Si le débat économique se focalise aujourd’hui sur l’inflation, la tendance de croissance sera un point clé des décisions monétaires pour l’année prochaine.
Alors que nous nous rapprochons de la fin d’année et que les investisseurs s’interrogent sur les perspectives d’investissement pour 2022, il peut être utile de revenir sur les principaux aléas du scénario de croissance. Dans cette phase de reprise atypique caractérisée par de forts déséquilibres, l’aléa sur les prévisions reste en effet élevé. Et ceci peut être amplifié par une effervescence dans le domaine de la prévision économique, qui s’appuie davantage sur des indicateurs d’activité à haute fréquence depuis la pandémie.
Le premier risque d’aléa concerne la tendance de la croissance américaine, pour laquelle les modèles de prévision des banques centrales régionales renvoient des signaux contrastés. Parmi les indicateurs les moins optimistes le modèle de la Fed de New York prévoit par exemple une croissance à 1,7% au quatrième trimestre 2022, ce qui impliquerait une décélération forte par rapport à la tendance anticipée sur le quatrième trimestre 2021. Au niveau des grandes institutions, les écarts de prévision sont plus importants sur les Etats Unis que sur l’Europe, avec l’OCDE qui prévoit 3,9% de croissance aux Etats Unis en 2022, contre 5,2% selon le FMI. Plusieurs facteurs sont en cause dans cette décélération, entre la disparition des effets de base, les contraintes d’offre, les chaînes d’approvisionnement et la réduction du plan Biden. Si le débat économique se focalise aujourd’hui sur l’inflation, la tendance de croissance sera un point clé des décisions monétaires pour l’année prochaine.
Le deuxième risque macroéconomique concerne la vitesse d’atterrissage de l’immobilier chinois et le pilotage macroéconomique. Face à un secteur immobilier hypertrophié susceptible d’impacter de manière notable la croissance chinoise, nous pouvions nous attendre à une réponse économique plus forte des autorités chinoises, qui pouvaient avoir souhaité contrebalancer la restructuration du secteur par des mesures de soutien monétaires et fiscales au reste de l’économie. Les autorités font pour le moment preuve d’une retenue qui tranche avec la vigueur de la réponse constatée en 2009 et en 2015. Face aux prévisions de croissance du FMI et de l’OCDE entre 5,6 et 5,8% en 2022, on peut retenir l’idée que l’immobilier chinois pourrait coûter un à deux points de croissance à l’économie chinoise.
Le troisième risque concerne la tendance de reprise de la pandémie en Europe, avec des réponses entre pays qui pourraient diverger davantage, reflétant autant des stratégies sanitaires différentes que des contextes politiques spécifiques, qui pourraient retarder le retour au télétravail qui fait déjà jour en Allemagne. Face à cette tendance à la reprise de la pandémie, le chiffre de 4% à 4,5% de croissance anticipé pour 2022 pourrait être lui aussi révisé à la baisse.
Le dernier aléa concerne l’ensemble du monde et se concentre sur les chaînes d’approvisionnement dont les effets pourraient se prolonger une bonne partie de 2022. Au troisième trimestre, ce facteur a probablement coûté un à deux points de croissance, comme en atteste la déception sur la croissance américaine (2%) ou la production industrielle chinoise en stagnation en septembre par rapport au mois précédent. Nul doute que ces difficultés devraient se résoudre à terme, mais le rythme reste difficile à prévoir et les scenarios 2022 ne l’intègrent que partiellement.
Si on fait la somme de ces trois aléas, on pourrait passer d’un scenario largement au-dessus de 4% de croissance mondiale à un scenario à peine au-dessus du seuil de 3% considéré par les investisseurs comme le seuil en dessous duquel il convient généralement de réduire les actifs risqués.
Ce n’est pas notre scenario aujourd’hui, mais après avoir augmenté la probabilité d’accélération reflationniste, il convient de prendre en compte un risque de déception sur la croissance.
L’autre implication clé concerne les banques centrales. Face à une croissance forte et une inflation au-dessus de la cible, la normalisation des taux de la Fed ne devrait normalement pas poser question. Mais entre une inflation qui demeure élevée et un rythme de croissance qui pourrait décevoir, on peut percevoir un dilemme. C’est peut-être ce qui explique la prudence de Jerome Powell, dont l’avenir à la Fed n’était pas encore confirmé à ce jour.