Les déboire de Liz Truss sont loin d’être un problème purement britannique

François Savary, Prime Partners

2 minutes de lecture

Une meilleure coordination des politiques macroéconomiques pour affronter les défis auxquels nous sommes confrontés est plus que jamais nécessaire et la tâche est loin d’être aisée.

Le drame politique et financier qui se déroule sous nos yeux au Royaume-Uni depuis quelques semaines est étonnant. S’agit-il d’un simple problème de personne, sous forme d’erreur de casting au sein d’un parti conservateur secoué par les conséquences d’une direction de B.Johnson dont les libertés avec la vérité ont fini par lasser? Faut-il y voir les errances idéologiques d’un parti qui n’a pas su se reconstruire après les divisions induites par le Brexit dont L.Truss ne serait que la victime expiatoire?

Peut-être un peu de tout cela, mais on doit aussi mettre à charge de cette dernière l’un des plans fiscaux les plus «hallucinants» et les plus mal pensés depuis fort longtemps. Il y avait certes une forme de bravoure à vouloir engager un programme très thatchérien au moment où la fin de l’ère néolibérale est clamée haut et fort dans l’ensemble des médias, mais il y avait surtout un manque total de prise avec la réalité, qui bien plus qu’une erreur fût une faute politique incontestable.

Dans le monde politique actuel, qui ne manque pas de développements souvent déconcertants quel que soit le pays concerné, le psychodrame qui se joue à Londres pourrait n’apparaître que comme un soubresaut de plus dans le paysage chahuté des dernières années.

Les jours de L.Truss semblent donc désormais comptés et le parti conservateur dans une situation bien inconfortable dans la perspective des élections générales qui devront se tenir d’ici deux ans. Clap de fin personnel et changement de direction à la tête du pays en faveur des Travaillistes? Rien de dramatique, puisqu’il ne s’agirait que d’une évolution possible dans toute démocratie!

Pourtant les choses ne sont pas si simples. A cet égard, la réaction des marchés financiers à la conférence de presse de la première ministre vendredi est révélatrice. Face aux déclarations pour le moins empruntées de cette dernière, les taux d’intérêt n’ont pas bien réagi, comme une sanction immédiate d’un discours qui n’a pas été en mesure de remettre en cause la perte de crédibilité que le programme budgétaire - pourtant largement abandonné - a généré.

Plutôt que se «réjouir» des malheurs de L.Truss et de la cacophonie qu’elle aura su créer, cherchons à identifier des situations similaires qui pourraient se produire ailleurs par manque de coordination des politiques macroéconomiques.

Il est vrai que les dégâts provoqués, en un mois seulement, sont importants et justifient - au moins partiellement - le scepticisme persistant des investisseurs. Un parti de gouvernement fracturé par des divisions programmatiques ; une leader davantage mue par ses références idéologiques que par une réelle prise sur la réalité ;  ou encore une banque centrale obligée de prendre des mesures totalement contradictoires dans la conduite de sa politique monétaire de lutte contre l’inflation. Autant d’expressions d’une cacophonie d’une ampleur sans précédent au cours des dernières décennies! D’ailleurs, voir les organismes économiques internationaux ou, pire encore, la Présidence américaine commenter les erreurs programmatiques du gouvernement Truss suffisent à démontrer combien la situation est singulière. 

Une manière de dire que la crise britannique pourrait alimenter l’émergence d’un risque systémique pour les marchés financiers? Vraisemblablement, dans un contexte conjoncturel incertain d’une part et face à des pressions inflationnistes qui demeurent incontrôlées à l’échelle international de l’autre.

Alors que le «crash» obligataire de 2022 n’en finit pas de déployer ses effets sur l’ensemble des marchés, qu’il s’agisse des actions ou des changes, les craintes induites d’une «erreur de trop» que le plan budgétaire de Londres a suscité sont légitimes! En outre, le climat de confrontation patente entre les autorités monétaires et gouvernementales au cours des dernières semaines, qui a finalement débouché sur une forme d’ultimatum des grands argentiers, n’est pas quelque chose que l’on souhaite voir se produire quand la question de la stabilité financière est si déterminante! 

Les malheurs britanniques peuvent en réjouir certains, qui verront dans les développements récents une conséquence indirecte du choix populaire en faveur du Brexit. Il y a certainement une part de vérité dans l’argument. Cependant, il y a une leçon que chacun d’entre nous devrait méditer, compte tenu de l’incertitude économique et la volatilité sur les marchés financiers: une meilleure coordination des politiques macroéconomiques pour affronter les défis (uniques) auxquels nous sommes confrontés est plus que jamais nécessaire et la tâche est loin d’être aisée! 

Alors plutôt que se «réjouir» des malheurs de L.Truss et de la cacophonie qu’elle aura su créer en quelques semaines seulement, cherchons plutôt à identifier des situations similaires qui pourraient se produire ailleurs par manque de coordination des politiques macroéconomiques.  L’économie mondiale et les marchés n’auraient rien à gagner à la réédition de la «farce» britannique dans une autre région dans un avenir proche.
     

A lire aussi...