Energie: le retour en grâce discret du solaire et de l’éolien

Yves Hulmann

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Si l’attention se concentre sur le pétrole et le gaz en raison du conflit en Ukraine, les sociétés liées aux énergies renouvelables ont entamé un net rebond.

Depuis l’éclatement de la guerre en Ukraine, de nombreuses voix s’inquiètent du fait que les questions environnementales aient été quelque peu reléguées au second plan. La publication lundi dernier du dernier rapport des experts du GIEC n’a certainement pas bénéficié de l’attention qu’il aurait reçu en l’absence de ce conflit. Oubliés alors les objectifs de réduction des émissions de CO2 et priorité à la recherche de gaz et de pétrole issues d’autres régions que la Russie? Ce serait aller un peu vite en besogne.

En effet, même si l’attention du public et des investisseurs s’est beaucoup concentrée depuis fin février sur les prix du gaz et du pétrole, les titres des sociétés liées aux énergies renouvelables, notamment celles actives dans l’éolien et le photovoltaïque, ont régulièrement regagné du terrain durant les six dernières semaines. Tandis que les cours du pétrole se sont assagis aux alentours des 100 dollars le baril après leur rebond spectaculaire du début du mois de mars, les valeurs inclues dans le Mac Global Solar Energy Index (SUNIDIX) ont, elles, poursuivi leur rebond jusqu’au début du mois d’avril.

L’indice Mac Global Solar Energy a effacé ses pertes de début d’année.

L’indice, qui regroupe une trentaine de sociétés qui réalisent plus de la moitié de leur chiffre d’affaires dans le domaine de l’énergie solaire, a pratiquement retrouvé son niveau de début janvier, après avoir d’abord continuellement perdu du terrain jusqu’au 23 février, la veille de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. En comparaison, l’indice S&P 500 aux Etats-Unis s’inscrivait vendredi toujours en recul de 6% depuis début janvier, tandis que sur le Vieux Continent l’Euro Stoxx 50 affichait encore une baisse de l’ordre de 10%.

Parmi les sociétés les plus connues au sein de l’indice Mac Global Solar Energy, les actions des sociétés américaines First Solar et Sunpower, cotées au Nasdaq, ont toutes deux entamé un net rebond depuis la fin du mois de février. Aussi cotée à New York, l’action de SolarEdge Technologies affiche, elle, une hausse de plus de 15% depuis début janvier, après entamé l’année en net recul.

En Suisse, Meyer Burger, une valeur qui avait été reléguée peu à peu au rang de «penny stock» ces dernières années, a regagné près de 6% depuis début janvier, interrompant une longue tendance à la baisse. Plutôt que d’être active seulement en tant que sous-traitant pour les entreprises photovoltaïques chinoises, l’entreprise bernoise veut se positionner désormais en tant que fabricant de modules solaires.

On observe la même tendance dans l’éolien également. Ainsi, l’action de Vestas Wind Systems, basée au Danemark, affiche une hausse de près de 8% cette année, mettant fin à une importante phase de correction entre novembre et février. Aussi cotée à la bourse de Copenhague, Orsted a effacé ses pertes de début d’année, après avoir enregistré un net rebond depuis fin février.

Investir dans l’exploration pétrolière? Trop coûteux pour les «oil majors».

Comment expliquer l’intérêt porté à nouveau par les investisseurs aux valeurs actives dans ces secteurs? A côté de la nécessité, à court de terme, de trouver des solutions pour l’approvisionnement en gaz et en pétrole, celle-ci ne doit pas faire oublier qu’il existe aussi d’autres approches, dans une optique de long terme, pour réduire la dépendance de l’Europe aux énergies fossiles. Et les grands groupes énergétiques traditionnellement actifs dans les énergies fossiles n’ont pas tardé à s’en apercevoir.

Comme le relevait la société d’analyse Stifel dans une note le mois dernier, beaucoup de grandes sociétés pétrolières disposent aujourd’hui de piles de cash dont elles ne savent pas toujours quoi faire, après avoir été obligées d’annuler leurs projets d’investissement en Russie. Les «oil majors», comme on les appelle parfois, disposent de milliards de dollars qui commencent à s’empiler dans leur bilan en attendant de trouver des opportunités d’investissement. «Si une partie de ces montagnes de cash pourrait continuer d’être investie dans le pétrole et le gaz, nous pensons que le secteur des énergies renouvelables devrait aussi attirer un bon morceau de cet argent dormant», relevait Stifel dans un commentaire à la mi-mars. Il y a peu, DNCA Invest arrivait à une conclusion similaire: «Plutôt que d'immobiliser leur expansion dans l’amont pétrolier plus coûteux, les «Big Oil» devraient donc continuer graduellement d'augmenter la part renouvelable de leur portefeuille d'actifs. A quoi bon relancer le forage en mer profonde quand on peut profiter des WACC (coût moyen pondéré du capital) alléchants d'un Orsted ou d'un Vestas dans l’éolien marin?», faisait remarquer la société dans un article paru sur Allnews.ch.

Possibilités d’ajustement plus rapide des capacités.

Les actions liées à l’énergie solaire et à l’éolien sont-elles dès lors promises à un avenir radieux pour ces prochaines années? S’il est difficile de s’aventurer à faire des pronostics de long terme compte tenu des incertitudes quant à l’évolution de la guerre en Ukraine et de celle des prix du pétrole, un autre argument semble désormais faire mouche auprès des investisseurs, celui des délais de mise en œuvre des projets. Augmenter ou installer de nouvelles capacités de production d’énergie dans le domaine de l’éolien et du solaire peut désormais s’effectuer dans des délais beaucoup plus courts que le temps requis pour construire n’importe quelle centrale fonctionnant au gaz ou charbon, sans même parler de celui qui serait nécessaire pour construire de nouvelles centrales nucléaires.

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