Dry January sur les marchés: un air de déjà vu?

Vincent Manuel, Indosuez Wealth Management

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Quand les colombes capitulent face aux faucons, il est temps de tourner la page de 2021 et d’en corriger les excès les plus visibles.

Les investisseurs sont partis réveillonner le baume au cœur, rassurés par un marché euphorique, et se réveillent en 2022 avec un nouveau film qui défile sous leurs yeux sans avoir vraiment eu le temps de réagir : des taux qui remontent fortement, les champions du luxe et de la technologie qui corrigent. De quoi se convaincre de changer de régime et d’adopter une sorte de «Dry January» monétaire et financier, qui tranche avec la complaisance des marchés fin 2021. Et quand les membres les plus accommodants (les «colombes») des banques centrales capitulent face aux partisans d’une rigueur monétaire plus forte («les faucons»), il est temps de tourner la page de 2021 et d’en corriger les excès les plus visibles.

Qu’ont en commun les valeurs qui corrigent? Le facteur discriminant de cette cure sur les marchés demeure les niveaux de valorisations. Face à des remontées de taux qui se font plus pressantes, les investisseurs vendent massivement les titres dont les multiples de valorisation dépassent 40 à 50 fois les résultats, niveau qui rapproche dangereusement leur retour sur fonds propres des taux longs. Au risque d’oublier leurs perspectives de croissance, leur rentabilité record et leur «pricing power» qui en font une bonne parade contre une inflation qui reste élevée plus longtemps que prévu. A l’inverse, certains gagnants de l’année 2021 démarrent l’année en fanfare, au premier rang desquels figurent les valeurs bancaires et l’énergie. Ce qui sépare aussi ces valeurs, c’est leur duration implicite; une valeur de croissance, c’est une somme de profits en croissance mais assez reculés, qui valent d’autant plus cher que les taux d’actualisation sont faibles et inversement. Une action value en est l’exact opposé, avec des cash flows/cours de bourse parfois supérieurs à 10% et une corrélation plutôt positive à la hausse des taux.

Pourquoi parler de changement de régime? Premièrement parce que les changements de politique monétaire s’accompagnent généralement d’une remontée de la volatilité, d’une réduction de la liquidité, et potentiellement d’un deleveraging des investisseurs. Deuxièmement parce que les obligations d’Etat ne sont plus un refuge pour les investisseurs en phase de remontée des taux. Et troisièmement parce que les espérances de croissance et de rendement se normalisent après un cru exceptionnel. Un changement de régime conduit donc à la fois à un repositionnement en terme de classes d’actifs, en termes de choix sectoriels et en termes de calibrage du risque.

Avons-nous déjà vu ce film par le passé? Certains sont tentés d’établir le parallèle avec le début de l’année dernière, également caractérisée par une remontée des taux et une rotation sur les actions. Pourtant le contexte n’est plus tout à fait le même. L’année dernière, c’était l’accélération de la croissance, le plan Biden, le Sénat démocrate et le déploiement des vaccins, et enfin les premiers avertissements sur le risque inflationniste qui avaient conduit à cette configuration. Cette année, nous sommes dans un contexte de normalisation de la croissance et des politiques monétaires. Nous sommes peut-être déjà au pic d’inflation, mais les remontées de taux et la réduction du bilan de la Fed sont devant nous. C’est ce qui change la donne par rapport à 2021: les taux d’intérêt réels vont finir par remonter. Ce qui a changé depuis décembre, c’est que le sujet s’est déplacé des hausses de taux vers la réduction du bilan, des taux courts vers les taux longs et des devises vers les actions. Il est possible que le début de l’année 2018 soit une comparaison plus appropriée, quand la Fed accélérait ses hausses de taux, avec un mois de janvier qui commence en rotation sectorielle et se termine en correction. 

Gardons cependant la juste mesure des choses: le 10 ans américains net d’inflation navigue entre -4% et -5% et restera en territoire négatif toute l’année 2023 ce qui devrait rester favorable pour les actifs risqués. Un risque tout aussi important que d’ignorer les changements à l’œuvre serait d’exagérer ces risques et de craindre un choc similaire au crash obligataire de 1994; depuis ce temps, la Fed nous a habitués à faire volte-face presque à chaque fois que les marchés se mettaient à trembler.

Plus que de tenter de prédire un avenir incertain, l’essentiel pour les investisseurs restera donc de s’y adapter, en guettant les signaux venant des banques centrales comme les nouvelles venant des entreprises. In fine la clé de la trajectoire des marchés actions résidera encore dans la trajectoire de rentabilité et de croissance des actions, seule classe d’actifs permettant simultanément de résister contre l’érosion des rendements réels et de trouver des secteurs porteurs face aux hausses de taux. La bonne nouvelle, c’est que la volatilité devrait offrir des points d’entrée quasi introuvables en 2021.

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