Les sorties de cote se multiplient

Levi-Sergio Mutemba

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La tendance aux sorties de cote contraste avec l’assèchement du marché des entrées en bourse (IPO) que provoque la chute des marchés boursiers.

La volatilité va-t-elle encourager les sorties de cote par les fonds des marchés privés? L’inflation atteint en effet des records, la hausse des taux d’intérêt alourdit la charge financière des entreprises et la guerre en Ukraine génère de l’incertitude, pour ne citer que ces facteurs de risque. Résultat, les valorisations des entreprises cotées se sont effondrées. Faisant de celles-ci des cibles opportunes pour les fonds de private equity.

Au premier semestre, les transactions impliquant des sorties de cote par les fonds de private equity (public-to-private deals) se sont élevées à plus de 110 milliards de dollars, d’après les données de Preqin. Contre un peu plus de 180 milliards pour l’ensemble de l’année dernière. «Bien que ce montant soit loin d’égaler celui observé au lendemain de la crise financière de 2008, l’ampleur de l’augmentation récente de ce type de transactions retiendra certainement l’attention», écrivent les analystes de Preqin.

Les fonds de private equity utilisent leurs capitaux en réserve pour sortir les entreprises de la cote..

La société de conseil PricewaterhouseCoopers (PwC) précise pour sa part que la baisse significative des valorisations ne fait qu’étoffer le pipeline de cibles de rachat de sociétés cotées en bourse. «Au cours des dernières années, les SPACs, véhicules d’acquisition à vocation spécifique, ont émergé afin de faire entrer en bourse des sociétés non cotées. Mais les fonds de private equity vont désormais utiliser leurs capitaux en réserve (dry powder) pour renverser la tendance», remarquent Manoj Mahenthiran et Bart Spiegel, experts chez PwC.

Cet été, par exemple, le fonds Blackstone a finalisé l’acquisition du trust immobilier PS Business Parks pour un montant de 7,6 milliards de dollars. Apollo Global Management s’est offert le fabricant américain de pièces automobiles Tenneco. Mais le gros des transactions a surtout affecté le secteur technologique aux Etats-Unis. Comme l’illustre le delisting de la société informatique Citrix par le fonds activiste Elliott Management et le fonds de private equity Vista Equity Partners, dont le montant du rachat s’élève à 16,5 milliards de dollars.

Cette tendance aux sorties de cote contraste avec l’assèchement du marché des entrées en bourse (IPO) que provoque la chute des marchés boursiers. «La valeur globale des IPO, dont celles sponsorisées par les fonds de private equity, atteint 91 milliards de dollars au titre des six premiers mois de l’année, soit une chute de 73% par rapport à la même période de l’année dernière», observent les analystes de la plateforme de fonds des marchés privés Moonfare.

Mais une question fondamentale demeure: ces delisting se traduiront-ils par une création de valeur significative pour les actionnaires et les autres parties prenantes. Les sorties de cote se traduisent en effet le plus souvent par des stratégies consistant à tirer profit du levier (endettement) et des avantages fiscaux associés à celui-ci. Elles se focalisent également sur la réduction des coûts et l’augmentation des marges opérationnelles qui en découlent.

«C’est l’approche la plus caractéristique des transactions consistant à retirer de la bourse des entreprises cotées», explique Ayako Yasuda, professeur à l’University of California Davis, interrogée par Allnews en marge de la 5ème Conférence des Marchés Privés organisée à Lausanne début octobre. Toutefois, rien ne garantit que l’ensemble des parties prenantes en bénéficieront.

Les résultats contrastent en effet avec ceux observés lors de transactions consistant à acquérir des entreprises non cotées (private-to-private deals). «Ce type de transactions cible principalement les petites et moyennes entreprises idéalement positionnées pour la croissance mais souffrant de contraintes financières et managériales», poursuit Ayako Yasuda.

Les effectifs hautement qualifiés tendent à bénéficier à un haut degré de l’implication des fonds de private equity.

Les fonds de private equity ajoutent de la valeur en offrant un meilleur accès aux sources de financement, en apportant une expertise managériale et opérationnelle, ainsi qu’en y renforçant les investissements. «L’innovation tend en outre à augmenter suite à ce type de transactions, alors qu’elle tend à décliner légèrement ou à avoir une portée limitée suite au rachat d’une entreprise cotée par un fonds de private equity.»

En termes d’impact sur le personnel, les résultats seront fonction des compétences professionnelles, indépendamment de l’approche du rachat. Les effectifs hautement qualifiés tendent à bénéficier à un haut degré de l’implication des fonds de private equity. «En revanche, les employés les moins qualifiés, dont les tâches sont facilement remplaçables par les outils technologiques, sont généralement pénalisés et plus exposés aux pertes d’emploi» souligne Ayako Yasuda.

Enfin, du point de vue du consommateur, l’experte constate que ce dernier est largement bénéficiaire dans le cadre de transactions private-to-private deals. Notamment à travers une plus grande variété des produits et un meilleur accès à ces derniers. «C’est beaucoup moins le cas suite au rachat d’une entreprise cotée en bourse, où non seulement les prix tendent à augmenter, mais la disponibilité des produits en est souvent réduite», conclut Ayako Yasuda.

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