Composer avec la volatilité: un portefeuille défensif et diversifié

James Mazeau, UBS Global Wealth Management

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Il est préférable de rester investi en privilégiant les valeurs défensives, les valeurs de rendement, les valeurs décotées et le thème de la sécurité.

©Keystone

Il y a dix jours, les actions et les obligations ont essuyé une nouvelle correction. Motif: pour la troisième fois d’affilée, la Réserve fédérale américaine (Fed) a relevé ses taux d’intérêt de 75 points de base (pb), fixant ainsi la fourchette cible des fonds fédéraux à 3–3,25%.

Le relèvement des taux directeurs était attendu après les chiffres plus élevés que prévu de l’inflation en août aux Etats-Unis. Cependant, le rythme du resserrement monétaire futur suggéré par les nouvelles projections économiques de la Fed s’est avéré plus marqué qu’envisagé. Si l’on en croit ces projections, les taux directeurs pourraient augmenter de 100 pb supplémentaires, et plus vraisemblablement 125 pb, d’ici la fin de l’année.

L’indice S&P 500 a donc chuté et il accuse désormais un repli supérieur à 22% depuis le 1er janvier. L’inversion de la courbe des rendements aux Etats-Unis s’est accentuée. Le rendement des bons du Trésor américain à deux ans a augmenté de 33 pb (au plus haut niveau depuis 2007), tandis que celui des bons à dix ans a grimpé de 23 pb. Le dollar s’est encore apprécié (+3% pour l’indice DXY, à 113 points).

Ralentissement de la croissance

Lors de sa conférence de presse, le président de la Fed, Jerome Powell, a une nouvelle fois fait passer un message de fermeté, soulignant que la banque centrale persévérerait «jusqu’à ce que nous soyons convaincus d’avoir fait notre travail». La Fed table désormais sur une croissance de l’économie américaine de seulement 0,2% en glissement annuel au quatrième trimestre 2022 et de 1,2% au premier trimestre 2023, un rythme inférieur à son potentiel.

S’agissant du taux de chômage, la Fed pense qu’il grimpera à 4,4% en 2023, contre 3,7% en août. Le taux de chômage n’a jamais autant augmenté en l’absence de récession. La projection médiane pour le taux des fonds fédéraux culmine à 4,6% en 2023, contre 3 à 3,25% à l’heure actuelle. Les responsables de la Fed n’envisagent pas de baisses de taux avant 2024.

Toutes dans le même bateau

La Fed n’est pas la seule banque centrale à relever drastiquement ses taux, loin de là. Au total, les banques centrales à travers le monde ont annoncé, il y a dix jours, plus de 700 pb de relèvements de taux, dont 100 pb pour la Banque de Suède, 75 pb pour la Banque nationale suisse, marquant ainsi la fin de l’ère des taux négatifs en Europe, et 50 pb pour la Banque d’Angleterre.

La Banque du Japon est allée à contre-courant en restant accommodante mais la chute du yen qui s’est ensuivie l’a obligée à intervenir sur le marché des changes pour la première fois depuis 1998. La livre sterling était aussi sous pression. Elle est tombée à 1,0350 face au dollar. Les investisseurs redoutent, en effet, que le train de mesures de baisses d’impôts et de dépenses annoncé par le nouveau gouvernement ne compromette la stabilité des comptes publics du Royaume-Uni.

L’incertitude géopolitique

Outre la politique des banques centrales, l’incertitude géopolitique a également miné le moral des investisseurs en raison des mesures prises par la Russie qui témoignent d’une escalade dans la guerre contre l’Ukraine.

Le président russe, Vladimir Poutine, a annoncé une «mobilisation partielle» de 300’000 réservistes et il s’est dit prêt à employer «tous les moyens» dont il dispose pour protéger le territoire de la Russie.

A quoi faut-il s’attendre?

La réunion de la Fed a conforté l’idée que cette dernière restera ferme jusqu’à ce que l’inflation donne des signes évidents de décrue, quand bien même la croissance en souffrirait. Lors de sa conférence de presse à l’issue de la réunion, Jerome Powell a tenu un discours sans équivoque. Il a répété que la Fed avait comme priorité le retour à la stabilité des prix, ce qui supposerait probablement une longue période de politique monétaire restrictive, de croissance économique atone et d’accroissement du chômage.

Un taux directeur de 4% est, sans doute, le maximum que l’économie US puisse supporter. Or la Fed menace clairement de porter ses taux d’intérêt au-delà de ce niveau. L’inflation pourrait être suffisamment basse pour que la Fed marque une pause dans son cycle de relèvement des taux après sa réunion du mois de décembre. Toutefois, si la décrue de l’inflation est plus lente et que la Fed porte ses taux à près de 5%, l’économie américaine échappera difficilement à une récession.

