Banques centrales: un dernier tour et puis s’en vont

Jean-Christophe Rochat, Banque Heritage

2 minutes de lecture

La Fed va-t-elle se permettre un tour de vis supplémentaire et risquer de faire dérailler l’économie US, alors même que son pire ennemi, l’inflation, semble mettre un genou à terre?

©Keystone

La Banque centrale européenne a donc ouvert le bal des annonces la semaine dernière, en décidant du relèvement de ses trois principaux taux directeurs de 25 points de base, portant le taux de dépôt à 4%, son plus haut niveau depuis la naissance de l'euro. S’il n’y avait pas de consensus clair avant la réunion du comité directeur, l’annonce n’a pas créé plus de surprise que cela sur les marchés, tant les indicateurs restent insatisfaisants sur le front de l’inflation.

La progression des prix au mois d’août est restée stable à 5,3%, au-dessus des 5,1% attendus par le consensus. La hausse des prix de l’énergie, en partie orchestrée par les pays membres de l’Opep+, vient clairement perturber le travail de la BCE. Sa présidente, Christine Lagarde, l’a d’ailleurs reconnu durant sa conférence de presse. Et les projections de la BCE le reflètent également, avec une inflation plus élevée que prévu en 2023 (5,6%), comme en 2024 et 2025, année où l’on pourrait atteindre l’objectif des 2%. Le consensus pour le moment table sur un statu quo de la part de l’autorité monétaire lors de ces prochaines réunions. Le marché obligataire semble être d’accord avec ceci. Pour l’instant…

Avec une croissance qui certes ralentit, mais reste positive, et un marché de l’emploi toujours aussi fort, la BNS pourrait être tentée de ne pas relever ses taux cette semaine.

S’il était assez compliqué de se prononcer quant à la décision de la BCE tant l’inflation est encore prononcée, ça l’est également concernant la décision de la Banque national suisse, tant l’inflation est ici… contenue! Avec une progression au mois d’août de seulement 1,6%, la Suisse continue son parcours d’élève modèle, grâce aux nombreuses interventions de sa banque centrale et à la force de sa monnaie, toujours recherchée en période de fortes incertitudes.

Avec une croissance qui certes ralentit (+0,5% en rythme annualisé au deuxième trimestre), mais reste positive, et un marché de l’emploi toujours aussi fort, la BNS pourrait être tentée de ne pas relever ses taux cette semaine, ce qui déjouerait les pronostics. Mais face à un coût de l’énergie en hausse, et qui devrait continuer sur cette tendance jusqu’à la fin de l’année, et aux potentiel relèvement de certains loyers après l’augmentation du taux référence hypothécaire décidée par l’Office fédéral du logement, l’organisme de régulation monétaire pourrait jouer la carte de la sécurité et emmener son taux directeurs à 2% lors de sa réunion cette semaine.

Quid alors de la Réserve fédérale américaine? Car c’est bien l’annonce de la Fed qui donnera le ton. Le consensus ne s’attend pas à une nouvelle hausse de taux pour ce mois de septembre et table même sur un statu quo jusqu’à la fin de l’année. Trop de complaisance ou simplement une réalité économique… bien réelle justement? Certes l’inflation est repartie à la hausse durant l’été, l’IPC global remontant à 3,7% en glissement annuel en août, après avoir atteint les 3% au mois de juin. Ici encore, le coût de l’énergie pèse sur l’indice de référence.

Mais si l’on regarde de plus près, le phénomène de désinflation reste présent aux Etats-Unis, avec un indice IPC de base à 4,3% le mois dernier, confirmant une nouvelle fois la tendance baissière. Oui l’énergie fait craindre un regain d’inflation, mais en parallèle, le marché de l’emploi semble enfin se détendre, et l’économie continue de ralentir. La dépendance des banques au BTFP (Bank Term Funding Program) est réelle, les emprunts contractés par les banques américaines s’élevant à plus de 100 milliards de dollars à la fin du mois d’août. La Fed va-t-elle se permettre un tour de vis supplémentaire, risquant de faire dérailler une économie bien fragile? Alors même que son pire ennemi, l’inflation, semble mettre un genou à terre? Ce serait tout à fait étonnant.

A lire aussi...