Faites vos jeux

Levi-Sergio Mutemba

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Il y a autant de raisons de croire en un rallye de fin d’année que de l’exclure.

Rares sont les attentes optimistes quant à un traditionnel rallye de fin d’année. Face à un niveau d’inflation que les marchés n’avaient plus observé depuis au moins 40 ans – et qui persiste – nombreux sont ceux qui estiment que la Fed n’aura d’autre choix que de susciter une récession pour la combattre. A priori, les fondamentaux macroéconomiques justifient leur pessimisme. Mais quels enseignements tirer des fondamentaux psychologiques? À savoir ceux émanant des marchés des options.

Pour Julien Messias, Head of Research et cofondateur de la société de gestion Quantology, basée à Paris, le jeu des corrélations et des volatilités implicites suggèrent un potentiel significatif d’un rallye de fin d’année. «Depuis la fin du mois d’octobre, je remarque que, sur l’indice Nasdaq 100, la corrélation implicite des options call hors de la monnaie à trois mois est nettement plus élevée que d’habitude», nous confie-t-il lors d’un entretien exclusif.

«La peur de perdre de l’argent est un sentiment plus puissant que la perspective d’en gagner»

L’expert, qui est également spécialiste de la finance comportementale, rappelle que lorsque le marché bouge fortement, les chances que les actions évoluent dans le même sens se multiplient. C’est-à-dire que les corrélations augmentent de façon significative. C’est d’autant plus le cas, traditionnellement, lorsque le marché est baissier. «Dans ce cas de figure, les primes des options de ventes (put) sont généralement plus élevées que celles des options d’achat (call), car la peur de perdre de l’argent est un sentiment plus puissant que la perspective d’en gagner», poursuit Julien Messias.

Celui-ci précise que pour les call sur indices dont les prix d’exercice sont plus élevés que les prix du marché, c’est-à-dire hors de la monnaie (OTM), la corrélation implicite est en général assez faible. «Nous parlons d’une corrélation implicite de l’ordre de 40-45%. Celle-ci est par contre plus élevée pour les put hors de la monnaie, à savoir entre 65-70% en moyenne.» Or ce qui passe depuis novembre est que la corrélation implicite des call OTM sur le Nasdaq 100 se situe justement à des niveaux proches de 65-70%.

«Ces niveaux correspondent généralement aux corrélation des put OTM et non des call. On peut en déduire que le marché des options sur actions de l’indice Nasdaq 100 anticipe un mouvement haussier significatif et rapide de fin d’année, au cours duquel tout ira dans le même sens, en l’occurrence vers une hausse», explique le manager. Par conséquent, au lieu d’une hausse classique caractérisée par un mouvement lent et graduel des actions, ainsi que par une grande dispersion, la revalorisation pourrait s’avérer très puissante, en particulier pour les actions technologiques de l’indice Nasdaq. A fortiori dans le cadre d’un effet de rattrapage qui pourrait être alimenté par une potentielle accalmie au niveau du risque inflationniste.

«Ceci est d’autant plus frappant que lorsque le marché monte, la corrélation est généralement moins prononcée, voire marginale, alors que la dispersion augmente», poursuit Julien Messias. (Qui attire également l’attention sur le fait que les marchés actions montent plus souvent qu’ils ne baissent, mais les baisses sont en général beaucoup plus violentes). De plus, tout au long de l’année 2022, la dispersion fut particulièrement significative entre les investissements «value» et les investissements de croissance («growth»), au profit des premiers. «Mais, depuis le début du mois de novembre, c’est l’inverse qui se produit», insiste le gérant de Quantology.

Mais pour les stratégistes de Goldman Sachs, JP Morgan ou encore BlackRock, la récente appréciation des marchés est exagérée. Pour ces derniers, il n’y aura pas d’atterrissage en douceur de la Fed. Et, par conséquent, ils campent sur leurs positions à «sous-pondérer» sur les actions des marchés développés. Et du côté des entreprises? Que nous disent leurs résultats au troisième trimestre?

«La thématique de la «réouverture» chinoise ne créera-t-elle pas au moins autant d’inflation que de croissance?»

«Premièrement, ils ont plutôt rassuré», estime Stéphane Barbier de la Serre, stratégiste chez AIR LAB, également contacté par Allnews. «Pour autant, du fait de la mécanique des marchés, n’est-ce pas toujours un peu le cas, au fond?», questionne le stratégiste. Deuxièmement, selon lui, le marché ne donne plus droit à l’erreur en termes de résultats d’entreprise. «En d’autres termes, les sociétés qui déçoivent tant au niveau du chiffre d’affaires que du bénéfice par action sont davantage sanctionnées qu’à l’accoutumée. Ceci traduit la persistance du sentiment baissier (à la volatilité au mois près) chez les investisseurs en général», ajoute Stéphane Barbier de la Serre. Qui souligne que le facteur clé pouvant dissiper les incertitudes «demeure et demeurera encore assez longtemps l’inflation».

Du point de vue macroéconomique, même le facteur chinois peut ne pas être suffisant pour durablement rétablir de l’optimisme. «La thématique de la «réouverture» chinoise, même si elle demeure ambiguë, ne créera-t-elle pas au moins autant d’inflation que de croissance surnuméraire?», interpelle Stéphane Barbier de la Serre. «Pour autant, Pékin pourrait préférer une politique des petits pas. En d’autres termes, l’impact de ce facteur ne sera vraisemblablement que progressif.»

Enfin, selon le stratégiste, le rebond des actions internationales au cours des dernières semaines doit beaucoup plus à des rachats massifs de positions vendeuses à découvert par les hedge funds qu’à une véritable inflexion positive des fondamentaux macroéconomiques. «Ce rebond n’est peut-être pas achevé dans le contexte, toujours très particulier, des ajustements de fin d’année. Mais je ne vois guère de secteurs présentant un point d’entrée véritablement convaincant après le short-squeeze homérique de la semaine dernière», conclut Stéphane Barbier de la Serre.

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