En définitive, même si la Fed réussira probablement à faire retomber l’inflation, un virage accommodant dans sa politique semble improbable à court terme. Les marchés sont également confrontés à d’autres obstacles. Sur le front géopolitique, aucun cessez-le-feu n’est en vue en Ukraine, où les combats devraient se poursuivre du moins jusqu’à l’hiver.

En Chine, le confinement de Chengdu (une ville de 21 millions d’habitants) a pris fin  mais la stratégie zéro-Covid du gouvernement demeure un frein pour la deuxième puissance économique mondiale.

Cet environnement ne se prête guère à un positionnement directionnel très marqué sur les indices boursiers. Néanmoins, il est déconseillé aux investisseurs de déserter les marchés, d’autant que la forte inflation érode la valeur des liquidités et qu’il est difficile de trouver le bon timing pour revenir sur les marchés, au risque de rater les rebonds.

Il est donc préférable de rester investi mais il convient de diversifier son portefeuille et d’être sélectif, en privilégiant les valeurs défensives, les valeurs de rendement, les valeurs décotées et le thème de la sécurité.

Comment investir?

• Renforcer l’exposition aux valeurs défensives

Le resserrement monétaire, le risque de pénurie d’énergie en Europe et les restrictions à la mobilité liées au Covid-19 en Chine sont autant de facteurs qui pèsent sur la croissance mondiale. Par conséquent, il convient de privilégier les pans du marché qui devraient mieux résister en cas de ralentissement de l’activité économique.

S’agissant des actions, cela vaut notamment pour les secteurs de la santé et des biens de consommation de base. Sur le marché des changes, le dollar américain et le franc suisse sont appréciés par la Recherche d’UBS. Quant aux obligations, elle préfère les titres de grande qualité et les titres de créance résistants. Les stratégies de protection du capital peuvent également rendre un portefeuille plus défensif dans l’ensemble.

• Rechercher les opportunités de revenu

Lorsque la volatilité sévit sur les marchés, la possibilité de dégager des rendements plus prévisibles séduit davantage. Les investisseurs ont la possibilité d’accroître le revenu généré par leur portefeuille au moyen des actions (valeurs de rendement de qualité avec de solides fondamentaux), des obligations, des stratégies de vente de volatilité sur les marchés des changes et des matières premières, sans oublier l’immobilier.

• Investir dans la valeur

Les valeurs décotées surperforment généralement les valeurs de croissance en période de forte inflation. La Recherche d’UBS affiche une préférence pour les valeurs décotées internationales et pour le marché des actions britannique.

Ce dernier fait la part belle aux secteurs décotés et défensifs. Il devrait également profiter de la faiblesse de la livre sterling. En outre, les valeurs de l’énergie, un secteur décoté qui offre une belle rémunération, devraient profiter de la hausse des cours du pétrole dans les mois à venir.

• Rechercher des stratégies décorrélées parmi les hedge funds

Il est difficile pour les investisseurs de dégager des rendements positifs en cette année 2022. Les hedge funds font figure d’exception. Certains d’entre eux, notamment les stratégies macro, se comportent particulièrement bien.

Alors que l’inflation et la politique des banques centrales influencent toujours les actions et les obligations, il est recommandé aux investisseurs de se diversifier en achetant des parts de hedge funds pour composer avec l’incertitude sur les marchés.

• Faire la chasse aux bonnes affaires parmi les actifs non cotés

Au cours des trimestres à venir, certains fonds en actifs non cotés vont probablement ajuster à la baisse leur valeur liquidative pour refléter le récent recul des actions cotées en Bourse. Néanmoins, faire fructifier des capitaux dans le segment non coté après une correction sur les marchés organisés a été une stratégie payante par le passé. Pour accentuer l’exposition aux actifs non cotés dans le contexte actuel, il est conseillé de privilégier les stratégies axées sur la valeur.

• Se positionner dans l’optique de l’entrée dans l’ère de la sécurité

La Recherche d’UBS maintient son avis Least Preferred à l’égard des valeurs de croissance. Toutefois,  l’ère de la sécurité, ainsi que la transition mondiale vers la stabilité et la durabilité, continueront certainement de créer des opportunités attrayantes à long terme.

L’accent mis sur la sécurité énergétique, environnementale, alimentaire et technologique aura une grande influence dans les années à venir. Il est de nature à stimuler l’investissement dans des domaines tels que les technologies vertes et les solutions qui permettent d’améliorer les rendements agricoles.

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