Le recours aux actifs moins vulnérables à la hausse des taux doit être allié à un équilibrage des secteurs et styles pour éviter une exposition trop forte aux aléas du cycle économique.
Inflation plus élevée et persistante, accélération du resserrement monétaire, craintes sur la croissance économique: l’environnement macroéconomique se transforme et vient rendre plus complexe l’équation pour les investisseurs actions en termes de choix de style, tout en étant porteur d’opportunités. En l’occurrence ces derniers peuvent cibler les actions à dividendes élevés pour leur moindre vulnérabilité à la hausse des taux, tandis que le rendement proposé par celles-ci offre également une protection non négligeable contre l’inflation, mais à condition d’équilibrer les secteurs et styles de manière à éviter une exposition trop forte aux aléas du cycle économique.
Le triple contexte d'inflation plus élevée, de taux d’intérêt en hausse et de faible croissance constitue en effet un défi pour de nombreux secteurs:
- Les secteurs de croissance chèrement valorisés corrigent très rapidement par corrélation avec la hausse rapide des taux d’intérêts;
- L'inflation touche principalement les secteurs de la consommation ainsi que les entreprises à faible «pricing power», incapables de répercuter la hausse des prix des intrants (notamment l'énergie) sur leurs clients;
- La baisse de la croissance a généralement un impact négatif sur les secteurs les plus cycliques, mais dans le cas d'un choc inflationniste lié à l'énergie et à la hausse des taux, la consommation cyclique est particulièrement vulnérable (pressions sur les marges et sur la demande).
Depuis le début de l'année, ce sont surtout les styles Value et High Dividends qui ont surperformé le marché, offrant une combinaison attrayante de valorisations raisonnables, de moindre exposition à la hausse des taux et de protection contre l'inflation. Et désormais, face au risque accru de récession, les valeurs défensives à dividende soutenable sont aussi recherchées. Au contraire, les secteurs ayant le plus souffert ces derniers mois regroupent des valeurs hautement valorisées et affichant de faibles flux de trésorerie disponibles, ainsi que des valeurs liées à la consommation, avec des menaces potentielles sur les volumes de vente et les marges.
Tout cycle d'inflation et de normalisation monétaire s'accompagne d'un ajustement des paramètres de valorisation touchant l'ensemble du marché, mais avec un ajustement plus prononcé pour les valeurs de croissance. Pendant le choc inflationniste qui a duré du début 1972 à la fin 1982, le ratio cours-bénéfices du S&P 500 a ainsi été divisé par trois. L'indice hors dividendes a enregistré une performance relativement stable, tandis que son homologue avec dividendes réinvestis a vu son niveau presque doubler sur la période, ce qui a aidé les investisseurs à résister aux pressions inflationnistes (l'IPC américain a été multiplié par 2,3 au cours de la même décennie). En d’autres termes, l’investisseur ayant réinvesti ses dividendes a pu préserver une partie de son capital en termes réels.
Au cours de la dernière décennie, les actions à dividendes élevés ont eu tendance à sous-performer le marché car les investisseurs, concentrés sur les valeurs de croissance dans un contexte de faibles rendements, étaient prêts à payer des multiples élevés. La performance de la dernière décennie a donc été tirée par la croissance des bénéfices et l'expansion des multiples de valorisation. Le contexte est désormais complètement différent. Dès lors que les investisseurs ne parient pas sur une appréciation des multiples et n’anticipent pas une forte croissance des bénéfices, les dividendes et les rachats d'actions deviennent essentiels. Enfin, les actions à dividendes élevés (supérieur à 4 ou 5%) ont une duration beaucoup plus faible que les valeurs de croissance et s’avèrent donc moins sensibles à la hausse des rendements obligataires à long terme.
L'un des principaux pièges des stratégies à dividendes élevés consiste à investir dans des sociétés sous-capitalisées, condamnées à se recapitaliser en période difficile et à pénaliser les investisseurs via des augmentations de capital dilutives.
Un deuxième piège classique consiste à se concentrer sur les taux de dividendes versés pour l’année en cours et à ignorer l'orientation des flux de trésorerie futurs. Dans les secteurs très cycliques, les dividendes ne sont pas toujours résilients, notamment si l'entreprise est endettée.
Un troisième piège consiste à ignorer les rendements des flux de trésorerie disponibles, qui sont essentiels pour évaluer la durabilité des flux de dividendes.
Les investisseurs doivent donc être prudents lorsqu'ils associent des actions à dividendes élevés et des actions à dividendes durables. Dans le contexte actuel, une stratégie de dividendes soutenables consiste donc à équilibrer les secteurs cycliques avec des secteurs plus défensifs offrant des taux de dividendes attractif. En Europe, c’est notamment le cas du secteur automobile (dividend yield estimé à 5,9%) ou de l’énergie (4,4%) au sein des valeurs cycliques; et des télécoms (9,8%) ou de la santé (5,2%) pour ce qui concerne les secteurs défensifs (à titre de comparaison le dividend yield du STOXX 600 est estimé aujourd’hui autour de 3,7%).