposer de sources d’énergie stables en vue de la neutralité carbone, la Commission européenne a mis à jour sa classification plus tôt cette année et considère désormais certaines activités nucléaires comme conformes aux objectifs climatiques et environnementaux de l’UE.

Il est clair que la pression exercée sur les dirigeants politiques pour qu’ils s’attaquent au changement climatique s’est encore intensifiée à la suite de la guerre en Europe.

À court terme, il existe un conflit inévitable entre le désir d’accroître la sécurité énergétique et celui d’atteindre la neutralité carbone. Si l’UE est déterminée à réduire sa dépendance au gaz russe, une augmentation de la consommation d’autres combustibles fossiles est inévitable au cours des prochains trimestres, comme le montre l’ampleur de la bascule du gaz vers le charbon qui a été déclenché par la flambée des prix du gaz.

Cela dit, nous pensons qu’au-delà du très court terme, ce conflit finira par donner un coup de fouet au programme «net zéro». Depuis le début de la guerre, le gouvernement allemand a annoncé son intention d’accélérer la mise en oeuvre de sa loi sur les sources d’énergie renouvelables, qui vise à doubler la capacité éolienne terrestre, de 55 à 110 gigawatts, tout en augmentant considérablement la capacité éolienne offshore.

En Italie, le fournisseur de services publics Enel a signé un accord de subvention avec la Commission européenne pour multiplier par 15 la production de son usine de panneaux solaires existante, suite à une déclaration de la Commission européenne selon laquelle elle ferait «tout ce qui est nécessaire» pour relancer la fabrication de panneaux photovoltaïques.

Le gouvernement britannique a fait de même en lançant sa stratégie de sécurité énergétique, qui ambitionne de faire basculer 95% de la production d’électricité vers des sources à faible teneur en carbone d’ici 2030.

Toutes ces initiatives prendront du temps à se concrétiser, mais il est clair que la pression exercée sur les dirigeants politiques pour qu’ils s’attaquent au changement climatique s’est encore intensifiée à la suite de la guerre en Europe.

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