BCE: statu quo par défaut

Arthur Jurus & Maëlle Vaille, ODDO BHF

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Christine Lagarde ne se prononcera pas sur le calendrier de fin de son principal programme d’achats d’actifs (APP) ce qui reportera une possible hausse des taux directeurs.

La crise ukrainienne retarde la normalisation de la politique monétaire en zone euro. La BCE sera vraisemblablement contrainte de maintenir le statu quo lors de sa prochaine réunion de politique monétaire. Ainsi, Christine Lagarde ne se prononcera pas sur le calendrier de fin de son principal programme d’achats d’actifs (APP) ce qui reportera une possible hausse des taux directeurs. Seule la fin du PEPP (programme d’achats d’urgence face à la pandémie), prévue pour la fin du mois de mars, ne devrait être remise en cause. Philippe Lane, chef économiste de la BCE, a dernièrement insisté sur la flexibilité de la politique monétaire de la BCE: le renforcement des achats d’actifs ou des opérations de refinancement ne sont donc pas à exclure en cas d’instabilité financière.

Le risque de ralentissement économique est à l’origine de la prudence de la BCE. La situation actuelle est particulièrement complexe. D’une part, la zone euro affichait un taux d’inflation record en février à 5,8% sur un an ce qui amènera une révision à la hausse des prévisions d’inflation pour 2022. Cette hausse des prix à la consommation est principalement alimentée par les prix de l’énergie et des matières premières. Le baril de Brent a récemment frôlé les 140 dollars et est aujourd’hui proche des 130 dollars. D’autre part, la dépendance de l’Europe au gaz russe (40% de ses exportations en 2021) la rend vulnérable si les sanctions financières venaient à s’élargir aux exportations russes en énergie. D’après des estimations de la BCE, un rationnement de 10% des livraisons de gaz réduirait le PIB de la zone euro de 0,7 point. Face à cela, les entreprises, à commencer par les plus consommatrices d’énergie, seraient contraintes d’augmenter leurs prix de vente, ce qui entraînerait une réduction de la demande pénalisée par une trop forte baisse du pouvoir d’achat.

Depuis le début du conflit, ces deux risques économiques ont soutenu l’écartement des écarts de crédit des entreprises de bonne notation (+12 points de base), des entreprises spéculatives (+59pb) et des obligations souveraines. L’écart de taux entre l’Allemagne et l’Italie est actuellement de 164 points de base. Un resserrement trop brutal de la politique monétaire de la BCE pourrait pénaliser ces conditions financières.

Deux conséquences majeures émanent de cette situation.

A court terme, la plus forte divergence entre la politique monétaire de la Fed et celle de la BCE risque d’amplifier la faiblesse de l’euro s’échangeant actuellement à moins de 1,10 contre USD et proche de la parité contre le franc suisse. Même si le conflit ukrainien a conduit les marchés à revoir à la baisse le nombre de relèvements du taux des fonds fédéraux (6 hausses de 25bp contre 7 avant l’envahissement de l’Ukraine), le resserrement monétaire de la Fed ne devrait pas être remis en cause. Dès lors, le rythme et l’intensité de normalisation de la politique monétaire de la Fed seront supérieurs à ceux de la BCE.   

A moyen terme, la baisse de la demande alimentera un ralentissement de la croissance économique en zone euro en 2022 plus proche des 3%. Ce dernier niveau reste élevé. Néanmoins, le risque de stagflation, qui n’est pas le scénario central, devrait être davantage discuté ces prochaines semaines. Dans ce contexte, un nouvel interventionnisme budgétaire pourrait advenir afin de compenser les effets négatifs de l’inflation sur les acteurs économiques.

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