Composer avec des marchés plus risqués

James Mazeau, UBS Global Wealth Management

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Après un an de faiblesse constante pour les marchés, de nombreux investisseurs se demandent quand le fond sera atteint. Tout donne à penser que ce n’est pas encore le cas.

Historiquement, les marchés ont touché le fond quand les investisseurs ont commencé à envisager un assouplissement net de la politique monétaire pour les six à douze mois suivants, quand un creux de l’activité économique était en vue ou quand les valorisations reflétaient déjà complètement un scénario baissier crédible. Aujourd’hui, ces conditions ne sont pas (encore) réunies.

La Fed va rester stricte

Tout d’abord, bien que la Réserve fédérale doive probablement cesser d’augmenter les taux au premier trimestre 2023, les derniers chiffres de l’inflation et du marché de l’emploi semblent indiquer que la baisse des taux d’intérêt reste une perspective lointaine. Aux Etats-Unis, l’inflation des prix à la consommation a encore augmenté en septembre, avec une hausse de 6,6% en glissement annuel, soit le taux d’augmentation des prix le plus rapide depuis 1982.

Le procès-verbal de la dernière réunion de la Fed suggère que celle-ci est plus encline à «trop resserrer» la politique qu’à prendre le risque de ne pas assez agir pour freiner l’inflation. D’ailleurs, les responsables de la Fed ont toujours réitéré leur intention d’obtenir un taux des fonds fédéraux de 4,5-4,75% l’année prochaine.

De plus, le marché de l’emploi – qui joue un rôle important dans l’inflation – reste tendu. Le taux de chômage est descendu à 3,5% en septembre alors qu’il atteignait 3,7% en août. C’est le niveau le plus bas depuis 50 ans. En l’absence d’une inflation plus modérée et d’un marché de l’emploi plus faible, seule une nette détérioration des données économiques pourrait provoquer un virage accommodant de la Fed.

Les entreprises sont confrontées à la combinaison difficile de la dégradation de la demande, de l’augmentation des coûts du travail et des comparaisons défavorables avec la croissance des bénéfices en 2021–2022.
Politique monétaire restrictive: des conséquences mal évaluées

Ensuite, les conséquences de la politique monétaire restrictive pour l’économie et les bénéfices des entreprises ne sont pas vraiment bien représentées dans les prévisions qui font consensus. Les entreprises sont confrontées à la combinaison difficile de la dégradation de la demande, de l’augmentation des coûts du travail et des comparaisons défavorables avec la croissance des bénéfices en 2021–2022.

Les tensions au niveau du système financier – qui pourraient présager un ralentissement plus marqué de l’activité – sont intenses, comme l’illustrent les récents événements sur le marché des retraites au Royaume-Uni. Les indicateurs avancés, tels que les nouvelles commandes, sont en baisse. La poursuite de la politique chinoise zéro-Covid et les difficultés du secteur immobilier suggèrent qu’il s’agit plus probablement d’une source de risques que de soutien pour la croissance mondiale à court terme. Malgré tout cela, le consensus reste à 5% de croissance mondiale des bénéfices en 2023.

Pas encore un scénario de «bear case»

Enfin, bien que les actions aient déjà nettement chuté en termes absolus, les valorisations des actifs à risque n’indiquent pas encore de scénario baissier. Malgré l’augmentation des risques pour la croissance et la hausse de la volatilité, les marchés des actions ne sont pas devenus meilleur marché que les obligations et n’ont pas non plus encore pris en compte le net ralentissement de la croissance et des rendements.

La performance du marché cette année peut être quasiment intégralement expliquée par le changement des taux d’escompte et la prime de risque actions (les rendements excédentaires que les investisseurs peuvent attendre de leurs investissements dans les actions par rapport aux bons du Trésor) s’élève à 250 points de base alors qu’elle était de 320 points de base au début de l’année. Et, au niveau des titres à revenu fixe, l’écart entre les hauts rendements (high yeld) et l’Investment Grade ou le crédit de premier ordre ne compense pas de manière adéquate les défis accrus liés aux crédits actuellement plus risqués.

Comment investir?

