Vers une inévitable désinflation: faut-il vraiment y croire?

François Savary, Prime Partners

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Cette semaine, la publication des chiffres de l’inflation pour le mois de janvier constituera un premier test important pour la théorie de la désinflation.

Le mot est lancé et pas par n’importe qui: J. Powell en personne. A deux reprises au cours des dernières semaines - à l’issue de la réunion de la Réserve Fédérale de janvier d’une part et lors d’un interview la semaine dernière -, le grand argentier américain n’a pas hésité à s’exprimer sur les premiers signes d’une phase de désinflation aux Etats-Unis. En d’autres termes, le reflux de la hausse des prix qui s’est engagé il y a quelques mois serait en bonne voie pour se poursuivre en 2023.

De manière tout à fait intéressante, la réaction des marchés financiers aux propos du chef de la Fed n’a pas été identique dans les deux cas; alors que ses déclarations consécutives à la décision de la banque centrale de relever le loyer de l’argent d’un quart de point avaient nourri l’euphorie des investisseurs et poussé le cours des actifs financiers à la hausse, ces derniers se sont montrés nettement moins enthousiastes après le récent interview du banquier central, au-delà du très court terme.

Alors que l’autorité monétaire est engagée dans un combat agressif pour regagner sa crédibilité «perdue», faut-il considérer que la réaction la plus récente des opérateurs de marché est la preuve la plus flagrante que le travail est loin d’être achevé? Pire encore, une fois la première joie passée d’entendre prononcer le mot (tellement attendu) de désinflation, les investisseurs ont-ils été gagné par les doutes concernant la pérennité d’un tel phénomène? Si tel devait être le cas, J. Powell pourrait bien le regretter, tant il est vrai que si les chiffres devaient lui donner tort l’image de la Fed en serait (une nouvelle fois) ternie et les conséquences économiques dommageables!

Il ne faut pas aller trop vite en besogne et les réactions divergentes des marchés au propos de J. Powell, en quelques semaines seulement, s’inscrivent dans un contexte général de regain de confiance des investisseurs depuis le 1e janvier qu’il ne faut pas sous-estimer; dans un tel environnement et compte tenu du fait que nous pensons qu’une consolidation des gains des dernières semaines est largement légitime, la différence de réaction susmentionnée est peut-être davantage le fruit des conditions globales de marché que le résultat d’un changement de perception sur le caractère «crédible» de la désinflation annoncée.

L’idée n’est pas saugrenue mais elle ne doit pas, pour autant, conduire à ignorer un fait: les chiffres de l’emploi pour le mois de janvier, publiés juste après la réunion de la Fed, ont affiché une vigueur persistante et «surprenante» des créations de postes aux Etats-Unis! Ce développement n’a pas été sans conséquence sur le sentiment des opérateurs, à notre avis, même s’il est vrai que le mois de janvier offre régulièrement des statistiques de l’emploi souvent bien supérieures à celles des mois précédents.

Sur la question de la pérennité de la désinflation, il faudra vraisemblablement attendre le second semestre pour se faire une idée plus précise.

Qui dit marché de l’emploi soutenu dit risque de voir l’autorité monétaire poursuivre son travail de resserrement au-delà de ce que les investisseurs avaient fini par intégrer comme la fin du processus, le mois de mai 2023 en l’occurrence; certains allant même jusqu’à considérer que la désinflation annoncée par la Réserve Fédérale pouvait ouvrir la voie à un reflux des taux directeurs dès la fin de 2023!

Les banquiers centraux sont connus pour être avares de paroles, voire se montrer peu clairs dans leurs explications - A. Greenspan s’en était fait une spécialité revendiquée - ; en parlant aussi ouvertement de désinflation et en le réitérant malgré des chiffres de l’emploi qui ont pu effrayer certains, J. Powell a-t-il fait preuve d’une audace dangereuse ou a-t-il considéré qu’une fois le mot lâché et intégré par les investisseurs, un retour en arrière n’était plus possible?

Cette semaine, la publication des chiffres de l’inflation pour le mois de janvier constituera un premier test important pour la théorie de la désinflation. Comme les choses ne sont jamais simples, les observateurs devront ternir compte du fait que les poids servant au calcul de cet indice feront l’objet d’une modification qu’il faudra intégrer dans l’analyse. A priori, le tendance au repli de l’inflation devrait se confirmer et se poursuivre au cours du printemps.

Alors qu’elle avait eu tendance à perdre en importance depuis le début de l’année, la question de l’inflation fait un retour sur le devant de la scène dans l’esprit des opérateurs. Ce phénomène est une bonne chose, car il permet de remettre l’accent sur un problème qui demeure essentiel à court terme aussi bien pour l’économie réelle que les marchés financiers; en ce qui concerne ces derniers, il n’y aurait rien de pire que de les voir considérer que l’inflation est définitivement un problème d’hier, au risque de nourrir une exubérance qui serait mal venue.

Quant à la question de la pérennité de la désinflation, il faudra vraisemblablement attendre le second semestre pour se faire une idée plus précise sur la question, une fois les effets de base à l’œuvre éliminés. En outre, il faudra continuer à observer les développements sur le marché de l’emploi américain pour adapter son jugement; enfin, il faut aussi espérer qu’aucun choc exogène ne viendra perturber les économies et les marchés. Une autre manière de dire que la question de la hausse des prix n’est pas définitivement résolue. L’espoir de la désinflation est crédible mais de l’espoir à la certitude il reste de nombreux obstacles à franchir. 

 

 

 

 

       

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