Chine et réglementation: quelles solutions pour les investisseurs?

James Mazeau, UBS Global Wealth Management

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Les gouvernements chinois et américain vont exiger plus de transparence et d’informations. Cela servira les intérêts des régulateurs et des investisseurs.

La décision inattendue des autorités chinoises d’empêcher les entreprises de soutien scolaire de participer aux marchés des capitaux étrangers a augmenté les inquiétudes des investisseurs quant à la position du gouvernement sur les investissements étrangers dans les secteurs sensibles.

En retour, ceci a entraîné des inquiétudes sur les entités à détenteurs de droits variables (EDDV) et le risque de décotation des ADR (certificats émis par des banques américaines qui permettent d'investir sur des actions non-américaines) chinois.

Une pression croissante sur tous les fronts

Il existe plus de 250 ADR chinois, avec une capitalisation boursière cumulée de plus de 1500 milliards de dollars. La pression des régulateurs américains concernant les exigences en matière de publication pour les ADR pourrait entraîner des décotations en raison d’une non-conformité répétée.

De nombreuses sociétés chinoises de l’Internet ont constitué des EDDV, qui détiennent des licences pour opérer en Chine, permettant à des entreprises de contourner les restrictions sur les investissements étrangers dans certains secteurs. Ces domaines comprennent les segments de forte croissance tels que la technologie, les télécommunications, l’éducation et les médias.

Les EDDV ne confèrent aucune propriété directe réelle des actifs sous-jacents du point de vue juridique.

Pour satisfaire aux restrictions en matière de propriété étrangère, les EDDV ne confèrent aucune propriété directe réelle des actifs sous-jacents du point de vue juridique. Un examen réglementaire accru des secteurs technologiques chinois a soulevé des inquiétudes sur l’applicabilité des contrats d’EDDV en Chine.

De même, la conversion des actions détenues par des ADR en leur équivalent coté à Hong Kong ne permet pas d’empêcher les risques liés aux EDDV, car de nombreuses actions de Hong Kong utilisent aussi la structure d’une EDDV.

Les inquiétudes concernant les décotations et le statut juridique des EDDV sont compréhensibles. Cependant, les craintes des investisseurs ne devraient pas se concrétiser. Tour d’horizon.

Les structures d’EDDV restent viables

Le contrôle plus strict des politiques devrait être considéré comme un développement positif pour les EDDV, car cela reflète le processus progressif de Pékin de valider la structure. Un examen récent des EDDV par le gouvernement suggère que Pékin reconnaît la structure actuelle. Cela signifie sans doute aussi que le gouvernement approuve toujours la recherche d’une base de capital diversifiée.

L’interdiction des EDDV pourrait porter préjudice à l’innovation et au développement technologique en Chine. Ainsi, le gouvernement ne poursuivra probablement pas sur cette voie. Les régulateurs de la Chine continentale et de Hong Kong ont fait des propositions qui approuveraient la cotation des EDDV en Bourse sur le continent ou à Hong Kong. Ces dernières sont sujettes à de nouvelles exigences en matière de conformité et de publication d’informations.

Les ADR chinois ont trois ans pour se conformer, ce qui devrait être un délai largement suffisant pour trouver un compromis.

Selon la Recherche d’UBS, les EDDV vont continuer à exister dans un avenir proche, mais les gouvernements chinois et américain vont exiger de plus en plus de transparence et d’informations. Cela servira certainement les intérêts à la fois des régulateurs et des investisseurs.

La relocalisation des ADR devrait augmenter mais rester gérable

L’intensification du contrôle des cotations d’entreprises chinoises à l’étranger par les régulateurs de l’empire du Milieu et la pression continue de la réglementation par les Etats-Unis devraient accélérer la tendance du «retour à la maison» des ADR chinois.

Tandis que les Etats-Unis devraient approuver l’Holding Foreign Companies Accountable Act (loi qui oblige les entreprises cotées en Bourse aux Etats-Unis à déclarer qu'elles ne sont ni détenues, ni contrôlées, par aucun gouvernement étranger) à partir de 2022, les ADR chinois ont trois ans pour se conformer, ce qui devrait être un délai largement suffisant pour trouver un compromis.

La Recherche d’UBS s’attend également à ce que plus d’ADR cherchent à avoir une deuxième cotation à Hong Kong. Cela pourrait avoir pour conséquence qu’un plus grand nombre de sociétés se tournent vers Hong Kong ou la Chine continentale pour leurs entrées en Bourse. Les actions doublement cotées aux Etats-Unis et à Hong Kong sont fongibles. C’est pourquoi, face à l’éventualité d’une décotation américaine, les ADR peuvent être convertis en actions de Hong Kong.

L’impact sur la valorisation de la relocalisation des ADR devrait être de court terme

Les plus grandes plateformes chinoises d’Internet tirent des revenus négligeables des Etats-Unis (p.ex. Alibaba et Tencent <5%, Meituan et Baidu quasiment nuls). Cela signifie que les Etats-Unis n’ont que peu d’influence sur les valeurs financières sous-jacentes.

Pour les leaders chinois de l’Internet, toute perte du prix de l’action due à une décotation devrait être rattrapée en l’espace de quelques trimestres.

Aussi, le choc potentiel d’une décotation américaine ne proviendrait que des multiples de valorisation, qui devraient être de courte durée. Pour autant, l’attention des médias, la liquidité réduite et une base d’investisseurs américains potentiellement diminuée peuvent conduire à une décote significative.

Le cours des actions des trois opérateurs de télécoms chinois qui ont été bannis aux Etats-Unis a chuté de 10 à 20% en l’espace de quelques semaines après l’annonce. Mais pour les leaders chinois de l’Internet, toute perte du prix de l’action due à une décotation devrait être rattrapée en l’espace de quelques trimestres, une fois que les investisseurs chinois du sud y auront accès.

Sélectionner des secteurs moins exposés à la réglementation

La pression réglementaire en cours sur les grandes entreprises technologiques chinoises a incité la Recherche d’UBS à adopter une vue tactique neutre sur l’indice MSCI China. Toutefois, ce tour de vis réglementaire ne devrait pas remette en cause l’appel stratégique du marché chinois. Une hausse à long terme pour la nouvelle économie chinoise est toujours attendue.

Les investisseurs qui recherchent une exposition à la Chine peuvent envisager de se tourner vers les pans cycliques/décotés du marché. Les secteurs qui sont moins exposés aux risques réglementaires, tels que la greentech, les biens de consommation durables et les services, ainsi que l’énergie et la cybersécurité, sont également à prendre en considération

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