LBO: les investisseurs gardent leur sang froid

Levi-Sergio Mutemba

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Les levées de fonds se maintiennent à des niveaux imposants, même en période de fortes incertitudes. Avec Cyril Demaria.

Tout est en place pour inciter les investisseurs à se désolidariser du private equity. La guerre en Europe génère une incertitude aiguë. Une inflation à des niveaux historiques rend circonspect. La chute des valorisations boursières complique les stratégies de sorties des fonds LBO. Et la remontée impressionnante des taux d’intérêt fait réfléchir à deux fois les banques lorsqu’il s’agit de prêter des capitaux à des fonds dont le gros des opérations consiste à créer de l’effet de levier.

Pas facile, dans un tel environnement, de lever des fonds auprès d’investisseurs qui ont toutes les raisons de se montrer plus prudents vis-à-vis d’une classe d’actifs dont les rendements sont en grande partie fonction d’une prime d’illiquidité. Pourtant, rester de marbre et ne rien faire, voire accroître l’allocation dans les fonds de private equity, peut s’avérer être la stratégie payante dans un environnement macroéconomique récessif.

«Un certain nombre de gros fonds ont pu finaliser des levées de capitaux au cours du premier semestre, mais celles-ci ont fortement ralenti, en particulier pour les fonds LBO», relevaient déjà les experts de Bain & Company (Bain) dans leur rapport publié à la fin de l’été. Des levées qui se sont globalement élevées à 645 milliards de dollars au cours des six premiers mois de l’année contre 789 milliards au cours de la même période l’an dernier. Si l’on ne prend en compte que les fonds LBO, ces derniers ont levé 146 milliards de moins que l’an dernier sur la même période.

Il faut toutefois relativiser. L’année 2021 fut une année record en termes de transactions au sein de l’industrie du private equity. La valeur globale des deals y a en effet atteint 1700 milliards de dollars au cours des 18 mois écoulés à fin juin, d’après les données de Bain. Du jamais vu. De plus, en observant les rendements significatifs générés par les placements effectués précisément lors des périodes de récession et de crises financières précédentes, les investisseurs gardent un certain sang froid. «Ceux-ci signalent constamment leur intention de maintenir ou accroître leur allocation dans les fonds de private equity», poursuivent Hugh MacArthur et Brenda Rainey, associés chez Bain et co-auteurs du Private Equity Report.

«Nous encourageons les souscripteurs à ne pas entrer et sortir du marché au gré du vent.»

Mais les choses ne seront pas simples. Ne serait-ce qu’en raison de l’effet dénominateur. En effet, la baisse des valorisations des actifs cotés augmente mécaniquement la valeur de la part de l’allocation dans les fonds de private equity. Du moins, tant que l’impact de la volatilité et des risques actuels sur les actifs privés n’aura pas été quantifié, sachant que cette valorisation est décalée par rapport à la dynamique des marchés boursiers.

«Nous encourageons néanmoins les souscripteurs à ne pas entrer et sortir du marché au gré du vent», souligne pour sa part Cyril Demaria, expert des marchés privés internationaux et ancien associé chez Wellerschoff & Partners, lors d’un entretien exclusif avec Allnews. «Au contraire, une présence durable est recommandable, s’ils entendent obtenir une récompense maximale», insiste-t-il. Selon lui, c’est justement dans le contexte actuel qu’il est pertinent d’anticiper la sortie de récession et de déployer maintenant du capital dans les fonds LBO.

L’expert constate que la «tentation» pour de nombreux investisseurs consiste à faire de l’attentisme pour ne revenir sur le marché qu’une fois l’environnement macroéconomique redevenu stable. C’est-à-dire à un moment où les valorisations auront déjà connu une phase d’expansion significative. Autrement dit, à un moment où les actifs seront devenus relativement chers pour constituer un point d’entrée intéressant.

«Les investisseurs doivent s’efforcer d’être le plus méthodique possible et le moins émotionnel. C’est ainsi qu’ils parviendront à extraire la substance de la performance sur les marchés privés», ajoute Cyril Demaria, qui a publié l’an dernier Asset Allocation & Private Markets, considéré par les professionnels comme une référence majeure de l’investissement dans les fonds de private equity.

Celui-ci dissuade en outre ces associés-commanditaires, ou limited partners (LP), de se perdre dans du market timing sur la base de la volatilité et de l’incertitude actuelles. C’est-à-dire entrer ou sortir du marché sur la base de modèles prédictifs quantitatifs. «D’après nos recherches, l’allocation devrait être déployée sur un horizon de temps d’au moins cinq à sept ans, afin d’éviter certains à-coups ou autres complications et viser ainsi l’équilibre du programme d’investissement, celui-ci devant être en mesure de s’autofinancer au bout d’un certain nombre d’années», souligne Cyril Demaria.

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