Cycle économique et financier: les incertitudes sont loin de se replier

François Savary

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L’or s’installe au-delà des 2000 USD l’once… ceci nous indiquerait-il que ni la fin du combat contre l’inflation ni le scénario d’une récession courte et limitée ne sont acquis?  

La semaine dernière a amené son lot de nouvelles économiques et financières. Malheureusement pour ceux qui espéraient une forme de clarification dans le développement du cycle économique et financier, il faut reconnaître que la réalité est autre. 

Le rapport de l’emploi américain de vendredi est tout à fait représentatif d’un sentiment diffus qui peut conduire à penser que nous sommes dans une phase de « navigation à vue » que le niveau des indices actions américains et européens ou les indices de volatilité ne semblent pas incorporer.

Des chiffres de créations d’emplois pour avril supérieurs aux attentes, compensés par des révisions baissières pour les mois précédents, voilà qui pourrait soutenir l’idée que la Réserve Fédérale est sur la bonne voie pour «refroidir» le marché de l’emploi; ce serait occulter un taux de chômage revenu à 3,4% et surtout sur une progression des gains salariaux de 0,5% sur le mois, nettement en-dessus des attentes. Il faut garder à l’esprit que la progression des rémunérations reste un facteur clé dans les décisions des grands argentiers, surtout quand il s’agit d’éviter une perte de contrôle durable sur l’inflation ! A cet égard, il sera tout à fait intéressant d’observer les derniers chiffres de l’inflation (CPI) cette semaine.

Les chiffres des gains salariaux aux USA doivent d’ailleurs être observés à la lumière des données de la productivité et des coûts unitaires du travail. Force est de constater que ceux-ci, également publiés récemment pour le premier trimestre 2023, ont fortement déçu (faible productivité et croissance forte des coûts salariaux). Des signes qui peuvent faire craindre que le repli de l’inflation, amorcé en seconde partie de 2022, pourrait se trouver confronté à des vents moins favorables désormais, rendant plus ardue une baisse complémentaire de la hausse des prix au cours des prochains trimestres. 

Dans un tel contexte, les banquiers centraux ont pourtant donné une inflexion moins négative à leur politique monétaire; certes, la Fed a une nouvelle fois relevé le loyer de l’argent mais les déclarations associées à cette décision penchent dans le sens d’une pause dans le processus de resserrement à partir de maintenant, même si la Fed «jugera sur pièce». Il est vrai que la nouvelle vague de doutes sur la santé des banques régionales US, dans un contexte où les banques sont déjà engagées dans un processus de moindre octroi de crédits, à en croire leurs réponses à certains sondages, ont de quoi faire réfléchir les grands argentiers américains.

Jérôme Powell, que certains avaient eu tendance à considérer comme mû par des velléités de «faucon» dans le combat pour le retour de l’inflation à 2%, ne peut échapper à une réalité: la «crise» des banques régionales US ne s’est pas dissipée et elle reste une donnée qui doit impacter la conduite de la politique monétaire aux USA, quitte à lâcher du lest dans le combat contre l’inflation. 

La BCE n’est pas en reste, puisqu’elle a opté pour une décélération de son processus de resserrement des rênes monétaires. Là aussi, des banques plus frileuses dans l’octroi de crédits et des chiffres de croissance pour le premier trimestre 2023, qui laissent entrevoir une stagnation conjoncturelle, ont faire réfléchir les banquiers centraux du Vieux Continent. Certes, les «colombes» de la BCE ont concédé une accélération de la réduction du bilan pour éviter que les plus durs n’imposent une hausse de 50bp face à une inflation qui donne des signes de résistance… Une volonté de gérer l’incertitude qui est probablement à l’origine de ce compromis monétaire!

Venons-en maintenant à la question des bénéfices. La saison des rapports pour le premier trimestre arrive à son terme aux USA. Au-delà des résultats, qui ont globalement surpris à la hausse, la croissance bénéficiaire pourrait afficher un second trimestre consécutif de baisse alors que les marges affichent une pression baissière. Deux trimestres consécutifs de baisse, voilà ce qui s’appelle une récession bénéficiaire; cependant, comme rien n’est simple dans ce cycle si particulier, il ne faut pas minorer le fait que le repli des 6 derniers mois demeure faible en comparaison historique; en outre, les attentes des opérateurs misent déjà sur un retour en territoire positif de cette mesure au troisième trimestre 2023, alors même que les signes de décélération économique outre Atlantique s’accumulent! Une autre manière de dire que le scénario de récession courte et d’ampleur limitée a les faveurs des investisseurs; ce que l’indice S&P 500 ne dément pas, lui qui flirte avec la barre des 4200 points!  

Incertitudes sur la durée que prendra la résolution définitive de la question de l’inflation; incertitudes sur le potentiel de croissance des pays développés au cours des prochains trimestres et donc sur l’avenir des bénéfices en 2023; incertitudes sur la santé réel des banques, aux USA avant tout. La semaine écoulée est loin d’avoir contribué à une plus grande visibilité. Les actifs risqués ne semblent guère s’en préoccuper! Pendant ce temps, l’or s’installe (durablement ?) au-delà des 2000 USD l’once…la relique barbare nous indiquerait-elle que ni la fin du combat contre l’inflation ni le scénario d’une récession courte et limitée ne sont acquis?    

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