Joyeux Jour de la Terre!

Vincent Juvyns, J.P. Morgan Asset Management

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Se limiter à exclure certains secteurs n’est pas la solution car les politiques de lutte pour le climat ont un impact dans tous les secteurs et pays.

Ces 12 derniers mois, la pandémie mondiale a bouleversé nos vies à nombre d’égards, notamment en assignant la plupart d’entre nous à résidence, ce qui nous a toutefois donné le temps de réfléchir à ce qui comptait le plus dans nos existences. Si la santé et les interactions sociales font, à n’en pas douter, partie des priorités pour la plupart d’entre nous, le climat est lui aussi l’une de nos principales préoccupations.

En effet, l’an passé, en plein cœur de la crise sanitaire mondiale et à l’occasion du 50e Jour de la Terre, une enquête de l’institut de sondage Ipsos1 a révélé que «pour 71% des personnes interrogées, le changement climatique est sur le long terme une crise aussi grave que celle du coronavirus». Cette préoccupation pour le climat s’explique par le fait que 2020 n’a pas seulement été l’année de la pandémie mondiale, elle a également marqué la fin de la décennie la plus chaude jamais enregistrée et elle a été émaillée par différents évènements, à l’instar des incendies en Californie ou de la canicule en Europe, qui témoignent d’une accélération du changement climatique. 

Ni le protocole de Kyoto, ni l’Accord de Paris sur le climat
n’ont entraîné la réduction espérée des émissions de gaz à effet de serre.

Nos émissions de CO2 en sont vraisemblablement l’une des principales causes. En effet, l’analyse des données historiques, prélevées dans des carottes glacières en Antarctique, montre une forte corrélation entre la concentration de CO2 dans l’atmosphère et les températures mondiales. En outre, une fois émis, le CO2 peut demeurer jusqu’à 1’000 ans dans l’atmosphère, ce qui explique que la baisse de nos émissions pendant le confinement l’année dernière n’a pas permis de réduire la concentration de CO2 dans l’atmosphère, au contraire même puisqu’elle a atteint son plus haut niveau en 800’000 ans!

Ceci illustre que ni le protocole de Kyoto, signé en 1997, ni l’Accord de Paris sur le climat, en 2015, n’ont entraîné la réduction espérée des émissions de gaz à effet de serre (GES), dont le volume a continué à croitre pour s'établir aujourd’hui à près de 50 milliards de tonnes d'équivalent CO2. Il est donc urgent que les dirigeants internationaux revoient leurs ambitions climatiques à la hausse. A l'échelle mondiale, 58 pays représentant 54% des émissions globales de GES se sont ainsi déjà engagés à atteindre la neutralité carbone (niveau net d'émissions neutre) d’ici le milieu de ce siècle, et ce nombre devrait croitre à l’approche de la 26e Conférence des Nations unies sur le Changement climatique prévue en novembre 2021, qui pourrait déboucher sur un nouvel Accord Climat de vaste envergure.

L'élection de Joe Biden aux Etats-Unis nourrit en effet l’espoir d’une accélération de la dynamique mondiale de lutte contre le changement climatique. Jusqu’à présent, la Maison Blanche a tenu ses promesses, puisque le pays a déjà rejoint l’Accord de Paris sur le climat et s’est engagé à la neutralité carbone pour 2050. Bien qu’actuellement Joe Biden concentre ses efforts climatiques au niveau national, avec la préparation d'un plan de 2’000 milliards de dollars de reconstruction des infrastructures et de refonte de l'économie, il souhaite également intégrer le climat dans les politiques étrangères et commerciales des Etats-Unis.

Une certaine politique «du bâton» sera indispensable
pour accélérer le rythme de la réduction des émissions.

C’est pourquoi le Jour de la Terre pourrait, cette année, marquer une nouvelle étape dans la politique internationale liée au dérèglement climatique. En effet, 51 ans après avoir eux-mêmes lancé le concept du Jour de la Terre, les Etats-Unis ont décidé d’en profiter pour organiser un sommet des dirigeants mondiaux dans le but de placer le changement climatique au sommet des priorités des agendas politiques.

La transition vers une économie bas-carbone nécessitera de profondes transformations dans nos habitudes de vie, de production et de consommation. L’impact sur la croissance économique dépendra de si cette transition repose sur la politique «du bâton», avec l’essentiel du coût supporté par les acteurs privés via, par exemple, de nouvelles taxes et réglementations, ou sur la politique «de la carotte», dans une configuration où les gouvernements accompagneraient le processus à l’aide de subventions et d’autres formes d'initiatives budgétaires2.

Aux pouvoirs publics de trouver le juste équilibre entre ces deux approches, mais quoi qu'il en soit, une certaine politique «du bâton» sera indispensable3 pour accélérer le rythme de la réduction des émissions. A cet égard, la tarification du carbone, établie soit par des taxes, soit par un programme d'échange de quotas (ETS), est un bon outil pour inciter les producteurs de CO2 à réduire l’intensité de leurs émissions. Par ailleurs, les prix du carbone dans chaque pays sont un bon baromètre de l’ambition climatique nationale et il est donc important d’harmoniser vers le haut la tarification du CO2 au niveau international afin d'éviter les arbitrages réglementaires.

Implications en termes d'investissement

Les investisseurs doivent, à tout le moins, se montrer attentifs à l’impact que peuvent avoir les initiatives politiques et réglementaires relatives au climat sur la valeur des placements de leurs portefeuilles. Cependant, se limiter à exclure certains secteurs, comme celui des énergies fossiles, n’est pas la solution car les politiques de lutte contre les changements climatiques ont et auront un impact sur les entreprises dans tous les secteurs et pays. Dans ce contexte, les investisseurs doivent plutôt gérer de manière active l’intensité carbone de leurs portefeuilles s’ils souhaitent réduire l’impact à la fois direct et indirect de la transition vers une économie neutre carbone sur leurs placements financiers.

Avec une approche active de la transition carbone, les investisseurs peuvent également accéder à des opportunités de valeur relative créées par le changement climatique et/ou les politiques mises en œuvre pour ralentir le réchauffement de la planète. A cet égard, les instruments conçus pour lutter contre le changement climatique, comme les obligations vertes et les fonds d'actions thématiques, sont de plus en plus nombreux.

Les investisseurs ont donc à disposition une opportunité unique de contribuer à un vrai changement, s’ils vont au-delà d’une simple position vendeuse sur les pays et les secteurs qui émettent beaucoup de GES et concentrent leur capital sur les entreprises et les gouvernements qui sont à l’avant-garde des solutions contre la crise climatique.

Objectifs d’émissions de gaz à effet de serre, milliards de tonnes/an d’équivalent CO2

Source: Climate Action Tracker, J.P. Morgan Asset Management. La prévision correspondant aux mesures prises actuellement est la prévision post-Covid fournie par Climate Action Tracker. Guide des marchés - Asie. Les statistiques reflètent les chiffres les plus récents disponibles au 14 avril 2021.

 

1 Source: Ipsos I Earth Day and Coronavirus 20201 Avril 2020 I Version 11 Public
2 J.P. Morgan Asset Management, 2021 Long Term Capital Market Expectations, Weighing the investment implications of climate change policy
3 Group of Thirty, Mainstreaming the transition to a net-zero economy, octobre 2020

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