Commission Helsinki: de l’intox!

Jan Langlo, Association de Banques Privées Suisses 

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Le cas Magnitski n’a rien à voir avec l’application des sanctions contre la Russie.

Dans la torpeur de cet été, à la mi-juillet, la Commission américaine dite Helsinki a accusé la Suisse de ne pas appliquer correctement les sanctions contre la Russie et d’avoir une justice dysfonctionnelle. Le Département fédéral des affaires étrangères a protesté auprès des autorités américaines et a rejeté ces accusations infondées et inacceptables. Il a rappelé que l’UE avait reconnu notre pays comme Etat partenaire dans la mise en œuvre des sanctions contre la Russie.

Par la suite, la Commission de politique extérieure du Conseil des Etats (CPE-E) s’est aussi intéressée à cette affaire et a réfuté ces critiques. Elle estime même «que les médias suisses accordent trop d’importance à la commission Helsinki et que les exigences de cette dernière ne reflètent pas les positions du gouvernement américain, qui n’y est pas du tout représenté actuellement». Il est vrai qu’il s’agit d’une commission parlementaire indépendante du Congrès américain, même si elle est composée de 19 de ses membres. Mais si les médias donnent un large écho à ses vues et presque aucun à leur contradiction, alors ses propos remplacent la vérité dans l’esprit des lecteurs. On a ainsi vu la pourtant sérieuse «Frankfurter Allgemeine Zeitung» reprendre sans nuance les critiques de la Commission Helsinki et reprocher à la Suisse sa passivité.

Les travaux de la Commission Helsinki sont surtout poussés par l’investisseur et activiste William Browder, qui procède par amalgame et mène une vendetta personnelle contre la justice suisse.

En Suisse, seule la NZZ s’est livrée à un travail de fond sur les nombreux chiffres publiés par notre pays sur les avoirs «russes». Il existe toujours une confusion entre les 150 à 200 milliards d’avoirs de clients «russes» (i.e. ayant un passeport ou une résidence russe) estimés par l’ASB en mars 2022 et les 7,5 milliards d’avoirs de personnes sous sanctions gelés en Suisse. L’écart vient du fait qu’il ne faut pas réduire la population russe à un ou deux milliers d’oligarques sanctionnés. En outre, l’évaluation très générique de l’ASB au début de l’invasion de l’Ukraine n’est certainement plus valable aujourd’hui, vu les difficultés que rencontrent désormais les clients russes en Suisse. D’ailleurs, la NZZ relève que d’après les observations de la Banque des Règlements Internationaux, beaucoup de fonds russes se sont déplacés durant les deux premiers trimestres 2022 vers… les Etats-Unis!

En réalité, les travaux de la Commission Helsinki sont surtout poussés par l’investisseur et activiste William Browder, qui procède par amalgame et mène une vendetta personnelle contre la justice suisse. Le Ministère public de la Confédération a en effet classé en juillet 2021 une procédure pour blanchiment d’une escroquerie fiscale en Russie en 2007 (affaire Magnitski) et veut restituer 14 des 18 millions confisqués à des citoyens russes sous sanctions aux Etats-Unis. Une société de M. Browder avait dénoncé le cas et essaie, pour l’instant en vain, de se porter partie civile en Suisse. Le Tribunal fédéral doit encore se prononcer et les demandes de la Commission Helsinki, qui voudraient que les Etats-Unis placent l’ancien procureur général de la Confédération et deux anciens collaborateurs sous sanction pour soupçon de corruption, ressemblent fort à une manœuvre d’intimidation. La CPE-E a donc eu raison de rappeler «que la Suisse est un Etat de droit qui fonctionne et qu’aucune ingérence politique dans des procédures judiciaires en cours n’est tolérée».

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