Enjeux de la mutualisation du KYC/KYB – Volet 6

Rémi Van Ooteghem, Wecan Group

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Cédric Haenni, de Pictet, table sur une convergence partielle et une digitalisation accrue des processus KYC/KYB pour réduire les coûts administratifs et améliorer la qualité des services financiers.

Cédric Haenni, Chief Operating Officer au sein de Pictet Asset Services, partage sa vision sur les enjeux de la mutualisation des processus KYC/KYB, ainsi que sur les défis et opportunités liés à cette évolution cruciale pour l'industrie financière.

La digitalisation au service de la mutualisation

Pour Cédric Haenni, avant d'évoquer la mutualisation, il est essentiel de bien définir ce concept dans le contexte financier. Si la mutualisation signifie l'utilisation d'un même formulaire KYC par tous les acteurs, cet objectif paraît difficilement atteignable. Chaque institution possède ses propres systèmes, une organisation interne différente et une appétence au risque qui lui est propre. Ces différences accumulées rendent utopique l’idée d’une homogénéisation totale. Toutefois, une convergence partielle des pratiques est tout à fait envisageable.

Le premier défi à relever pour parvenir à cet objectif est la digitalisation des processus. Aujourd’hui, l’utilisation excessive de documents papier empêche la réutilisation des informations et impose de nombreuses saisies manuelles.

Le deuxième défi concerne l’hétérogénéité des systèmes informatiques des différentes institutions. Outre la diversité des processus, ces systèmes reposent sur des formats de données variés, ce qui complique l’échange d’informations entre institutions et freine ainsi la mutualisation. De plus, le niveau de maturité technologique des acteurs est très variable, ce qui complique encore davantage cette évolution.

Il est donc nécessaire d'amener tous les acteurs à un même niveau de maturité technologique avant de pouvoir envisager l’échange de données et avancer vers la mutualisation.

La vision de Wecan et de la Blockchain Association for Finance

Cédric Haenni met en avant l’initiative lancée par Wecan Group en partenariat avec la Blockchain Association for Finance (BAF) comme une réponse innovante aux défis de la mutualisation. L’objectif ultime est d’évoluer vers un KYC entièrement digitalisé, sans papier, uniquement basé sur des points de données. Cette approche permet de partager uniquement les informations nécessaires, en fonction des besoins et des règles de chaque institution.

L’ambition est double : digitaliser le processus et mieux cartographier les données pour faciliter l’harmonisation. La BAF crée un espace privilégié pour les banques et les gestionnaires d’actifs externes (EAM), où il est possible, avant même d’aborder les aspects technologiques, de parler un langage commun, de partager des définitions et de discuter des processus. Cette approche permet d’éviter les obstacles en aval et facilite les développements futurs pour le KYC.

Perspectives à moyen terme pour la mutualisation du KYC

Selon Cédric Haenni, l’évolution passera avant tout par une digitalisation accrue des acteurs, avec l’abandon complet du papier. «La technologie peut aider à la transition vers la digitalisation, notamment avec des modèles LLM [Large Language Model], qui sont plus efficaces que les OCR [Optical Character Recognition] peu fiables pour transformer les données papier en données digitales. Il faut des systèmes qui s’auto-calibrent pour transformer la donnée de manière efficace», explique-t-il.

Une fois cette transformation achevée, l’intelligence artificielle pourra être utilisée pour accélérer le travail de compliance autour du KYC. Aujourd’hui, un processus KYC implique entre cinq et quinze systèmes informatiques qui ne reposent pas toujours sur les mêmes informations, ce qui complique les travaux de compliance et réduit leur efficacité. Une source de données unique permettrait d’éviter les redondances et d’améliorer l’efficacité globale.

Des bénéfices concrets pour l’industrie

Le secteur financier pourrait gagner en efficacité et réduire ses coûts grâce à la mutualisation. Aujourd’hui, les données sont «réencodées» plusieurs fois dans différents systèmes, tant au sein de chaque institution que dans l’ensemble de l’industrie. Avec des bases de données décentralisées mais constamment synchronisées, chaque acteur pourrait accéder directement aux informations dont il a besoin, réduisant ainsi la duplication des efforts et maximisant l'effet de réseau.

L'avantage d'une solution comme Wecan Comply est clair : une donnée unique bénéficie à tous les membres du réseau, simplifiant les relations entre eux. Cela ne supprime pas les avantages concurrentiels, mais crée une base commune d'efficacité. «La typologie des acteurs, leur stratégie, leurs valeurs restent des éléments différenciants», ajoute-t-il. «Plus on digitalise, plus les données seront en temps réel, partagées, et moins les processus seront coûteux, ce qui permettra de consacrer plus de temps aux tâches à forte valeur ajoutée».

Encourager l'adoption de nouvelles pratiques

Pour accélérer la transition vers une mutualisation efficace, Cédric Haenni conseille trois actions principales: dialoguer avec les autres acteurs de l'écosystème, notamment via des initiatives comme la BAF; se concentrer sur la digitalisation pour abandonner les processus papier; et accorder une attention particulière à la sécurité des données.

«L'industrie doit investir massivement dans la digitalisation tout en encadrant cette transition dans un cadre de sécurité rigoureux. La BAF joue un rôle crucial avec, par exemple, des audits de sécurité sur Wecan afin de mitiger les risques pour le bien de l'écosystème», conclut-il.

 

Lire également les volets 1, 2, 3, 4 et 5

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