Le rapport risque-rendement pour les marchés pour les trois à six prochains mois va probablement rester défavorable. Il est peu probable que les grandes banques centrales achèvent leur cycle d’augmentation des taux avant le premier trimestre 2023. La croissance économique devrait continuer à ralentir jusqu’au début de l’année prochaine et les marchés financiers mondiaux sont vulnérables au stress tandis que les banques centrales durcissent leur politique.

Mais il est également important de ne pas négliger la possibilité d’une amélioration croissante des données de l’inflation et du marché de l’emploi, qui indiquerait la fin imminente du cycle d’augmentation des taux de la Fed ou une résilience économique.

Ces deux options pourraient permettre un rebond à court terme. Les perspectives devraient s’améliorer courant 2023 – le creux au niveau de la croissance économique devrait être atteint au premier semestre de l’année prochaine et, à un certain stade, les marchés commenceront à anticiper un cycle de baisse des taux de la Fed. Et avec des valorisations des actions au niveau moyen (dans le cas des Etats-Unis) ou inférieures au niveau moyen (dans le reste du monde) à long terme, les perspectives de rendement pour les investisseurs diversifiés sont relativement favorables.

Il faut se concentrer en priorité sur l’atténuation des risques baissiers à court terme, tout en conservant l’exposition à la hausse à moyen et court terme.
Gérer les risques baissiers à court terme

Par conséquent, il faut se concentrer en priorité sur l’atténuation des risques baissiers à court terme, tout en conservant l’exposition à la hausse à moyen et court terme. Et il n’en demeure pas moins essentiel, pour les investisseurs concernés par la sous-allocation en actions, d’utiliser la période actuelle de volatilité et de prix faibles pour construire une exposition sur le long terme.

Pour les investisseurs dont l’exposition aux actions est déjà proche des niveaux cibles à long terme, il convient d’envisager des stratégies d’atténuation des risques baissiers, notamment les options ou les stratégies structurées. Ces stratégies devraient permettre aux investisseurs de participer aux gains si le marché connaît un rebond, tout en offrant une certaine protection du capital au cas où la chute des marchés venait à se poursuivre.

Répartir l’exposition sur les secteurs plus défensifs – comme la santé mondiale et les biens de consommation –, qui sont moins sujets à la détérioration de la croissance économique, peut également aider à réduire les risques baissiers tout en conservant l’exposition à la hausse.

En cas de surexposition aux actions

Quant aux investisseurs dont l’exposition aux actions est supérieure au niveau cible à long terme, ils devraient plus répartir cette surexposition sur les opportunités à revenu fixe, les obligations de premier ordre et les titres de créance résistants. La récente augmentation des rendements ouvre un point d’entrée intéressant pour les obligations de premier ordre – qui offrent aux Etats-Unis un rendement de 4,67%.

En outre, on peut anticiper une bonne performance de cette catégorie d’actifs en cas de ralentissement plus marqué de la croissance en 2023, même si le potentiel de hausse imprévue de l’inflation représente un risque à court terme. Les émetteurs Investment Grade de catégorie AA ou A avec des durées d’obligations d’environ 5 à 7 ans qui souhaitent investir dans les secteurs relativement épargnés par le cycle économique sont également intéressants.

En cas de sous-exposition aux actions

Pour les investisseurs actuellement sous-exposés aux actions par rapport aux niveaux cibles à long terme, ce pourrait être le bon moment pour acheter. Mais, pour les investisseurs de long terme, les valorisations plus faibles suggèrent qu’il pourrait s’agir d’une période propice pour engager des capitaux. Les données historiques révèlent que l’actuelle valorisation du ratio cours/bénéfices pour le S&P 500 correspond à un rendement annualisé de 8 à 10% sur la prochaine décennie.

Une approche pour construire l’exposition dans le temps consiste à appliquer des stratégies de vente d’options de vente, qui peuvent aider à générer des rendements et permettre aux investisseurs d’acheter potentiellement à bon compte si les marchés chutent.

Dans un contexte de volatilité élevée, la prime que les investisseurs peuvent gagner grâce à ce type de stratégie est plus élevée que d’habitude. Une autre approche possible consiste à ajouter des positions sur des produits structurés générant du rendement – construisant ainsi une exposition aux actions indirecte et plus défensive.

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