Concert à la demande – Weekly note de Credit Suisse

Burkhard Varnholt, Credit Suisse

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Bien que le récent rallye de fin d’année ait surtout stimulé les titres de valeur, nous sommes encore loin d’un possible renversement de tendance en leur faveur.

En cette période où les enfants écrivent leurs souhaits au Père Noël, les investisseurs sont eux aussi en quête de bonnes idées. Comme le sprint de fin d’année a commencé plus tôt que d’habitude sur les marchés boursiers également, certains l’ont tout simplement raté. Ils recherchent des placements solides, qui sont encore avantageux et présentent un potentiel haussier. À cet égard, nous avons trois suggestions d’investissement qui pourraient leur convenir. Et suite aux nombreux retours reçus, nous vous recommandons à nouveau un peu de musique pour le deuxième week-end de l’Avent.

1. «Vue d’ensemble»: réflexions sur la valeur et la croissance

Nous allons tout d’abord dresser une «vue d’ensemble» qui devrait intéresser tout particulièrement les investisseurs sensibles aux prix: bien que le récent rallye de fin d’année ait surtout stimulé les titres de valeur, notamment ceux de l’énergie, de la finance et du secteur minier, nous sommes encore loin d’un possible renversement de tendance en leur faveur, comme l’illustre le graphique 1.

Nous voyons donc que les investisseurs en quête d’actions bon marché pour 2021 n’ont guère à craindre qu’il soit déjà trop tard. En outre, si les titres de valeur devaient repartir à la hausse à l’avenir (ce qui est bien possible étant donné la pénurie de placements et de rendements qui frappe les caisses de pension), cette nouvelle tendance pourrait s’installer pour plusieurs années.

Deuxième réflexion de cette «vue d’ensemble», qui concerne les titres de croissance: la pandémie et la vague de numérisation qu’elle a déclenchée à l’échelle mondiale ont fait des valeurs technologiques les grandes gagnantes de la bourse depuis le 23 mars. Mais lors du récent rallye de fin d’année, elles ont perdu une partie du terrain gagné en 2020. Serait-ce le début d’un nouveau krach technologique? C’est ce que m’ont demandé quelques investisseurs cette semaine. Ma réponse: c’est improbable, car la tendance à la numérisation s’impose sur de nombreux fronts et elle est extrêmement rentable. Elle devrait donc se poursuivre longtemps encore. Les besoins des consommateurs, des entreprises et des pays étayent cette prévision, tout comme la confirment d’ailleurs nos vastes recherches et études thématiques concernant ce Supertrend. Et il y a plus encore: une rapide comparaison graphique entre la bulle Internet de l’an 2000 et la performance actuelle du Nasdaq montre clairement, elle aussi, qu’il ne faut pas craindre une nouvelle bulle (voir le graphique 2). En résumé: nous estimons que ce marché est cher, mais pas de façon irrationnelle. Ce point est important, vu d’en haut tout au moins.

2. Grand potentiel: trois placements très rares chez les investisseurs suisses

Compte tenu des questions posées par les investisseurs, je voudrais présenter trois placements que l’on trouve rarement dans la plupart des portefeuilles suisses. Remarque: cette liste ne prétend pas à l’exhaustivité.

1. Actions britanniques – une opportunité de placement à contre-courant

Certes, les actions britanniques ont enregistré des performances bien inférieures à la moyenne ces dernières années et elles ont été particulièrement affectées par deux phénomènes en 2020: le Brexit et la pandémie. En outre, la livre sterling n’est pas aussi faible que d’aucuns l’espéraient. Mais peut-être donne-t-elle une lueur d’espoir concernant l’évolution du marché boursier britannique? Mon collègue de Grande-Bretagne, Andrew Garthwaite, a récemment énuméré neuf facteurs «à contre-courant» qui pourraient éventuellement laisser envisager un redressement des actions britanniques en 20211:

