La saison de résultats et les banques centrales

Vincent Manuel, Indosuez Wealth Management

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Environ 70% des sociétés en Europe et 80% des entreprises aux Etats-Unis surprennent positivement.

La saison de résultats

Dans un contexte de hausse des prix de l’énergie, de tensions sur les chaines d’approvisionnement et après un deuxième trimestre record, il était logique de s’attendre à une dynamique moins forte en amont des publications de résultats du troisième trimestre. Cette prudence trouvait sa traduction dans une révision (modérée) à la baisse des attentes de croissance de résultats dans les quelques semaines qui ont précédé les annonces de résultats.

A ce jour, au moment où près de la moitié des sociétés ont publié leurs résultats, la tendance demeure globalement bien orientée: une très grande majorité de sociétés a annoncé des résultats au-dessus des attentes. En effet, environ 70% des sociétés en Europe et 80% des sociétés aux Etats-Unis surprennent positivement. Le dépassement est assez modeste sur les chiffres d’affaires (environ 1%) et plus importante sur les résultats (autour de 10% de croissance supplémentaire). Les secteurs de l’énergie et des matériaux affichent les meilleurs taux de croissance tandis que les surprises positives sont assez élevées dans le secteur financier, avec des banques américaines qui ont sorti de très bons résultats au début de la saison de résultats. 

Le secteur technologique américain montre un visage contrasté, avec de très bons résultats chez Microsoft et Google, et des déceptions chez Apple et Amazon.

En effet, cette saison de résultats confirme, sur le plan financier, la forte perturbation des chaines d’approvisionnement et la hausse des coûts de l’énergie et de main d’œuvre. Ces perturbations ne concernent plus uniquement le secteur de la distribution traditionnelle et l’industrie, mais également deux grands leaders de la technologie américaine, Apple et Amazon, dont les résultats en forte croissance ressortent néanmoins en deçà des attentes en raison de difficultés d’approvisionnement. Ces dernières auraient ainsi « coûté » 6 milliards de dollars de chiffre d’affaires à Apple ce trimestre et pourraient peser sur les ventes d’iPhones du trimestre à venir. De son côté, Amazon enregistre aussi une croissance moins forte de ses ventes et subit des hausses de coûts logistiques et salariaux. Dans ce contexte, la firme se met en position de pouvoir livrer pendant les fêtes de Noël, quoi qu’il lui en coûte, ce qui devrait lui permettre d’atteindre ses objectifs de ventes mais dégrader temporairement la génération de cash-flow. Ce qui fait dire à certains analystes que les beaux jours d’Amazon seraient derrière nous, avec une croissance des ventes qui se tasse et des contraintes de l’économie réelle qui commencent à peser sur les résultats et à affecter le géant du e-commerce dont le troisième trimestre a été sauvé par la division cloud.

Cette situation montre bien qu’il y a donc une distinction à opérer au sein des valeurs technologiques face à ces chocs exogènes, certaines étant plus digitales que d’autres (Apple et Amazon ne sont d’ailleurs pas classées dans le secteur technologique aux États-Unis). Ces phénomènes valident, selon nous, la nécessité de se focaliser sur les secteurs moins impactés par les difficultés liées à l’énergie et aux chaînes d’approvisionnement : d’un côté les secteurs qui bénéficient de la reflation et des taux qui remontent (banques et secteur énergétique), de l’autre, les entreprises bénéficiant d’un pricing power élevé, telles que celles du luxe, ou peu exposées à ces difficultés (secteur du digital). 

Les banques centrales: un temporaire qui dure?

Du côté de Frankfort, aucune nouvelle décision n’était attendue et l’enjeu central de la conférence de Christine Lagarde était d’annoncer la tendance actuelle de hausse de l’inflation et ses implications sur la politique monétaire. La BCE admet désormais que la hausse de l’inflation durera plus longtemps que prévu et ne rebaissera qu’au cours de l’année 2022. Le sondage téléphonique réalisé par la BCE auprès des entreprises – cité par Christine Lagarde –semble montrer que la résolution des difficultés d’approvisionnement prendra une bonne partie de l’année 2022. Ce qui n’empêche pas la BCE de maintenir son cap: fin du programme d’achats d’actifs liés à la pandémie (PEPP) programmée pour mars prochain et absence de hausse de taux dans la mesure où la BCE ne voit pas le taux d’inflation s’établir durablement au-delà de 2%.

L’effet de ces commentaires sur les marchés n’a pas tardé à se faire sentir : un Euro en hausse et une remontée des taux longs, mais des anticipations d’inflation qui se sont paradoxalement plus tassées sur la séance.

Le phénomène le plus spectaculaire demeure la forte remontée des taux longs en Australie qui montent de 24 bps en amont de la réunion de la banque centrale la semaine prochaine. Ceci fait suite au fait que la banque centrale a laissé les taux à 3 ans dériver, en ne défendant pas la cible de 0,1%. Ceci constitue de facto un abandon de la politique de contrôle de la courbe des taux et signifie que le marché peut désormais s’attendre à une modification de la politique monétaire de la banque centrale.

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