La fin du syndrome «TINA» (there is no alternative to equities), et peut être paradoxalement, après une année dévastatrice, le retour des portefeuilles 60/40 en 2023?
Ce mois de septembre valide décidément les statistiques de saisonnalité selon lesquelles il ne fait pas bon être pleinement investi au mois de septembre, avec en moyenne des performances actions négative à la rentrée sur base historique.
Au-delà de l’ampleur de la correction journalière enregistrée mardi 14 septembre, et provoquée par une publication de l’inflation supérieure aux attentes, il y a des enseignements importants à tirer sur le comportement actuel des marchés et ce qu’ils intègrent.
Premièrement, dans ce nouveau contexte de stagnation et de normalisation monétaire où les banques centrales ne sont plus la fonction de réassurance des marchés, le régime de volatilité semble bel et bien normalisé entre 20 et 30. Les rares moments cette année où la volatilité des actions américaines est venue tangenter ce niveau de 20 fut de facto une opportunité de vente des rebond de court terme dans un bear market.
Deuxièmement, après 8 mois de correction sur les marchés obligataires et actions, force est de constater que ces deux marchés n’intègrent pas aujourd’hui exactement les mêmes hypothèses. L’écartement important des spreads des obligations d’entreprises intègre une dégradation des fondamentaux que le marché actions peine encore à appréhender à l’issue d’une saison de résultat globalement positive. Aujourd’hui, pour la première fois depuis de nombreuses années, le rendement des obligations d’entreprises de notation BBB se rapprochait de l’earnings yields des actions américaines (résultats/cours de bourse). Ce point parmi d’autres explique que le potentiel de baisse des marchés actions n’est pas épuisé. Le moment du renforcement des risques interviendra peut-être entre un virage de la Fed fin 2022/début 2023, mais à court terme, la tendance reste mal orientée.
Troisièmement, de la même manière que les marchés actions avaient surjoué un tournant dovish à Jackson Hole après une lecture un peu trop favorable de la réunion de la Fed de juillet, les investisseurs étaient positionnés massivement pour une contraction de la tendance d’inflation et ont été pris à rebours. Cela dénote une tendance à extrapoler un peu trop rapidement la tendance des dernières données mensuelles, et un biais de sélection et d’interprétation. En résumé, les marchés n’intègrent pas vraiment l’hypothèse d’un hard landing de l’économie mondiale ni l’idée que les taux longs américains puissent dépasser 4%. Depuis le début d’année, nous avons essentiellement vécu un ajustement des marchés actions à une remontée des taux longs, et ce qui se joue désormais réside dans l’intégration d’une baisse des marges des entreprises dans un contexte de ralentissement plus prononcé, qui porte en lui des effets de second tour important sur l’investissement des entreprises.
Ceci nous amène donc à prendre en considération ce que produit cette remontée de taux dans de nombreux pays ajoutée à la restructuration de l’immobilier chinois et au bouclier énergétique européen : un désendettement de la sphère privée, et une poursuite de l’endettement des États, qui cette fois ci n’est plus soutenu par une politique monétaire aussi favorable. La toile de fond de cette tendance, c’est le nouveau paradigme que nous avions décrit au lendemain du déclenchement du conflit en Ukraine : un monde de déséquilibres croissants et d’interdépendances révélés au grand jour, un monde de restriction monétaire et énergétique succédant à une décennie d’excédents de liquidités et de matières premières. Et dans ce nouveau paradigme, la politique économique est beaucoup moins manœuvrante que pendant la décennie passée. Les jours où la politique de taux zéro pouvait subventionner une politique budgétaire expansionniste semblent révolus.
Nous assistons donc à une adaptation rapide, parfois violente, et non linéaire, à ce changement de cadre. La bonne nouvelle pour les épargnants et les investisseurs demeure le retour du rendement nominal, qui masque mal la difficulté à lutter contre l’érosion des rendements réels. C’est la fin du syndrome «TINA» (there is no alternative to equities), et peut être paradoxalement, après une année dévastatrice, le retour des portefeuilles 60/40 en 2023? Ces divergences économiques et monétaires au niveau mondial marquent aussi le retour de la diversification géographique dans les portefeuilles, dont la volatilité des devises est la parfaite illustration.