  1. Les valorisations des actions britanniques ont atteint leur plus bas depuis 30 ans2.
  2. Les écarts de cours par rapport à la «juste valeur» selon les modèles macroéconomiques sont également à un niveau historiquement faible.
  3. Tous les secteurs du marché boursier britannique ont sous-performé leurs homologues mondiaux depuis le début de l’année, ce qui suggère que les nouvelles négatives concernant le Brexit sont prises en compte dans les cours.
  4. Nous observons que les sorties de capitaux sont les plus importantes par rapport à la capitalisation boursière depuis que nous avons commencé à surveiller ces données en 2003.
  5. Sur le marché des changes, le positionnement des investisseurs en livre sterling est inhabituellement pessimiste par rapport à l’euro.
  6. Évaluée en parité de pouvoir d’achat, la livre sterling est à son plus bas depuis douze ans par rapport à l’euro.
  7. Mot-clé «espoir d’un vaccin»: parmi tous les pays industrialisés, c’est la Grande-Bretagne qui enregistre cette année le plus fort marasme conjoncturel. Celui-ci sera-t-il suivi en 2021 par la plus forte reprise économique en termes relatifs?
  8. Nous observons une concentration sectorielle outre-Manche: la bourse y est dominée par des entreprises susceptibles de profiter plus que la moyenne du déploiement d’un vaccin (par exemple dans les branches de l’aviation, de l’énergie et du divertissement), tandis qu’elle ne recense que peu de bénéficiaires de la crise, comme le secteur technologique.
  9. Brexit: au moment de la rédaction de la présente lettre d’information, aucune percée n’était encore en vue dans les négociations d’un accord. Une entente de dernière minute pourrait néanmoins offrir aux acheteurs de titres britanniques un rallye de Noël tardif.

2. De l’or pour les investisseurs suisses – est-ce compatible?

Pour 2021, nos analystes des matières premières s’attendent à une appréciation du métal jaune, lequel pourrait atteindre 2200 USD l’once. Par le passé, j’ai néanmoins mis en garde les investisseurs helvétiques contre l’illusion nominale selon laquelle une hausse des cours de l’or serait forcément une bonne chose pour les portefeuilles suisses, car il se pourrait très bien qu’une partie des gains soit engloutie par une baisse du dollar américain. Or, nous tablons également sur un affaiblissement du billet vert en 2021. En effet, les déficits records du budget public et de la balance courante aux États-Unis, mais aussi les tensions géopolitiques pourraient peser lourdement sur la monnaie de réserve mondiale. Dans ce contexte, il semble très probable que l’or brillera encore de tous ses feux en 2021. Cette perspective est aussi étayée par la forte reprise économique en Asie, où l’on achète traditionnellement le plus de bijoux en or, et par l’éternel attrait qu’exerce le métal jaune en tant que stabilisateur de portefeuille.

Comment les investisseurs suisses peuvent-ils profiter de cette évolution sans s’exposer au risque de dépréciation du dollar? Par exemple au moyen de produits structurés innovants, qui permettent de tirer parti d’une hausse de l’or tout en couvrant le risque de change. Voilà une bonne idée de placement pour Noël!

3. Actions d’Asie du Nord – le rallye est loin d’être fini

Nous sommes conscients que la recommandation d’investir dans les actions de Chine, de Corée du Sud ou de Taïwan n’a rien de nouveau, mais elle n’en est pas moins judicieuse. Nous surpondérons les titres d’Asie du Nord depuis la mi-juin déjà. Leur forte performance soulève plutôt la question de savoir s’il n’est pas déjà trop tard pour prendre des positions supplémentaires. Mais mon collègue John Woods, Regional Chief Investment Officer Asia Pacific, a donné cette semaine trois bonnes raisons pour lesquelles ces marchés semblent toujours plus attrayants que d’autres.

  1. Premièrement, il y a les «flux de capitaux»: les fonds de placement mondiaux sont actuellement sous-investis d’environ 4% en Asie du Nord, ce qui correspond à quelque 90 milliards de francs suisses. En outre, les investisseurs étrangers ont retiré l’équivalent d’environ 40 milliards de francs suisses des marchés boursiers chinois cette année. Or, les fonds de placement ne peuvent généralement pas se permettre de tels écarts sur une longue période, en particulier lorsque ceux-ci peuvent affecter la performance relative et que la croissance de la capitalisation boursière attire automatiquement des capitaux issus d’un rééquilibrage (remaniements de portefeuille). Il est probable qu’en 2021, ces capitaux prendront à nouveau le chemin de la Chine, et même dans une mesure accrue.
  2. Deuxièmement, il faut rappeler le rôle de l’Asie du Nord en tant que «moteur de la croissance mondiale»: l’économie chinoise connaît actuellement une reprise en forme de V. En 2021, le pays devrait à nouveau afficher l’un des taux de croissance économique les plus élevés au monde (nous prévoyons une progression réelle de 7,1%). De nombreuses entreprises s’attendent à une augmentation à deux chiffres de leurs ventes, en particulier dans les domaines ou les secteurs à forte croissance tels que la mobilité électrique, les énergies renouvelables, l’Internet et les biens de consommation.
  3. Troisièmement, John Woods mentionne le potentiel de hausse des valorisations. En bref: les actions d’Asie du Nord ressemblent aux titres de croissance américains, mais en moins cher. Bien que les actions chinoises ne puissent plus être considérées comme de véritables «bonnes affaires» étant donné leur progression de 55% depuis mars 2020, elles se négocient toujours 20 à 40% en dessous des titres comparables aux États-Unis ou en Europe. Même par rapport aux précédents rallyes boursiers, comme ceux de 2001, 2007 ou 2018, leurs cours sont toujours nettement inférieurs, et leur rentabilité opérationnelle devrait être meilleure du fait de la reprise économique.
3. Conseils aux mélomanes: de grands moments et un morceau classique plein d’humour

Le week-end, c’est avec plaisir que je déguste une tasse de thé en écoutant de la musique qui me captive et comble l’attention que j’y prête. Mais j’aime aussi qu’on me fasse rire. C’est pourquoi je souhaite vous recommander deux morceaux de musique très différents pour ce week-end hivernal. Peut-être les apprécierez-vous…

Nick Cave en live: «Idiot Prayer – Nick Cave Alone at Alexandra Palace»

Nous avions acheté depuis longtemps des billets pour ce concert prévu l’été dernier, mais la pandémie a contrecarré nos plans. La tournée, qui affichait déjà complet, a été annulée. Néanmoins, des temps inhabituels peuvent générer des albums insolites. C’est le cas de «Idiot Prayer – Nick Cave Alone at Alexandra Palace». Au lieu de partir en tournée, Nick Cave a loué le célèbre Alexandra Palace de Londres pour interpréter ses chansons, assis tout seul au piano à queue, sans l’accompagnement de musiciens et sans public. Un bon mois plus tard, le 23 juillet 2020, sa prestation a été diffusée en streaming, à une heure bien précise. Puis ce moment magique s’est envolé, presque comme après un concert en présence d’un public.

Mais il est possible de le revivre grâce au film et à l’album du concert, un album splendide, à la fois fragile et puissant, un album qui, par son intensité minimaliste et sa présence musicale, constitue une parenthèse solitaire dans l’oeuvre de Cave, même si celui-ci interprète presque exclusivement des chansons de ses albums précédents. Il commence par le «Spinning Song», un hommage verbal au «roi du rock ‘n’ roll», dont certaines paroles sont en harmonie avec Noël: «Un temps viendra pour nous ... la paix viendra pour nous», un espoir en des jours meilleurs, et pas seulement pour tous les artistes et musiciens qui n’ont pratiquement pas pu se produire cette année. Pendant les 80 minutes qui suivent, le piano est le seul compagnon de l’Australien. Il est ainsi possible de s’imprégner directement de sa palette artistique dans toute sa pureté.

Toutefois, la musique de Nick Cave n’est pas toujours digeste pour tout le monde. Son lyrisme puissant et sa mélancolie sont si exacerbés qu’ils donnent le frisson. À la différence des compositions de Leonard Cohen (qui a fait l’objet d’un long métrage d’hommage primé «Leonard Cohen: I’m Your Man» mettant en scène une prestation de Cave entre autres), celles de Cave ont quelque chose de fatal, dénuées de toutes fioritures. Soit elles attirent corps et âme, soit elles repoussent. Il n’y a pas d’entre-deux, ce qui, soit dit en passant, s’applique également à toute son oeuvre de poésie, de prose ou cinématographique. Par ailleurs, la musique de Cave conjugue la langueur hivernale et la gaieté de Noël, car elle aborde les thèmes intemporels du devenir, de la fuite du temps, de la grâce et de la rédemption.

Vous êtes d’une humeur complètement différente? Alors régalez-vous avec ce morceau classique particulièrement humoristique.

Miaou, miaou, miaou de Gioachino Rossini (1792 – 1868)

Il était connu pour être un bon vivant doté d’un grand sens de l’humour. Gioachino Rossini, dont les célèbres opéras ont assuré la sécurité financière, a commencé à profiter pleinement de la vie à l’âge de 37 ans, dans sa propriété de campagne en Italie. Il cuisinait pour ses amis, il appréciait le bon vin et, après un repas convivial, il aimait célébrer le fumet et les épices de sa cuisine en chantant au piano. C’est probablement ainsi qu’il a composé le «Duo des chats», après une soirée bien arrosée. Si vous ne faites pas partie des quelque quatre millions de personnes qui ont déjà regardé ce dialogue félin sur YouTube, j’aimerais vous recommander la version interprétée par deux «Petits Chanteurs à la Croix de Bois» lors d’un concert donné en Corée du Sud3. L’auditoire éclate de rire pendant leur prestation tant elle est drôle! Écoutez et voyez par vous-même.

 

1 Ces prévisions ne constituent pas une garantie des résultats futurs.
2 Sauf mention contraire, les données de marché proviennent de cette publication de Refinitiv.
3 Les Petits Chanteurs à la Croix de Bois, concert à Séoul, Corée du Sud, le 30 novembre 1996

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